2- Les 1000 tracteurs seront cédés, dit-on, aux heureux bénéficiaires à moitié prix. En attendant, l’opération a coûté au trésor public, donc au contribuable malien la somme de 13 milliards 600 millions de francs CFA.
3- C’est une commission “nationale” directement rattachée au Ministre du Développement Rural qui sera chargée de la distribution des tracteurs aux paysans selon des procédures non encore connues.
II- LES FAITS:
4- L’opération des 1000 tracteurs a été annoncée comme un “cadeau” du chef de l’État aux paysans du Mali, le 29 mai 2015, lors du Conseil Supérieur de l’Agriculture et de la Journée du paysan.
5- C’est le Conseil des Ministres du 29 juillet qui a adopté le décret d’approbation, des marchés de fourniture des tracteurs. Ainsi la société Toguna SARL a bénéficié de deux lots de 800 tracteurs pour un montant total de dix milliards 155 millions de FCFA pour un délai de livraison de 45 jours. Contrairement aux habitudes, le Conseil des Ministres du 29 juillet n’a pas précisé s’il y a eu un appel d’offres, une consultation restreinte ou une procédure d’entente directe. Le Conseil n’a rien dit des deux cents autres tracteurs qui auraient ėté fournis, selon la presse, par “Mali-Tracteurs”, une société d’assemblage de tracteurs sise à Samanko (prés de Bamako) où l’État détient 49% des actions.
6- Le PARENA est en mesure d’affirmer que les tracteurs étaient déjà arrivés au cordon douanier à Kati le jour où le Conseil des Ministres attribuait à Toguna SARL le marché de 800 tracteurs, c’est à dire le 29 juillet.
III- NOS CONSTATS ET QUESTIONS:
7- L’opération des 1000 tracteurs, c’est l’histoire d’une transaction opaque, d’un marché de gré à gré déguisé entre l’État et un fournisseur sélectionné ( sans appel d’offres, ni consultation restreinte) par le Ministre du Développement Rural et le président sortant de l’APCAM (l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali) .
8- C’est aussi l’histoire d’un grossier délit d’initiés, d’une opération fumeuse montée de toutes pièces pour les rétro-commissions et les pots de vin.
9- Les tracteurs seront livrés aux paysans à partir de septembre. Ils ne seront opérationnels qu’ à partir de mai-juin 2016 pour la campagne agricole 2016-2017. Dès lors, quelle urgence y avait-il à passer les marchés par entente directe?
10- Pourquoi avoir attribué le marché à un fournisseur d’engrais qui ne pouvait qu’importer les tracteurs? Pourquoi n’ a t-on passé le marché des 1000 tracteurs à “Mali-Tracteurs”, une entreprise installée aux portes de Bamako où l’État est actionnaire, qui emploie la main-d’œuvre locale et paie des impôts.
11- Le montage de cette opération douteuse fait de l’État malien, un acheteur, un gestionnaire et un vendeur de tracteurs. Si l’unique intention des autorités était de faciliter l’acquisition de tracteurs par les paysans maliens, pourquoi n’ont-elles pas mis en place un mécanisme simplifié qui permet aux agriculteurs qui éprouvent le besoin d’avoir des tracteurs et qui en ont les moyens de bénéficier de la subvention de 50% du prix?
12- S’agissant de prix, la presse d’État qui a couvert l’opération “Tracteurs” du 22 septembre a dit que, subventionné à 50%, le prix du tracteur reviendrait au paysan malien à six millions de francs CFA. Après enquête, le PARENA a décelé une grosse arnaque dont le paysan malien sera la victime.
Les tracteurs livrés par Toguna SARL sont de marque Foton du nom de la multinationale chinoise spécialisée dans les engins lourds, les camions et les moteurs.
Foton vend un tracteur de 50 chevaux avec les accessoires ( charrue, herse, remorque) à 10.000 dollars US, soit environ 5 millions FCFA. Livré à Bamako, le tracteur a coûté en tout et pour tout 5 millions 900.000 FCFA.
Comment peut-on acquérir un tracteur à ce prix et le vendre au paysan malien à un prix soit-disant subventionné à 6 millions?
Si l’opération était transparente et honnête, le tracteur subventionné aurait dû revenir au paysan malien à 2 millions 950.000 FCFA.
13- Manifestement, l’opération des 1000 tracteurs, est une autre histoire de surfacturation dont les finances publiques et le paysan malien font les frais. Un tracteur qui a effectivement coûté 5 millions 950.000 FCFA est facturé à l’État à 13 millions 600.000 FCFA. C’est ainsi que les 1000 tracteurs ont coûté 13 milliards 600 millions de francs CFA comme l’Essor et l’ORTM l’ont révélé.
14- En outre, que faisait le président sortant de l’APCAM aux côtés du Chef de l’État le 22 septembre dernier? Son mandat a expiré. Son bureau a été suspendu. Cette présence qui ne se justifiait nullement dénote d’une collusion entre cet acteur du monde rural et le sommet de l’État.
IV- CONCLUSION:
15- Nous sommes indiscutablement devant un nouveau scandale de l’ère IBK dont les principaux protagonistes sont les mêmes que ceux du GIE de l’engrais frelaté, à savoir le Ministre du Développement Rural ( Bocari Tréta) et le président sortant de l’APCAM (Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali ( Bakary Togola).
16- Le 17 juillet dernier, à l’occasion de l’Aid El Fitr, le président de la République a promis à la communauté musulmane du Mali et au peuple malien tout entier qu’il serait “désormais intraitable” vis à vis des “dérives” qui émaillent sa gouvernance depuis son accession au pouvoir et qu’il combattrait particulièrement ” les rétro- commissions”.
17- Le 29 mai, lors du Conseil Supérieur de l’Agriculture, le Chef de l’État avait promis de sévir contre ceux qui sont impliqués dans l’affaire de l’engrais frelaté. Pour sa part, le Premier ministre avait dit, le 11 juin, aux députés qui adoptaient sa Déclaration de politique générale, qu’il n’y aurait pas d’impunité dans le scandale de l’engrais. Ces paroles prononcées solennellement n’ayant pas été suivies d’actes, un autre scandale a éclaté dans le même secteur agricole, avec les mêmes acteurs.
Le président va t-il continuer à couvrir de son autorité les histoires douteuses de milliards, de marchés de gré à gré, de délits d’initiés, de surfacturations et de rétro- commissions?
18- Vouloir moderniser l’agriculture est une intention louable. Mais peut-on, sous couvert de modernisation, monter une opération dans laquelle l’État et le paysan malien sont grugés?
La lutte contre la pauvreté et pour la promotion du paysan malien passe par des pratiques de bonne gouvernance et une utilisation rationnelle et honnête des maigres ressources de notre pays.
Le PARENA invite le président de la République à faire toute la lumière sur l’affaire des 1000 tracteurs.
Bamako, le 30 septembre 2015
Le Comité Directeur du PARENA.