SADOU HAROUNA DIALLO, MAIRE DE GAO « Les autorités intérimaires ne doivent pas concerner ma Commune »

Sadou Harouna Diallo, président du PDES et maire de Gao

Dans une interview qu’il nous a accordée, le maire de la Commune urbaine de Gao, Sadou Harouna Diallo, revient sur l’installation des autorités intérimaires dans le Nord et particulièrement à Gao. Pour le patron de l’hôtel de ville de la Cité des Askia, les autorités transitoires ne doivent en aucun cas concerner sa ville. Exclu du processus de démobilisation, désarmement et réintégration (DRR), M. Diallo demande aussi un traitement particulier pour la jeunesse de Gao qui a résisté face aux envahisseurs.

Vous avez dit samedi dernier à la conférence de presse des partis de l’opposition que vous n’avez pas donné l’autorisation aux jeunes de Gao de marcher le 12 juillet. Qui donc les a autorisés à marcher ?
La jeunesse a voulu marcher. Elle n’a eu l’autorisation, mais elle a marché. Quand je dis que si j’étais à Gao le 12 juillet, j’allais marcher avec les jeunes, chacun l’interprète de sa façon, mais cela veut dire que quand je suis à Gao, les gens marchent sans mort.
Sachant que la situation du pays ne permet pas une marche, en tant que autorité je ne l’autorise pas.
Mais j’allais encadrer la jeunesse afin qu’elle puisse faire ses réclamations.
Il y a eu plus de 15 marches depuis que je suis à Gao.
Quinze jours avant que je ne quitte Gao il y a eu une marche. Je n’ai pas donné l’autorisation mais je les ai encadrés et ça s’est bien passé.
La jeunesse de Gao est une jeunesse démocratique, citoyenne qui aime son pays.
Quand elle a des revendications, il faut qu’elle soit écoutée.
Pour en revenir à votre question, personne ne l’a poussé à marcher. C’était leur troisième fois de marcher pour leurs doléances.
Les deux premières ont été faites en ma présence. Les jeunes ont marché et ils sont retournés sains et saufs à la maison.
Cette fois-ci c’est parce que le gouverneur a interdit qu’ils marchent, qu’il y a eu la cassure.
Il ne fallait pas le dire.
Le dimanche, soit deux jours avant, en compagnie de mon adjoint, ils étaient partis voir le préfet pour lui dire qu’ils vont marcher même sans l’autorisation du maire et qu’ils souhaitaient être encadrés. Moi je pense que c’était un avertissement pour un Etat responsable. Les responsables du gâchis, ce sont les autorités. Je n’hésite pas à le dire.

Certains vous accusent de récupérer politiquement le drame de Gao.
Que leur répondez-vous ?
C’est une méconnaissance du paysage politique qui peut pousser les gens à le dire.
Le maire de Gao et le président du PDES que je suis, j’étais dans un parti politique j’ai démissionné 20 jours avant les élections et je me suis présenté en indépendant et j’ai passé en roue libre.
Ce qui veut dire que je n’ai rien à récupérer.
La population de Gao m’aime et elle continue de m’aimer parce que je l’accompagne dans tout ce qu’elle fait. Comment puis-je récupérer ce qui m’appartient déjà? Je n’ai pas besoin d’une récupération politique.
Je travaille. Et quand quelqu’un d’autre veut être aimé, il faut qu’il travaille.
Les discours, les combines politiques ne marchent plus.
Je suis concret. C’est pourquoi Gao m’aime autant que je l’aime. Je n’ai rien perdu de Gao.

Les jeunes de Gao veulent être impliqués dans le processus de démobilisation, désarmement et réintégration…
Les jeunes de Gao méritent autant que les autres, même plus.
Quand les autres brulaient le drapeau du Mali, ils le hissaient et très haut.
Pour ramener la paix dans ma commune, je les ai désarmés avec la collaboration des FAMa et Serval pour permettre de faire un pas vers la paix, pour permettre à nos frères tamasheqs et arabes de rentrer à Gao.
Ça m’a coûté ce que ça m’a coûté. Ils ont brulé ma maison, mes véhicules.
Tout cela je l’ai considéré comme un non-événement.
J’ai dit aux jeunes que je fais cela pour qu’on puisse vivre en symbiose ensemble.
On ne peut pas vivre sans nos Tamasheq et nos Arabes et les jeunes m’ont accompagné dans cet esprit, c’est ce qui a ramené la paix à Gao.
Aujourd’hui, ils font une réclamation légitime. Prenons nous en compte. Pas forcément dans l’armée quant ton fils te demande de le prendre en compte, il faut l’écouter.
Ce n’est pas compliqué.
Quand je sais que j’ai été partisan de la paix, partisan de la défense du Mali et qu’on ne veut pas me prendre en compte et prendre ceux-là qui ont pris les armés, je suis obligé de marcher qui est un droit constitutionnel pour réclamer mes dus.
Au lieu de cela, ils ont été traqués dans leur chair faisant trois morts et plus de 42 blessés. C’est lamentable.
Toutes les autorités qui sont passées à Gao en son temps ont jeté des fleurs à ces braves jeunes.
Aujourd’hui, il y a le partage de gâteau et on veut les laisser mourir de faim.
Mais ce n’est pas logique. Les jeunes de Gao doivent être pris en charge intégralement.
Même si ce n’est pas dans le DRR, il faut créer un volet spécial pour eux. Ils méritent cela.
Je tiens à rappeler encore une fois que la paix ne sera pas possible sans la jeunesse de Gao.
Ni les autorités maliennes, ni la communauté internationale ne peuvent ignorer ça.

A la marche du 12 juillet, les jeunes de Gao ont appelé les Songhaïs à se mobiliser pour défendre la Cité historique des Askia, est-ce qu’il n’y a pas un risque de conflit ethnique à l’horizon ?
Sincèrement ça m’inquiète.
J’ai évoqué cette question il n’y a pas longtemps dans des journaux.
Aujourd’hui, je ne suis pas satisfait de la manière dont le gouvernement gère le Nord.
Il est en train de l’ethniciser. Ça risque de nous amener à une guerre civile.
Quand j’ai entendu parler les Peuls de la zone de Mopti se réclamer d’un mouvement et quand je vois les Ifoghas et les Imghads au Niger sous l’égide d’un gouvernement étranger pour chercher un arrangement par rapport à la mise en place des autorités intérimaires et de la gestion de la ville de Kidal, ça m’inquiète beaucoup.
Quand la jeunesse de Gao est sortie aussi pour dire les Songhaïs, c’est inquiétant.
Parce qu’il n’y a pas que les Songhaïs à Gao.
On y trouve toutes les ethnies. Mais c’est la faute au gouvernement, c’est la mauvaise gestion qui pousse les gens à recroqueviller sur eux-mêmes.
A Kidal, les Ifoghas et les Imghads qui vont peur l’Etat ne sont seuls là-bas. Il y a plus de Sonrhaï, Peuls et Bambaras que d’Ifoghas à Kidal.
Vraiment c’est inquiétant.

Quel est votre position sur l’installation des autorités intérimaires à Gao ?
Je ne suis pas inquiet parce que la loi dit que les autorités intérimaires seront dans les collectivités qui ne marchent pas.
Si une commune fonctionne aujourd’hui au Mali, je pense que c’est la Commune de Gao. Gao a été bombardée, mes conseillers et moi l’ont reconstruite sans recours à l’Etat.
Nous délivrons plus d’actes de naissance que n’importe quelle commune du Mali.
Nous établissons tout autre papier d’état-civil à longueur de journée et plus que toutes les communes.
C’est pourquoi nous avons un budget énorme qui nous permet de tourner depuis quatre ans.
Je suis l’une des seules communes qui n’a pas eu de problème pour payer ses fonctionnaires, même pendant la crise.
Je ne pense pas que les autorités intérimaires doivent concerner la Commune urbaine de Gao.
Il n’y a pas de dysfonctionnement chez moi.

Quel est votre mot de fin ?
Je demande la bénédiction de Dieu afin qu’Il sauve mon pays.
Comme j’ai l’habitude de le dire souvent je n’approuve pas les erreurs commises par le régime qui ne partage pas, n’écoute pas l’opposition ni d’autres classe de société.
Je demande au Tout Puissant de donner à réfléchir au parti au pouvoir, d’écouter les Maliens pour que la paix revienne.
Si ce régime n’a pas pu faire revenir la paix, celui qui sera élu après lui, d’où qu’il vienne, ne pourra pas faire revenir la paix.
Propos recueillis par
Maliki Diallo