La sécheresse qui sévit actuellement en Europe du Nord n’affecte pas seulement les agriculteurs européens. Elle pourrait aussi avoir des conséquences sur l’approvisionnement en céréales des pays en développement dépendants des marchés internationaux, provoquant ainsi une nouvelle flambée des prix.
En tout, ce sont 70 Etats qui appartiennent à la catégorie des pays à faibles revenus déficitaires sur le plan agricole, dont 29 sont africains. La République démocratique du Congo est un de ceux dont la situation est la plus extrême car la quasi-totalité de la consommation de céréales doit être importée. Au Sénégal et au Cameroun, ce ratio tombe autour de 40%.
Les prix des denrées alimentaires flambent
Selon la FAO et de la Banque mondiale, et quel que soit l’indice de référence, le résultat est le même : les prix des denrées alimentaires flambent, menaçant ainsi 44 millions de personnes plongées dans la pauvreté extrême.
Ces derniers mois, en plus du quasi-doublement des prix du blé, ceux du maïs ont augmenté de 73%, alors même que c’est une denrée essentielle pour de nombreuses communautés pauvres dans le monde. Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté de 29% par rapport à l’année dernière, constate le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.
Face à cette flambée des prix, Ngozi Okonjo-Iweala, directrice de la Banque mondiale pour l’Afrique, l’Europe, l’Asie du Sud et l’Asie centrale, tire elle aussi la sonnette d’alarme : « Je pense que nous sommes entrés dans une période dangereuse. Des questions nationales de sécurité alimentaire sont de plus des questions de sécurité alimentaire mondiale. C’est un défi pour le monde entier, car près d’un milliard de personnes vont se coucher en ayant faim. »
Les effets néfastes du changement climatique
Les effets d’une forte élévation des températures sur les rendements agricoles s’avèrent d’ores et déjà extrêmement néfastes pour l’ensemble des pays pauvres.
Suite à une étude publiée vendredi 3 juin par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), les chercheurs précisent que « les régions où la population souffre déjà de problèmes alimentaires chroniques risquent d’être particulièrement touchées par le réchauffement. Ces régions sont principalement situées en Afrique et en Asie du Sud. […] Dans moins de quarante ans, la saison agricole de ces régions sera plus courte, plus chaude et plus sèche, mettant en danger des centaines de millions de personnes déjà très démunies. »
Vers une nouvelle crise alimentaire ?
Fin mars 2011, la FAO avait estimé que la « facture alimentaire » des pays pauvres s’envolerait de 20% en 2011. Sans compter sur les épisodes de sécheresse actuels, et pour amortir l’impact de la hausse des prix internationaux sur les populations, de nombreux pays ont relevé le niveau de leurs subventions. L’organisation des Nations unies craint que tous ces pays ne puissent pas suivre encore pendant longtemps.
Appels à une réforme de l’organisation des marchés agricoles
A l’approche de la première réunion du G20 consacrée à l’agriculture, prévue les 22 et 23 juin à Paris, l’ONG Oxfam réclame des mesures contre la spéculation sur les denrées agricoles, des investissements en faveur de l’agriculture paysanne et l’arrêt des subventions à la production des biocarburants dans les pays riches.
De son côté, et selon ses derniers chiffres, la FAO rappelle que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim et que la demande alimentaire augmentera de 70% d’ici à 2050.
Le Mozambique pourrait connaître à nouveau des émeutes
Selon l’agence de presse mozambicaine (AIM), le gouvernement mozambicain a admis ce samedi 4 juin que le pays n’échappera pas à la crise alimentaire en raison de sa forte dépendance sur les produits alimentaires importés. Le Mozambique importe 460 000 tonnes de blé et 350 000 tonnes de riz par an ; il ne produit que 23 000 tonnes de blé et 250 000 tonnes de riz.
L’augmentation des prix du pain et du riz avaient provoqué, il y a un an, de violentes protestations au Mozambique, durant lesquelles 18 personnes ont trouvé la mort et plusieurs centaines d’autres ont été blessées.
Cette fois-ci, et comme en septembre 2010, le gouvernement mozambicain craint une reprise des manifestations si, comme le prévoit la FAO, les prix des produits alimentaires enregistrent de nouvelles hausses.
Par Ursula Soares
Rfi 07/06/2011