A peine a-t-il foulé le sol de Kurukan Fuga que Cheick Bougadry Traoré président du CARE a non seulement laissé éclater ses émotions mais a aussi et surtout pris des engagements auprès des anciens par rapport à la détermination qu’il a de réaliser ses vœux qui sont ceux d’un Mali plus juste et plus solidaire.
Dans son intervention, Cheick Bougadry Traoré a jugé opportun en ces lieux historiques de rappeler le contexte dans lequel est née la charte du Kurukan Fuga. A ses dires, c’est de part un conflit fratricide qui avait conduit à l’effondrement de la dignité et des valeurs humaines, que les dirigeants politiques de l’époque, animés par le désir d’installer l’ordre et la discipline et inspirés par un nouvel esprit conciliateur et législateur, ont promis d’amorcer un nouveau départ pour assurer la préservation du lien social et la pérennité de l’empire. A l’en croire, l’intérêt politique de la charte du Kurukan Fuga apparaît comme une évidence, car les enjeux d’aujourd’hui sonnent comme une résonance, une réplique à ceux d’hier. C’est pourquoi, il a jugé opportun que la génération actuelle s’inspire de l’œuvre du Kurukan Fuga afin d’entreprendre la construction d’un projet politique et social fort, calqué sur nos propres valeurs pour répondre aux multiples aspirations légitimes de notre peuple et opérer les nécessaires changements. Pour le président du CARE, leur objectif est d’aboutir à l’établissement d’un ordre qui puisse réaliser la finalité fondamentale que chaque homme poursuit à sa façon : vivre dans un ordre, qu’il comprend, au sein duquel il tient une fonction compréhensible pour lui même et pour les autres. Ainsi une bonne politique de gouvernance axée sur nos valeurs triomphera dans notre pays. La CARE proclame dans sa charte :
Article 1er : le statut de la culture est reconsidéré. Celle-ci n’est plus appréhendée dans son aspect folklorique mais dans tout ce qu’elle peut apporter dans sa fonctionnalité pour la construction du destin collectif que nous envisageons. En renouvelant la mémoire de notre société, la culture et l’histoire seront notre point de départ et notre gouvernail sur le chemin de la renaissance
Article 2 : la culture sera le point d’ancrage de la philosophie et la conception de notre politique nationale de l’éducation. Le jeune malien sera doté d’une sensibilité lui permettant de mieux intégrer cette manière exceptionnelle de percevoir la société, l’homme et son environnement. La politique d’éducation prendra en charge la nécessité d’entreprendre des recherches approfondies sur notre passé politique et socioéconomique.
Article 3 : nous tirerons des enseignements de la gestion administrative, politique, socio économique et juridique de notre héritage. Ainsi, nos institutions et nos politiques de gouvernance seront non pas des fins en soi mais des moyens au service du plus grand nombre.
Article 4: la conception et la mise en œuvre des politiques publiques ne découleront plus du schéma pyramidal classique allant du sommet vers la base. Cette approche unilatérale sera désormais écartée au profit d’une interaction fonctionnelle entre le sommet et la base.
Article5 : notre échelle de valeur d’antan sera remise à l’endroit. Ainsi les liens sociaux s’appuieront sur des échanges plus humanisés et fondés sur une réciprocité qui donne la primauté à l’intérêt collectif au détriment des intérêts privés ou personnels. La construction du lien social se fondera sur des concepts issus de notre génie social tels que le Gasisigi, le kotonyonkontala, le bogna, le kankelentiguiya, le yèredon, le magen, le horonya.
Article 6 : l’unité et la cohésion nationales seront rebâties autour des concepts clairs et partagés par tous, prenant en compte toutes les composantes de la société malienne. Des institutions comme le sinankuya, cette chaîne de fraternité et de solidarité qui lie les familles et les clans entre eux et qui a été scellée dans des circonstances mémorables, seront utilisées à cet effet dans toute leur profondeur.
Article 7 : le plus grand respect est dû à toutes les religions, à toutes les sensibilités culturelles et à toutes les couches socioprofessionnelles. La plus grande tolérance sera exigée envers toutes les pratiques culturelles. Il sera assigné aux différentes religions un rôle de promotion du vivre ensemble et de participation à l’éducation populaire et au développement culturel.
Par cette nouvelle déclaration, la CARE entend susciter l’émergence d’un système fondé sur l’auto organisation, la confiance, l’imagination et l’initiative, l’acceptation dynamique des contradictions et la réflexion collective sur le sens et la finalité de l’action publique.
Soumaila T Traoré
La Révélation 06/07/2011