Parce que l’homme politique de nos jours cultive volontiers l’opportunisme, parce que sa parole ne se distingue guère de celle du quidam du quartier, tant elle sonne creux, parce que le discours officiel n’emprunte plus les vecteurs sublimes de l’engagement et du patriotisme, parce qu’il s’identifie davantage aux clashs des rappeurs, qui leur dament cependant le pion en matière de conscientisation, parce qu’enfin la chose politique se doit d’avoir une source d’inspiration, votre Journal, Le Reporter, fidèle à sa mission de mandat public et d’éveil de conscience, revisite pour vous, l’histoire des discours et interventions de nos hommes politiques, des propos à valeur pédagogique, qui, au premier degré, peuvent inspirer la jeune génération et au second, maintenir éveillé chez les acteurs de la scène politique, le sens de l’honneur et de la vertu. Comme vous, chers lecteurs, nous avons de la peine à comprendre que le Mali n’est pas seulement en insécurité, qu’il est aussi en quête de culture politique capable de façonner l’avenir en tant que repère et élément de prise de conscience collective. Bienvenue alors dans «Revue de l’histoire» qui sera alimentée par vous, selon vos témoignages.
La première édition de cette nouvelle rubrique du journal « Le Reporter » concerne justement un grand homme : Tiéoulé Mamadou Konaté, challenger d’Alpha Oumar Konaré à l’élection présidentielle de 1992, mort brutalement dans un accident de la route en 1995. Lors de la cérémonie commémorative du premier anniversaire de sa disparition, le MPR, par la voix de son secrétaire politique, le Pr. Oumar Kanouté, rend hommage à l’illustre disparu. On apprend que Tiéoulé Mamadou Konaté est mort pour se rendre compte enfin qu’il n’est pas mort. Lisez plutôt.
Discours hommage à feu Tiéoulé Mamadou Konaté
«Monsieur le Président du BDIA Faso jigi,
Mesdames, Messieurs les membres du Comité Directeur National,
Militantes, Militants du BDIA, chers frères,
Mesdames et messieurs représentant les partis amis,
Au nom de notre Secrétaire Général, Choguel MAIGA en mission, j’ai l’insigne honneur, en ce jour de souvenir et de recueillement, de porter aux vaillants militants du BDIA-FJ, le message de leurs frères du Mouvement Patriotique pour le Renouveau, MPR.
La disparition d’un grand homme ne détruit pas la cité, dit-on, mais elle peut en perturber l’équilibre. Grand, TIEOULE l’a été, assurément. Il était de ces hommes dont un peuple, dont tout peuple se glorifie d’avoir donné naissance. Il a aimé son peuple, jusqu’à la passion. Il le voulait le plus uni, le plus fort, le plus prospère. Il le voulait le plus fier, le plus digne, le plus respecté dans le concert des nations. C’est cette ambition pour son peuple qui l’a décidé à briguer la magistrature suprême, rien d’autre.
Je me rappelle encore ce fameux face à face. Ce jour-là, «le vacancier», dominant son sujet et son rival, a montré qu’il était plus enraciné dans le limon de son pays que celui qui affirmait y avoir longtemps trimé avec les pauvres. Ce jour-là, le politique, l’homme d’Etat, avait séduit par sa prestance et sa parfaite connaissance des dossiers. Au lieu d’user et d’abuser du discours politicien lénifiant et démagogique, il avait préféré le parler juste et vrai. Son adversaire triomphal avait promis d’honorer tous les engagements : Pacte national, Pacte social, Mémorandum de l’AEEM. Il n’avait fait qu’une seule réserve : les accords avec les Institutions de Bretton Words seraient révisés.
Ironie du soit ! Seuls ces accords ont été appliqués parfois renforcés avec zèle. Tant et si bien qu’aujourd’hui, on est fier d’être le meilleur élève du FMI et de la Banque Mondiale, pendant que le peuple, chaque jour qui passe, voit s’effriter son pouvoir d’achat, et dégrader ses conditions d’existence, que les élèves et les étudiants ne savent plus à quel Saint se vouer. Plus d’un qui avait voté hier contre Tiéoulé, a fini par reconnaître n’avoir pas fait le bon choix et attendait impatiemment les prochaines échéances pour corriger l’erreur, pour se racheter.
Hélas, ce vendredi 27 Octobre 1995, sur la route de Markala à Niono, la mort a fauché Tiéoulé. Avec lui, trois de ses illustres compagnons : Oumar BORE, Souleymane Mory COULIBALY, Isaac DEMBELE. Tiéoulé ne sera jamais Président de la République. Allah hou Akbar ! Dieu Clément et Miséricordieux en a ainsi décidé. Nous Lui rendons grâce. Tout ce qu’il fait est bon. C’est Lui qui donne. C’est Lui qui reprend !
Jeunes du BDIA, m’adressant plus particulièrement à vous, je dis : Le temps des pleurs est révolu. Le grand arbre est tombé. Ceignez-vous les reins pour ressemer le champ, pour rebâtir la case. Malheur à ceux d’entre vous qui baisseront les bras parce que Tiéoulé Mamadou KONATE n’est plus. Si vous vous laissez aller à la résignation et au découragement, si vous laissez le bateau BDIA prendre eau de toutes parts, ce serait alors la deuxième mort de Tiéoulé. Etes-vous prêts à endosser cette terrible responsabilité, jeunes du BDIA ? Assurément Non ! Etes-vous prêts à relever plutôt le défi ? Oui, bien sûr !
Jeunes du BDIA, rappelez-vous, votre parti, c’est le Faso-Jigi. Le Jigi, c’est l’appui, l’espérance. Rappelez-vous surtout que la mort mange l’os, la mort mange la chair, la mort ne peut digérer le nom illustre. Car le nom ne s’emprunte pas. Le nom s’achète. Il s’achète au moyen de l’action, le Wale. Par son kè-wale, le nom de Tiéoulé brillera dans nos cœurs et dans nos esprits.
Vivant, Tiéoulé a été le liant et l’aiguille pour recoller, pour recoudre, pour réconcilier, pour rassembler. Tiéoulé le rassembleur, par-delà le mur des idéologies, par-delà les querelles mesquines de personnes. Et voilà qu’aujourd’hui ceux qui, hier, avaient donné comme consigne, de voter contre l’enfant de Mamadou KONATE, leur fils et frère, ceux qui avaient préféré le Pacte républicain et la mouvance présidentielle, viennent solennellement de déclarer l’US.RDA, parti d’opposition, donnant ainsi raison à Tiéoulé Mamadou KONATE.
Il avait en effet prévenu : Ceux qui veulent développer le Mali par les tontines et l’argent facile, hypothèquent notre devenir, ceux qui, pour se maintenir au pouvoir, plongent dans le cœur de notre peuple le couteau de la division et de l’exclusion exposent notre pays à l’instabilité et à la stagnation.
Alors, Mort, où est ta victoire ? Où est ta victoire si Tiéoulé vit en chacun de nous, s’il est dans nos pensées et dans nos actes, s’il continue à guider nos pas sur le chemin de l’honneur et de la grandeur, sur le chemin de la dignité et de la prospérité ! Mort où est ta victoire ? Tiéoulé, tu es vivant ! De tes veines éclatées, la fleur de ton sang féconde notre sol. Tu appartiens désormais à tous ceux qui luttent pour le renforcement du processus démocratique. À tous ceux qui s’opposent à quelque dérive totalitariste que ce soit. À tous ceux qui veulent pour le Mali, une façon autre de gérer la cité.
Tiéoulé n’est pas mort. Tiéoulé est parmi nous. Il battra le rappel chaque fois qu’il s’agira de se dresser pour l’Unité et la Défense de la Patrie Malienne. Tiéoulé, l’immortel, Tiéoulé l’éternel. Tiéoulé ! Tiéoulé ! Tiéoulé !
Oumar KANOUTE, Secrétaire Politique du MPR ».
Bekhaye Dembélé
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