Avec très curieusement l’aval, entre autres, de la France qui aurait dû pourtant se sentir visée par l’histoire du paiement de rançon. Le Niger jusque-là un peu en retrait allait se retrouver au cœur de la tourmente. Le lendemain, sept expatriés sont kidnappés à Arlit et un peu plus de trois mois plus tard, c’est le rocambolesque enlèvement des Français Delory et Leocur en plein centre de Niamey avec son dénouement tragique et son affligeante controverse. Ladite réunion suit celle de Bamako en novembre 2008, puis d’Alger en mars 2010 avec les ministres des affaires Etrangères des mêmes pays du champ. Accorder les violons était le défi majeur.
Mais force est de reconnaître qu’en l’absence de la rencontre au sommet voulue par la partie malienne, une certaine décrispation est notée entre les principales victimes de la zizanie salafiste à partir de mars dernier. Les évolutions de la diplomatie malienne n’y sont pas étrangères. Bamako abrite coup sur coup, en avril et en mai, une rencontre des ministres et une autre des Etats majors. On est loin de l’ambiance électrique de l’été d’avant où les sécuritaires du G8 et de l’espace sahélo-saharien « at large » réunis dans la capitale malienne soulevaient l’ire d’Alger soucieuse d’éviter une afghanisation du phénomène terroriste.
Ensuite, cerise sous-régionale sur le gâteau algérien, les diplomates du champ condamnent à Bamako et sans équivoque le paiement de rançons aux ravisseurs. Mais en mai dernier, Bamako corrèle la crise libyenne et le cauchemar sécuritaire du Sahel dont les experts craignaient la déstabilisation à un niveau jusque-là inégalé. Le penchant pro-libyen ambiant pouvait faire penser à un épouvantail destiné à calmer les ardeurs de l’Otan. Avec le temps et surtout en ces heures, il est évident que c’était plutôt un beau travail d’anticipation. Attaqué, Kadhafi a recruté des Ishoumars – déformation du chômeur en Tamasheq – de la sous région pour renforcer ses armées. Mercenaires dans le lexique international, mais de simples salariés dans le contexte de précarité que connaît le Sahel.
Ensuite, le Guide acculé a ouvert ses dépôts d’armes, ce qui eut pour conséquence de rendre disponible pour le trafic un arsenal de type nouveau -missiles- qui ne ferait que renforcer Aqmi. Enfin, dans la débandade, troupes et proches de Kadhafi cherchent les issues de secours et le Sahel via l’Algérie n’en manque pas. C’est d’ailleurs une Algérie hôte d’une partie de la famille Kadhafi qui reçoit les pays du champ. Alger se veut persuasif en invoquant les accords d’extradition le liant à la Libye. Mais coopération judiciaire suppose reconnaissance mutuelle.
Or le pays de Boutef n’en est pas encore là concernant le Cnt. Lequel n’est explicitement reconnu que par le Niger qui doit maudire la nature d’en faire le passage obligé de l’onde de choc libyenne. En politique, l’implicite peut avoir son pesant d’or. Et sans doute, toute la signification de la présente rencontre d’Alger se trouve là. Par la nouvelle dimension des menaces, le Sahel ne peut être la chasse gardée du champ. Boutef sait que l’enjeu de stabilisation de la Libye et celui de la stabilité du Nigeria – lien entre Boko Haram et Aqmi- mondialisent désormais le périmètre qu’il entendait contrôler. Ces enjeux sont aussi la limite des pays du champ. Le reste est simplement une question d’édulcorant.
Adam Thiam