Au titre de l’année 2018, ce sont près de 3.375.000.000 F Cfa qui vont être repartis entre 66 partis politiques éligibles comme aide financière de l’Etat. Avec presque le 1/3 (plus de 1 milliard Cfa) de cette enveloppe, le Rassemblement pour le Mali (RPM, chef de file de la majorité présidentielle) se taille la part du lion. Suivent dans l’ordre l’Adéma et l’Urd. Les 63 autres chapelles, à quelques exceptions près, se contentent de la portion congrue de cette aide contestée à cause de ses retombées mitigées sur la démocratie malienne. Et les journalistes, comme de nombreux citoyens d’ailleurs, peuvent légitimement crier au scandale. Le RPM s’arroge par exemple près de six fois le montant alloué à l’ensemble de la presse comme aide publique.
Ce sont environ 3.375.000.000 F Cfa qui sont partagés entre 66 partis politiques jugés éligibles à l’aide publique 2018. Et c’est le parti RPM (parti au pouvoir) qui s’est arrogé l’essentiel du montant, plus de 1/3 soit plus de 1 milliard (1 064 445 716). En deuxième position se trouve l’Adema Pasj avec 407 millions, suivi directement de l’URD avec 393 millions.
La Codem de Housseyni Amion Guindo se contente de 139 millions environ. Le Cnid FYT se tape 105 millions tandis que SADI gagne plus de 89 millions. Yelema de Moussa Mara se contente d’environ 55 millions de nos francs, etc.
Selon le ministre de la Communication/porte-parole du gouvernement, l’aide publique aux partis politiques est attribuée «conformément à la Charte des partis politiques qui prévoit une aide correspondant à 0,25 % des recettes fiscales du budget d’Etat». Mais jamais aide publique aux partis politiques n’a fait autant jaser au Mali ; à cause de la situation de crise dans laquelle le pays se trouve plongé et l’état de pauvreté aggravée.
Ainsi, depuis l’annonce du montant de l’aubaine à repartir entre des bénéficiaires «non méritants», le ministre de la Communication/porte parole du gouvernement a été personnellement interpelé par des responsables de presse qui ont jugé cette aide «discriminatoire» et «disproportionnée» par rapport à l’aide publique à la presse.
Le 4e pouvoir méprisé par le régime d’IBK
Un appui qui, depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar au pouvoir en 2013, tourne entre 200 millions et 300 millions de francs Cfa par an. «Une somme modique» répartie entre plus 200 d’organes (radios, presse écrite et télévision) de presse privée. En 2018 par exemple, le RPM seul s’arroge près de six fois le montant alloué à l’ensemble de la presse comme aide publique.
«Il est vrai que les partis politiques, s’ils jouent réellement leur rôle, sont des charpentes de la démocratie. Mais, la presse est aussi considérée comme le 4e pouvoir dans ce système politique. C’est pourquoi nous exigeons une certaine équité dans l’attribution de l’aide publique aux chapelles politiques et les médias privés», a revendiqué le responsable d’une organisation de presse.
Certains critiques ont aussi visé «l’écart considérable» entre ceux qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas à cette aide. «Aujourd’hui l’on crée les partis politiques soit pour être plus proche de la majorité, soit pour être proche de l’opposition pour pouvoir se positionner et profiter d’une situation donnée», a analysé M. Khalid Dembélé, chercheur au Centre de Recherche, d’Analyse Politiques, Économiques et Sociales (CRAPES) interrogé par l’hebdomadaire privé «Journal du Mali».
«Les partis sont créés non plus autour de convictions ni d’idéaux mais autour d’intérêts individuels et quand c’est comme cela, ils ne sont pas fondés et les critères les disqualifient facilement», a-t-il ajouté. Un point de vue partagé par la majorité de nos interlocuteurs.
En tout cas, ils sont nombreux les citoyens qui pensent que cette aide de l’Etat est juste «une aubaine» pour un certain nombre de groupuscules (dirigeants) pour se «faire plein la poche».
«Aujourd’hui quand on regarde ces partis politiques, qu’est-ce qu’ils effectuent concrètement sur le terrain ? On se rend compte facilement qu’il n’y pas de réelles formations au bénéfice des militants. Ce sont des partis personnifiés autour des leaders et qui cessent de fonctionner quand ces derniers ne sont pas là», a déploré M. Dembélé.
Les organisations islamiques ont profité du dépit politique pour se mettre en selle
La réalité sur le terrain démontre que les partis politiques se sont discrédités aux yeux des Maliens, car l’avènement du pluralisme politique au Mali a accéléré la corruption dans le pays. Tous les secteurs clés, en l’occurrence l’école et la santé, sont à vau l’eau du fait de la gestion des politiciens.
En conséquence, les organisations islamiques ont pris le pas sur les formations politiques. Et personne ne sait où cela peut conduire le pays déjà embourbé dans une crise multidimensionnelle sans précédent !
Les chapelles politiques bénéficiaires défendent bien naturellement cette aide dans une belle unanimité. «Si nous avons choisi de faire la démocratie, nous devons aider les piliers que sont les partis politiques, qui supportent cette démocratie. On ne peut pas parler de démocratie sans eux, ni d’apprentissage et de formation. Aujourd’hui, les partis ont besoin de cette aide et c’est important et normal qu’on puisse la leur apporter», a défendu M. Moussa Seye Diallo, Secrétaire adjoint chargé à la communication de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), chef de file de l’opposition politique.
Moussa Bolly
Hachi Cissé
Les exigences de la Charte occultées au profit du magot à empocher
Au Mali, c’est la loi N°05-047/du 18 août 2005, portant Charte des Partis politiques, qui consacre le financement des partis politiques. Les conditions à remplir pour bénéficier du financement public sont précisées par l’article 30 de la charte des partis politiques.
Ceux-ci doivent, entre autres, justifier la tenue régulière des instances statutaires du parti ; disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d’un domicile ou d’un bureau privé ; disposer d’un compte ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali ; tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des Comptes de la cour Suprême au plus tard le 31 mars de chaque année ; justifier la provenance de ses ressources financières et leur utilisation ; avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales…
«La production d’un faux bilan par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante, sans préjudice de poursuites judiciaires», a averti la Charte.
Ainsi, les partis politiques légalement constitués et qui participent à l’animation de la vie politique sont éligibles à l’aide financière octroyée par l’Etat sous réserve de remplir les conditions précitées.
Cette aide financière octroyée par l’Etat est une somme non remboursable et sans contrepartie et dont le montant annuel représente 0.25 % des recettes fiscales. Conformément aux dispositions de l’article 29 de la charte des partis politiques, elle est repartie en fonction de 15 % des crédits pour financer les formations politiques ayant participé aux dernières élections générales, législatives ou communales ; 40% des crédits pour financer les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale (proportionnellement au nombre de leurs députés au parlement) ; 35 % des crédits pour les financer au prorata des conseillers communaux obtenus le jour du scrutin ; et 10 % des crédits pour les financer proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députées et 5 % pour les conseillères communales.
A noter que l’aide financière est payée par le trésor public par virement dans les comptes bancaires, auprès d’institutions financières installées au Mali.
Moussa Bolly