Selon certains observateurs, le retrait du Mali des forces française et européenne Barkhane et Takuba pose la question de l’avenir de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) créée en 2013 pour soutenir le processus politique malien.
Une mission qui compte officiellement 15 000 hommes. Mais, selon des diplomates à l’ONU, le départ de Barkhane et Takuba pourrait entraîner des départs à moyen terme de contingents européens (Angleterre, Allemagne…) qui contribuent jusqu’à présent à cette force des Nations unies.
Et visiblement, Emmanuel Macron compte utiliser la Minusma comme bouclier pour garder un pied sur le sol malien. En effet, le président français Emmanuel Macron a rejeté vendredi (18 février 2022) l’exigence de Bamako de retirer les soldats français «sans délai» du Mali. «Nous avons annoncé la ré-articulation du dispositif et il s’appliquera en bon ordre afin d’assurer la sécurité de la mission des Nations unies et de toutes les forces déployées au Mali. Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité», a averti le chef de l’Etat français. «La Minusma une force qui est sans matériels et sans sécurité au Mali», a déclaré le président Macky Sall du Sénégal interrogé vendredi dernier par la presse française.
Cette réaction en chœur ne surprend pas d’autant plus que le président Sall faisait partie des dirigeants africains invités par Macron pour un mini-sommet à l’Elysée à la veille de l’annonce du retrait du Mali des forces française et européennes Barkhane et Takuba. Sauf que dans les documents à notre portée, nous ne voyons mentionner nulle part que c’est la France qui doit assurer la protection de la mission onusienne. Comme l’a dit un confrère, «Si les Casques bleus de la Minusma ne peuvent pas se protéger eux même, comment ils espèrent protéger les civils alors» ? Mais, si tel est effectivement le cas, nous pensons qu’il est du devoir de nos autorités de se battre pour que le mandat de la Minusma ne soit plus renouvelé.
Etant déjà confronté à des problèmes de financement pour rendre sa force conjointe totalement opérationnelle, le G5 Sahel voit aussi son avenir s’inscrire en pointillé avec la crise diplomatique entre certains pays membres suite à la tension entre Bamako et Paris. La 7e réunion ministérielle du G5 Sahel 5 (Mauritanie, Mali, Burkina Faso Niger et Tchad) et de l’UE a été ainsi ajournée parce que le Niger ne voulait pas s’asseoir à la même table que le Mali et le Burkina Faso parce que le pouvoir en place dans ces pays est issu de putsch.
Mais, nous savons tous que cette position est dictée par la France dont le président nigérien est aujourd’hui un fervent défenseur sur le continent. Depuis l’élection de Mohamed Bazoum, le Niger s’aligne systématiquement sur les positions de la France au Sahel et ne rate aucune occasion de s’en prendre au Mali. En raison donc de ce désaccord entre ces pays autour de cette rencontre, le Général Mahamat Idriss Deby Itno (qui assure la présidence du G5) a demandé l’ajournement de cette rencontre qui devait aborder des questions relatives à la gestion de la transition et à la sécurité au Sahel.
Le retrait du Mali de Barkhane et de Takuba va aussi avoir un impact sur les pays de la région menacés par la contagion jihadiste.
«Le départ de Barkhane et Takuba crée un vide. Nous serons obligés d’acheter des armes, d’avoir une plus grande professionnalisation… Mais, c’est notre devoir aussi. Les armées nationales doivent régler les problèmes sur nos territoires nationaux et c’est cela notre philosophie», a expliqué mercredi dernier (16 février 2022) le président ivoirien Alassane Ouattara dans un entretien à RFI et France 24.
Lancée le 1er août 2014, l’opération Barkhane avait pour but, dans un premier temps, de lutter contre la montée du jihadisme dans les pays de la bande sahélo-saharienne (Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad). A l’origine, l’opération était une réussite car les villes du nord du Mali ont été libérées et les grandes bases djihadistes démantelées. N’empêche que, ces dernières années, on a assisté à un retour en masse des djihadistes dans le Sahel ainsi que l’apparition de nouveaux groupes terroristes. «Aujourd’hui 75 % du territoire malien échappe à l’autorité de Bamako», a récemment déploré Michel Goya, historien et ancien officier des troupes de marine. Depuis 2013, 53 soldats français ont été tués au Sahel, dont 48 au Mali.
Naby