Y a-t-il vraiment des menaces concrètes, imminentes ? Les Maliens peuvent-ils être mieux informés sur les raisons qui ont amené l’ambassade américaine à diffuser un tel communiqué ? « Je ne peux pas vous fournir plus d’explications qu’il n’y en a dans le communiqué. En revanche, l’Ambassade ne diffuse pas, elle affiche simplement l’information sur son site pour l’usage des citoyens américains », nous a dit samedi après-midi Katherine Kaetzer-Hodson, la conseillère de presse de la chancellerie Us à Bamako.
Elle convient cependant que c’est bien la première fois qu’un communiqué mentionnant Bamako et spécifiant aussi clairement les cibles visées est produit depuis qu’elle est au Mali il y a bientôt trois ans. Jusque-là, en effet, les chancelleries occidentales avaient été plus catégoriques sur le Nord-Mali qu’elles déconseillent fortement à leurs ressortissants.
La piste Al Qaeda ?
Mais au fil des mois, c’est quasiment tout le Mali qui a été mis sous alerte rouge et orange, y compris la très touristique région de Mopti avec le mythique pays dogon qui attirait annuellement des milliers de touristes occidentaux. Il en résulte un sérieux manque à gagner pour notre industrie touristique et nos artisans. Le gouvernement malien ulcéré tente par tous les moyens de desserrer l’étau. Rien n’y fait : c’est lors du festival d’Essakane délocalisé à Tombouctou que deux Français sont enlevés à Niamey donnant lieu à une course-poursuite qui se terminera au Nord Mali dans les circonstances tragiques que l’on sait.
Le meilleur moyen d’attirer le tourisme c’est d’enrayer l’insécurité : le subtil plaidoyer de Jacomo Durazzo, le représentant de l’Ue au Mali lors du coup de pioche, l’été dernier, de la route Tombouctou-Bamako retentit encore dans les oreilles. Surtout que début janvier, la peur s’empare de Bamako avec Beshir Shenoun, le Tunisien de 24 ans qui lance un engin explosif au portail de l’ambassade de France et blesse deux passants avec son pistolet avant d’être maîtrisé et mis en détention. Les interrogatoires du Maghrébin laisseront aux enquêteurs l’impression d’avoir affaire, au pire, à un détraqué mental et au mieux à un aspirant jihadiste plus auto-employé qu’activé par Aqmi dont il se revendique.
Dans un pays qui aime le merveilleux, l’évasion rocambolesque de Shenoun, il y a une semaine, suivie de sa seconde arrestation quarante huit heures plus tard fait de lui un peu plus que l’apprenti-terroriste dont la presse locale fait ses gorges chaudes. Aqmi : nulle part le communiqué américain ne mentionne la terrible initiale. Mais l’ombre de Belmokhtar et d’Abuzeid le hante.
Jamais, la menace que pourrait constituer la nébuleuse contre Bamako située à plusieurs centaines de kilomètres de son sanctuaire sahélo-saharien n’avait été aussi clairement articulée. S’il était resté sur le siteweb du States Départment, l’avertissement américain aurait valu pour les seuls citoyens américains. Dans les proportions qui lui sont données maintenant, il ne manquera pas de renforcer le malaise et l’embarras des autorités maliennes.
Adam Thiam
Le Républicain 14/03/2011