A l’issue d’une assemblée générale le dimanche soir au siège de la CSTM, les agents avaient décidé d’organiser hier un sit-in devant la direction de 6 h à 18 h. Les travailleurs de Securicom ont pris leur direction en otage toute la journée d’hier. Le secrétaire général du comité syndical des agents de la sûreté aéroportuaire, Abdourahamane Tabouré, et ses camarades ont manifesté sans violence, ni injure.
« Nous allons assurer nous-mêmes la sécurité sur les lieux, pour éviter tout dérapage afin de montrer que nous ne sommes pas violents, contrairement à ce que nos patrons font croire aux populations », a déclaré M. Tabouré. Et d’ajouter qu’une marche n’est pas exclue dans les prochains jours.
Sourde oreille
Dès le début de la crise, la direction régionale du travail de Bamako avait demandé au patron de Securicom de dialoguer avec ses employés sur les points de discorde. Malgré cette suggestion, les patrons de Securicom continuent de faire la sourde oreille.
Et la direction régionale du travail a, à son tour, refusé d’autoriser la décision de licenciement des agents grévistes prise par la direction de Securicom, car les motifs avancés par la direction de Securicom sont ne sont pas valables à ses yeux.
Dos au mur, la direction Securicom procède au recrutement de jeunes sans expérience pour remplacer les agents grévistes. Selon nos informations, ces jeunes recrues ne sont pas acceptées par certains partenaires de Securicom, pour manque d’expérience.
Cette crise a étalé au grand jour le vrai visage de Securicom qui était considéré jusqu’ici comme l’une des rares sociétés de sécurité où il faisait bon vivre. Mais, à en croire des témoins, les employés y travaillent comme des forçats, sans droit d’ancienneté, sans augmentation de salaire, sans heures supplémentaires, ni sécurité sociale. C’est cette situation que les travailleurs veulent inverser, définitivement.
Historique de la crise
Securicom est une société de sécurité et de protection des personnes et de leurs biens. Elle est implantée dans plusieurs pays d’Afrique et en France. Depuis 2002 elle est représentée au Mali. Aujourd’hui, elle emploie plus de 5000 agents. Securicom s’occupe de la surveillance et de la sécurité de l’aéroport international de Bamako-Sénou et de beaucoup d’autres services stratégiques dont des ambassades.
Aux premières heures de sa création au Mali, aucun comité syndical n’avait pu être créé par les travailleurs. Les premiers agents qui ont tenté cette aventure ont été remerciés par la direction.
Malgré les menaces, certains travailleurs ont décidé de braver cette interdiction en mettant en place le « comité syndical du Securicom Protect », dont le secrétaire général est Aboubacar Ousmane. Son objectif : défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs de Securicom.
A la mi-février 2014, les agents de Securicom chargés de la sûreté aéroportuaire ont informé la direction générale de la mise en place d’un autre comité syndical : « comité syndical des agents de la sûreté aéroportuaire ».
Informée, la direction générale n’a pas hésité à notifier aux initiateurs de ce comité syndical une décision de mutation de l’aéroport de Bamako-Sénou où ils travaillaient, en violation de la législation du travail en matière de mutation des délégués syndicaux. Leur seul crime, c’est d’avoir pensé à mettre en place un comité syndical.
Pis, la direction de Securicom a accusé ces délégués syndicaux de vol de biens des passagers à l’aéroport pour justifier sa décision. Comme si cela ne suffisait pas, la direction générale licenciera, sans autre forme de procès, 13 délégués syndicaux dont les membres du nouveau comité syndical et certains du comité de Securicom Protect.
Mais le hic est qu’au moment où la direction de Securicom s’oppose à la mise en place d’un comité syndical, elle a financé la création d’un comité syndical parallèle qui a vu le jour, le mardi 11 mars 2014 au Centre international de conférence de Bamako (CICB).
Ce comité syndical, selon nos sources, n’est composé que de contrôleurs de Securicom, donc des proches de la direction, voire des amis du directeur général de Securicom, Mamadou Sidibé. Contrairement aux deux autres comités syndicaux qui sont affiliés à la centrale syndicale CSTM, celui financé par la direction est affilié à l’UNTM.
Plus grave, le patron de Securicom aurait confié à certains délégués syndicaux, qu’il n’est pas contre la mise en place des comités syndicaux, mais qu’il est contre le fait que ces comités syndicaux sont affiliés à la CSTM. « La direction veut qu’on quitte la CSTM pour être affiliés à l’UNTM qui défend les intérêts des employeurs et non ceux des employés », nous a confié un délégué syndical au siège de la CSTM.
Après avoir informé la direction régionale du travail de Bamako et la centrale syndicale CSTM du licenciement et de la mutation « illégale » de leurs délégués syndicaux, les deux comités syndicaux (comité syndical des agents aéroportuaires et le comité syndical de Securicom Protect) déposent, le 4 mars dernier, un préavis de grève de 72 h.
La grève était prévue du 12 au 14 mars. Mais suite à la médiation de la direction régionale du travail, les travailleurs et la direction étaient convenus sur l’annulation des licenciements, le respect de la législation du travail en matière de licenciement des délégués du travail, mais aussi et surtout de la levée du préavis de grève.
A l’issue de cette rencontre, un procès-verbal de réconciliation a été signé. Il est indiqué dans ce PV que la direction de Securicom devait recevoir le 13 mars le comité syndical de la sûreté aéroportuaire afin d’ouvrir le dialogue sur les différents points de revendication. Mais il nous est revenu qu’à la dernière minute, la direction de Securicom a changé d’avis. Non seulement, elle a refusé de recevoir les membres du comité syndical, mais elle refuse radicalement d’annuler les décisions de licenciement des délégués syndicaux. Et ce qui devait arriver est arrivé.
Les travailleurs membres des deux comités syndicaux qui sont dans le collimateur des responsables de Securicom ont décrété depuis vendredi matin une grève de 72 h, conformément à leur précédent préavis de grève du 4 mars dernier qui indique que « la grève sera immédiatement reconduite dans les jours suivants en cas de non-satisfaction lors des concertations ».
A en croire certains délégués syndicaux que nous avons rencontrés au siège du CSTM, la grève a été réussite à 70 %. Ce sont des centaines d’agents de Securicom qui ont abandonné leur poste, vendredi et samedi pour se regrouper au siège de la CSTM.
« Nous sommes prêts à reprendre le travail quand la direction sera disposée à nous recevoir et à ouvrir le dialogue sur nos points de revendication », a affirmé le secrétaire général du comité syndical des agents aéroportuaires, M. Tabouré.
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette situation semble paralyser déjà les activités de Securicom au niveau de plusieurs services stratégiques dont l’aéroport de Sénou où elle s’occupe de la surveillance et de la sécurité des personnes et de leurs biens. Cette crise risque de coûter cher à la société Securicom, du moins si des mesures ne sont pas prises, urgemment pour la dissiper.
Ne sachant plus où mettre de la tête les patrons de Securicom seraient en train de recruter des jeunes sans expérience pour remplacer les grévistes.
A. D.
L’ Indicateur du renouveau 2014-03-18 13:46:26