De miliciens armés aux ordres de la majorité présidentielle sont pointés du doigt dans un communiqué diffusé le 4 juin par la Plateforme « Antè A Bana, Touche pas à ma Constitution ! ». Dans son communiqué, la Plateforme informe l’opinion nationale et internationale des risques accrus de violations des droits de l’Homme au Mali. En plus des intimidations orchestrées par des représentants de l’Etat à l’intérieur du pays, la Plateforme reproche à la majorité présidentielle de constituer des groupes de jeunes armés d’armes blanches pour barrer la route aux opposants voulant se rendre dans les différentes localités du pays.
Mais les plus graves menaces viennent de l’intérieur du pays, selon les responsables de la Plateforme. « La répression, les intimidations et les menaces ont atteint un niveau supplémentaire avec des tentatives d’agression et l’entrave à la libre-circulation par des groupes d’individus, assimilables à des milices, à l’entrée de villes ou nos représentants souhaitent se rendre pour animer des conférences sur le projet de révision constitutionnelle », déplorent les responsables de la plateforme.
Mercredi 28 juin, une délégation de la Plateforme se rendant à Fana a été victime d’intimidations de la part des autorités préfectorales. Le vendredi 30 juin, une autre délégation se rendant à Banamba, conduite par un autre porte-parole, s’est vu refuser la tenue d’une conférence sur la révision de la Constitution par les autorités locales. «Le commandant de la brigade de gendarmerie de la localité a suivi la délégation dans chacune de ses visites de courtoisie aux autorités traditionnelles et coutumières, insultant chaque membre de la délégation et les menaçant d’arrestation », rapporte le communiqué de la Plateforme.
Le Préfet de Banamba a ensuite rédigé une correspondance confidentielle à la mairie de la localité, interdisant la tenue de la conférence. Cette correspondance invoquait le motif de l’état d’urgence alors qu’une conférence similaire a été organisée par les députés de la majorité présidentielle dans les mêmes conditions.
Le dimanche 2 juillet, une délégation de la Plateforme se rendant à Bougouni, conduite par l’un des porte-paroles, a dû rebrousser chemin sous la menace de groupes d’individus armés d’armes blanches. « Ces miliciens se réclamaient du camp de plusieurs hommes politiques de la majorité présidentielle. Ces miliciens, au mépris des forces de l’ordre, ont tenu le poste de contrôle de la ville et procédé à des fouilles des véhicules pour débusquer nos représentants », indique le communiqué.
Ondes brouillées
Selon les responsables de la plateforme, les atteintes aux libertés fondamentales se sont multipliées depuis l’adoption du texte du projet de révision par les députés de la majorité présidentielle. Elles ont débuté le jeudi 8 juin 2017 avec la répression de la marche organisée par le Mouvement « Trop c’est trop » devant la Bourse du Travail. « A la suite de cette répression, le samedi 10 juin, les Maliens ont constaté l’interruption inexpliquée des réseaux sociaux (Facebook et Twitter) qui coïncidait avec les appels à la mobilisation lancés par nos membres pour une marche pacifique le samedi 17 juin contre la révision de la Constitution du Mali », indique le communiqué ».
Les membres de la Plateforme « Antè Abana » croient qu’il s’agit bien d’une violation par les autorités du droit à l’information, « une manœuvre orchestrée pour museler les Maliens », malgré les explications des autorités tendant à nier toute responsabilité dans l’interruption des réseaux sociaux. Ni Facebook, ni Twitter, ni les opérateurs internet n’ont reconnu de perturbation relevant de leur responsabilité au Mali.
A la veille de la marche du samedi 17 juin, les opposants au projet de révision constitutionnelle avaient commis trois de leurs porte-paroles pour animer une émission sur les ondes de la radio Renouveau FM sur le sujet. « De manière inexpliquée, alors que cela ne s’était jamais produit auparavant, les ondes ont été brouillées à plusieurs reprises », dénonce le communiqué. « Lorsque les partisans de la révision s’expriment sur les radios ou à la télévision nationale, aucun brouillage ne se produit ».
Pire, le communiqué des opposants rappelle que le vendredi 23 Juin, sur le plateau du Journal de 20h de la télévision d’Etat (ORTM), le ministre de la Réforme de l’Etat s’est lancé dans une diatribe à l’encontre des membres de la Plateforme, qualifiant notamment la marche du 17 juin d’anti-patriotique, antidémocratique, antirépublicaine. « A ces propos, la Plateforme a demandé un droit de réponse qui lui a été refusé par la direction de l’ORTM. Plus encore, la télévision nationale a refusé catégoriquement de recevoir le communiqué que nous avions rédigé », rapporte le communiqué.
Pour toutes ces raisons, la Plateforme prend à témoin l’ensemble des organisations de défense des droits de l’Homme et la Communauté internationale sur la situation inquiétante du pays à l’approche d’une tentative de révision constitutionnelle largement contestée. La Plateforme réaffirme sa détermination à poursuivre ses efforts en vue d’obtenir le retrait de ce projet controversé de révision constitutionnelle. Mercredi 5 juin, au lendemain de la diffusion du communiqué, les responsables de la Plateforme ont rencontré les leaders religieux à la Pyramides du souvenir, leur quartier général.
Soumaila T. Diarra