Le dimanche 17 novembre 2019, j’ai (Ibrahim Ikassa Maïga, ndlr) été l’objet d’une attention particulière de la Chaine télévisuelle française TV5-Monde, sur fond de demande d’interview sur le sujet des propos et réactions subséquentes de notre SALIF KEITA NATIONAL. Chose que j’ai allégrement acceptée pour être effectivement faite en début d’après-midi le même jour, avec une diffusion supposée en soirée, dans le Journal-Afrique du jour ou peut-être du lendemain, donc le lundi 18 courant. Devenu assidu devant mon Plasma, je n’ai en définitive rien vu ni entendu, soupçonnant une «censure» que pourrait augurer la trempe de mes réponses aux trois (3) questions posées.
Le Matin vous propose ici cette interview visiblement censurée.
Question 1 – Pourquoi vous pensez que les propos de Salif sont vrais?
Ibrahim Ikassa Maïga : Je ne serais pas l’exégète des propos de Salif Keita, je suis un observateur de ma société. Et au-delà des fioritures qui pourraient écumer son message, je m’intéresse à la problématique qu’il soulève collée à l’actualité et à l’acuité du drame malien. Ce que Salif a dit est largement partagé par la population du Mali. Et pour cause, lors de l’attaque meurtrière de Boulkessy, ayant fait une quarantaine de morts, des témoignages radiodiffusés ont fait état du survol voire de l’atterrissage d’avions de l’armée française sur les lieux 48 heures avant le drame. Qui plus est, des signalements d’engins non identifiés par des habitants de ces zones éloignées, autant au nord du fleuve Niger que dans le Gourma et le sud de la région de Mopti, circulent sur les réseaux sociaux.
Mais, ce qui a provoqué ma réaction à travers la «Lettre à l’Ambassadeur», c’est l’immixtion inopportune et provocatrice d’un diplomate étranger dans le cours du message d’un Citoyen malien adressé directement et personnellement à son Président. Le devoir de réserve qui sied à sa fonction et à son statut de diplomate lui aurait commandé d’emprunter, comme il le désire, les voies et moyens appropriés plutôt que verser dans un débat maliano-malien.
Et le samedi 16 novembre 2019, pour le grand malheur de l’ambassadeur de France à Bamako, nous découvrons sur les réseaux sociaux le fac-similé d’un courrier du Chef d’état-major des armées du Burkina Faso adressé à l’attaché militaire de l’Ambassade de France à Ouagadougou et qui relève, cette fois-ci de façon officielle, des faits et actes similaires tels que décriés plus-haut au Mali. Eh bien c’est tout cela qui donne du crédit au propos de Salif KEITA.
Question 2 – Est-ce que ses propos ne sont pas diffamatoires ?
Ibrahim Ikassa Maïga : De quelle diffamation vous parlez ? Salif Kéita n’est pas homme de presse, à ce que je sache. Du reste, la qualification d’un tel délit reviendrait à un juge saisi. Et ça c’est une autre histoire ! Et d’ailleurs, ce que Salif dit, c’est ce que bon nombre de personnes pensent et disent : des hommes politiques ; des leaders religieux ou de la société civile ; des manifestants épouses et enfants de militaires à Bamako, Kati ou Sévaré ; des activistes ; des journalistes ; des chroniqueurs et des analystes. De plus, voyez le cas du Chef d’Etat nigérien, Mahamadou ISSOUFOU, qui a formellement mis en cause l’enclave de Kidal d’où «se préparent toutes les attaques terroristes sur le Niger» (sic !).
Sauf erreur, ces propos n’ont, en leur temps, pas été qualifiés de diffamatoires. Non ! Ce que Salif a dit n’est que la résultante de ce qui se dit à longueur de journée au Mali et ailleurs, mettant en cause l’ambiguïté de l’assistance française et internationale au Mali, dans la lutte contre le terrorisme et le recouvrement de l’intégrité de son territoire national. Cette assistance ne semble pas du tout franche et résolue, d’où les «interrogations affirmatives» !
Question 3 – Est-ce que le Président ou l’Ambassadeur de France ne peuvent pas porter plainte contre lui?
Ibrahim Ikassa Maïga : Je ne suis pas leur conseil juridique. Mais sur ce coup-là, on en sera là que je le leur déconseille vivement. Car, ce serait comme assigner l’ensemble de la population malienne qui répondra en bloc, derrière Salif KEITA devant la justice.
D’ailleurs ce serait une formidable tribune pour tous ceux rongent leurs freins et qui cherchent l’occasion d’un exutoire : les associations et activistes maliens voire africains, les victimes et familles de victimes, les populations qui seront appelés en témoins pour soutenir Salif dans ses déclarations. A mon sens, la France «des droits de l’Homme» ne se relèvera pas si tôt des conséquences d’un tel procès fait à un homme de culture, une icône nationale, dont le courage force l’admiration et donne des ailes aux Maliens meurtris par les contours insaisissables et macabres de la crise multidimensionnelle qui perdure en s’empirant.
Ibrahim Ikassa Maïga
Enseignant FDPRI/USJP