« Est-il un autre moyen que celui-là ? Si nous échouons à ce stade et si nous laissons s’écouler le temps qui doit permettre au néo-colonialisme de consolider sa position sur notre continent, quel sera le destin de nos combattants de la libération ? Quel serra enfin le destin des autres territoires africains qui ne sont pas encore libres ? A moins que nous puissions créer en Afrique de puissants complexes industriels – ce qui n’est réalisable que dans une Afrique unie – nous devons laisser notre paysannerie à la merci des marchés étrangers qui achèvent leurs récoltes et nous devrons faire face à la même impatience qui renversa les colonialistes. A quoi servent, pour les cultivateurs, l’enseignement et la mécanisation ? A quoi sert même le capital, si nous ne pouvons pas assurer au paysan un paysan, les travailleurs, le cultivateur, qu’auront-ils gagner dans l’indépendance politique, aussi longtemps que nous ne pourrons leur assurer un rendement équitable de leurs travaux et un niveau de vie plus élevé ?
Aussi longtemps que nous ne pourrons créer de grands complexes industriels en Afrique, quels bénéfices le travailleur des villes et des pays qui cultivent des terres surchargées d’habitants auront-ils retirés de l’indépendance politique ? S’ils doivent rester chômeurs ou attachés à des tâches réservées à la main d’œuvre non spécialisée, à quoi leur serviront les installations perfectionnées créées pour l’enseignement, la formation technique, au service de l’énergie et de l’ambition que l’indépendance nous permet de leur offrir ? C’est à peine s’il existe un seul Etat africain qui n’ait un problème de frontière avec les Etats limitrophes. Il serait inutile que je les énumère, car ces problèmes vous sont déjà familiers. Mais que vos Excellences me permettent de suggérer que ce vestige fatal du colonialisme risque de nous entrainer dans des guerres intestines, au moment où notre expansion industrielle se déroule sans plan et sans coordination exactement comme il en est advenu en Europe. Tant que nous n’aurons pas réussi à mettre un terme à ce danger, par la compréhension mutuelle des questions fondamentales et par l’unité africaine qui rendra périmées et superflues les frontières actuelles, c’est en vain que nous aurons combattu pour l’indépendance. Seule l’Unité africaine peut cicatriser cette plaie infectée des litiges frontaliers entre nos divers Etats. Excellences, le remède à ces maux est entre nos mains mêmes. Il nous confronte à chaque barrière douanière, il crie vers nous du fond de chaque cœur africain. En créant une véritable union politique de tous les Etats indépendants d’Afrique, dotée de pouvoirs exécutifs pour exercer une direction politique, nous pouvons avec espoir et confiance répondre à chaque circonstance critique, à chaque ennemi, à chaque problème complexe.
Non pas que nous soyons une race de surhomme, mais parce que nous sommes parvenus à l’époque de la science et de la technique, de la pauvreté, l’ignorance et la maladie auront cessé d’être les maîtres mais ne seront simplement plus que des ennemis fuyants de l’humanité. Nous sommes parvenus à l’âge de la planification socialisée, où la production et la répartition des biens auront cessé d’être régies par le chaos, l’intérêt personnel, mais seront dirigées par les besoins sociaux. En même temps que le reste de l’humanité, nous nous éveillons des rêves de l’utopie pour mettre sur le papier des plans pratiques de progrès et de justice sociale. »
Youssouf Sissoko
youssouf@journalinfosept.com
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