L’embellie militaire constatée depuis un certain temps se heurtera, tôt ou tard, au retrait quasi accompli de partenaires stratégiques du Mali dans sa guerre contre le terrorisme. Outre le retrait de Barkhane voulu haut et fort par la masse populaire et « imposé » par la junte, celui des missions européennes que sont l’EUTM et EUCAP Sahel Mali pour la police, s’annoncent pour l’heure problématique. Le pays paye ainsi déjà les frais d’une radicalité certaine dans sa diplomatie militaire qui pourrait l’impacter durablement.
La présence des troupes de Wagner aura marqué un point de rupture dans les relations entre l’armée malienne et la mission européenne au Mali. Les européens jugent désormais que leur mandat au Mali est incompatible avec toute présence de mercenaires sur le sol malien. Une présence qui tendrait fortement à violer le droit international humanitaire, module dispensé aux soldats malien par l’EUTM, mais aussi, qui contredirait l’idée selon laquelle l’armée malienne tend à être souveraine.
Le risque avec la configuration qui se dessine est que le Mali perde peu à peu les acquis fondamentaux engrangés du côté de la mission européenne au profit d’un choix stratégique qui certes, aura emporté l’adhésion du Malien lambda, mais qui n’aurait pas été murement réfléchi. Car, en prenant résolument le choix de la puissance militaire rivale de l’Occident, le Mali s’est enfoncé un peu plus dans les méandres de l’échiquier international. Il est devenu un autre champs d’influence sur lequel les puissances du monde viennent bander leurs muscles.
Le risque est d’autant sérieux que la mission européenne aura été un allié de poids pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. Elle aura formé plus de 15000 soldats maliens depuis son déploiement. Ce qui correspondrait à une grande partie des effectifs de l’armée. Un autre fait qu’il faudra prendre en compte, c’est le départ quasi acté des soldats allemands, autre alliés de poids sur le plan militaire pour le Mali dont 300 sont déployés au sein de l’EUTM et 1100 au sein de la MINUSMA.
L’allié russe du moment peut très difficilement combler le vide militaire laissé. Elle qui est embourbée dans sa guerre contre l’Ukraine, ne s’investira pas davantage sur le terrain malien. Le Mali aura donc tout intérêt à prévoir un scénario de « stagnation » dans lequel cas, l’allié principal aura atteint ses limites en matière de partenariat militaire.
In fine, à noter que le Mali aura violé la convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires dont elle est membre depuis le 12 avril 2002. Le Mali y a adhéré et surtout, n’a émis aucune réserve. Il est donc à prévoir pour les prochaines autorités maliennes de rectifier le tir sur le plan militaire et diplomatique, mais aussi, sur le plan juridique.
Ahmed M. Thiam
Source: L’Alternance