Dans une interview qu’il nous a accordée, le président du Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES), Sadou Harouna Diallo, non moins maire de la commune urbaine de Gao, appelle l’opposition à la cohésion et à taire les critiques stériles pour une union sacrée. Il plaide également pour le retour de son mentor, l’ex Président ATT, en exil à Dakar. Il fait également un tour d’horizon de la situation sécuritaire du pays.
Depuis quelques semaines, vous avez entrepris une tournée à l’intérieur des sections du PDES. Quelles en sont ses objectifs?
Sadou Harouna Diallo: Je suis à la tête de ce parti depuis 5 mois. Le premier jour où mes camarades m’ont confié la tête du parti, j’ai décidé de ne pas rester sur place, dans les bureaux du Comité Directeur National (CDN) et raconter des histoires. A ce titre, comme je suis un homme de terrain, j’ai décidé de faire le tour du pays, dans les régions pour savoir ce qui reste de la cendre du PDES. Je dis, parce que vous, lorsqu’un parti est au pouvoir et qu’il le perd, à la suite d’un coup d’Etat, c’est de la cendre qui reste. Quand on le perd démocratiquement, c’est différent. J’ai sillonné en premier lieu la région de Koulikoro. Cette étape a été couronnée de succès.
Je me suis dis qu’au Mali il y a des hommes et des femmes dignes. Qui savent ce qu’ils veulent et qui respectent ce qui est en vie sur place. Cela m’a encouragé à continuer ma mission. J’ai été ensuite à Ségou. Là, le succès était également au rendez-vous. Le samedi dernier j’étais à Sikasso et c’était l’apothéose.
Parce qu’à Sikasso, j’ai constaté que je suis même plus célèbre qu’à Gao. Parce que dans la salle, il y avait plus de 1500 personnes et dont les 500 proviennent des associations et des clubs de soutien à Sadou Harouna Diallo. Ce que je ne savais pas. Je l’ignorais complètement. J’ai été ému par cela. Je suis fier de ce que je suis en train de faire et également fier des Maliens. Je me suis que les Maliens sont patients et savent attendre. soit le vent qui souffle, ils savent attendre. C’est ce que j’appelle la dignité. Le Malien a de la dignité.
C’est pourquoi, j’ai un message pour ce pays. C’est un pays qui a beaucoup de problèmes comme il n’en a jamais eu et tout comme aucun pays au monde. C’est un ancien empire avec une vieille civilisation et une culture très riche. C’est pourquoi, il tangue mais il ne chavirera jamais. Chaque gouvernant a ses réalités qu’il faut accepter. Alors, le message que je lance à tous ceux qui sont restés de la cendre, je dis, opposition, certes, mais je souhaite une opposition constructive. Parce que nous sommes dans un pays qui n’a besoin pas d’une opposition farouche. Nous sommes quand un pays est en voie de développement. C’est dans pays développé qu’on peut faire de l’opposition farouche. Quand la situation du pays est critique, il faut approuver, il faut accompagner. La chance que notre parti a c’est qu’il est différent des autres partis. Nous avons créé ce parti autour d’un homme de paix, qui est le Président ATT.
C’est un homme de paix, de grande culture, plein de qualités. Alors, nous étant héritiers, moi président du parti, je ne souhaite pas faire ce qui lui déplait. Résultat : je ne peux pas être à une opposition radicale. Insulter le pouvoir en place, au contraire, je suis prêt à aider le parti au pouvoir. Je ne suis pas du genre à courir derrière les portefeuilles ministériels. Je ne trahirais jamais l’opposition. Mais je resterai un homme de paix. Je continuerai à cultiver la paix, à réconcilier les Maliens. C’est seulement à ce prix que le Mali pourrait redevenir le Mali d’antan que le monde entier connaît.
Donc, vous invitez l’opposition à taire les divergences, à s’unir derrière le Président de la République?
Oui! Oui! Mais je suis à l’opposition. Il s’agit bien d’une opposition constructive. Je fais toujours appelle à la société civile, les partis politiques de l’opposition à aider le pouvoir en place à gérer le pays. Parce que ce pays a besoin de tous ses fils aujourd’hui. Je n’ai pas l’impression d’être dans un pays où l’on doit créer une opposition radicale. Certes, on ne fait partie du Gouvernement, mais il est bon qu’on se côtoie, qu’on essaie de souffler dans la même direction. Parce que la tempête qui souffle sur le Mali, il est bon que tous les fils du Mali soit dans le bateau et naviguer du même bord. C’est comme cela que je vois la chose. Il y a tellement de problèmes que nous n’avons pas besoin d’en créer. C’est ce message de paix que je prône à tous mes militants et militantes. Je leur dis également que je suis honoré par fidélité au parti et de continuer à travailler à ce que le PDES devienne un grand parti Et de ne pas déranger.
Une fois vous avez déclaré qu’ATT vous demande d’aider IBK à gouverner. Etes-vous prêts à le faire?
Vous savez, je viens de vous le dire : ATT est un homme de paix. Pour ATT, il est le petit frère d’IBK. Je suis même étonné de voir des associations qui réclament le retour d’ATT. Je pense qu’il ne doit pas avoir quelqu’un qui est plus proche d’ATT qu’IBK. J’ignore ce qui empêche IBK d’aller chercher ATT. Et cela surprend. Je connais l’affection que l’un porte pour l’autre. Je connais un peu le passé de ces deux hommes, qui n’a jamais été un passé de conflit. Cela a toujours «kôrô-dôkô» (grand-frère et petit frère). Je me remets à Dieu et je demande aux croyants de faire des bénédictions pour qu’ATT revienne. L’absence d’ATT au Mali est un calvaire pour les Maliens.
Parce que vous savez, on doit toujours quelque chose à ATT. Dans ce pays, je me demande s’il y a un Malien qui ne doit pas quelque chose à ATT. Parce que c’est un homme qui a pratiqué toutes les couches socioprofessionnelles. Il a développé le Mali. Il ne faut pas l’ignorer. Le Mali est un pays de paix. Vous voyez les Maliens ont pardonné à Moussa Traoré. Du moment qu’on a pardonné à un dictateur comme Moussa Traoré, il n’y a pas de raison qu’on ne pardonne pas à un démocrate, un homme de paix comme ATT.
Donc, vous invitez le Président de la République à engager des actions pour son retour au Mali?
En tout cas, je ne me prosterne pas devant lui. C’est mon grand, mais à chaque fois que j’ai l’occasion de rappeler avec les médias, je dis qu’il est de son devoir d’y penser. Ça le grandit. Je voudrais qu’IBK soit très grand. Je ne veux que cela mette une tache indélébile sur sa personnalité. Parce que ne pas ramener ATT fera une grande tache sur son passage politique.
Quel commentaire faites-vous de la plainte portée contre IBK par une association?
Je n’ai pas de commentaire à faire parce que tous les Maliens souffrent aujourd’hui. Et quelqu’un qui parle a ses raisons de parler. Je ne condamne pas un homme pour ses propos, parce qu’il souffre. Je ne mets pas à la place d’un homme, je vis ma vie. Je suis l’homme qui peut dormir avec le serpent. Il y a des gens qui ne peuvent supporter la souffrance. Les gens souffrent aujourd’hui comme ils n’ont jamais souffert. Cela peut pousser des hommes à faire certaines revendications. Je trouve que toute revendication est légitime.
Monsieur le maire des nouvelles de Gao?
S’agissant de la situation sécuritaire, dans l’ensemble ça va. Comme partout au Mali, il y a l’insécurité mais il y a une insécurité grandissante au nord du Mali. Tout cela par la faute du retard pris dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. La priorité de cet Accord, c’est le cantonnement. Si l’on ne cantonne pas ces hommes armés, tous nos frères, Africains comme Européens, ne pourront pas faire leur mission. Parce que, chaque fois si ce n’est pas un Français qui meurt, c’est un de la Minusma ou autre. Tant qu’on ne désarme pas, qu’on ne sache qui est bandit ou terroriste, les forces de sécurité qui sont là ne pourront pas accomplir leur mission. Chaque jour qui passe, elles tombent sous les balles des assaillants. Ce n’est pas une bonne chose.
Nous sommes le pays où les Nations Unies ont enregistré beaucoup plus de morts. Et là j’en veux à la communauté internationale qui a promis des choses qui tardent à venir. J’en ai parlé avec le Premier ministre français lors de sa visite au Mali. L’action des donateurs tarde beaucoup. Chaque jour, un soldat meurt. Juste par la faute du manque de moyens pour l’Etat de procéder au cantonnement. Je pense qu’entretenir la Minusma, entretenir Barkhane, coûte deux fois plus cher, que cantonner définitivement ces gens. En cantonnant, cela facilite le travail pour notre armée. Donc, le cantonnement c’est la priorité des priorités.
Interview réalisée par Youssouf Diallo