Pour tenter d’enrayer la descente aux enfers de leur parti, des militants du Pasj viennent de lancer le «Mouvement pour le renouveau de l’Adéma». Est-il encore besoin de souligner que cette descente aux enfers est la résultante d’une crise interne que traverse le parti depuis plus de 2 ans ? En effet, elle a éclaté, selon Hamidou Konaté du fait que «nombreux sont des cadres et responsables crédibles ayant assumé des fonctions électives, administratives ou gouvernementales en son nom, soient venus hélas à instrumentaliser ou abandonner et aller voir ailleurs». Selon lui, la Direction du parti a montré toutes ses limites : clanisme, bas calculs, manque de visibilité, d’initiatives, opacité dans la gestion des ressources du parti, démobilisation des militants du sommet à la base.
Or, bien avant cela, l’Adéma a connu des moments dorés avec une parfaite harmonie entre les cadres et les militants. En effet, après avoir dirigé le pays pendant dix ans (1992-2002) à travers Alpha Oumar Konaré, premier président élu de l’ère démocratique, l’Adéma a perdu l’élection présidentielle de 2002 contre Amadou Toumani Touré qu’elle a adoubé, avant de collaborer avec lui pendant dix ans de plus, dans ce qu’on a appelé la gestion consensuelle du pouvoir. Mais à la suite du coup d’Etat fantoche de 2012 du capitane-général actuellement détenu à Sélingué avant d’être transféré à Manantali, ATT a été déchu de ses fonctions et remplacé, plus tard par le président de l’Assemblée nationale et chef de l’Adéma, Dioncounda Traoré, dont on disait qu’il était mal aimé du peuple malien. Commença alors la descente aux enfers pour le parti réputé le plus grand du Mali.
D’abord, c’est son candidat Dramane Dembélé qui est battu au premier tour de l’élection présidentielle de 2013, trahi par les siens propres comme Soumaïla Cissé en 2002 et Soumeylou Boubèye Maïga en 2007. Certaines Abeilles refusent d’aller à l’opposition et se rallient à IBK, tandis que d’autres se soumettent au mot d’ordre du Fdr, c’est-à-dire à Soumaïla Cissé arrivé au second tour du scrutin. L’Adéma est ensuite battue à plate couture aux législatives organisées dans la foulée afin de doter le pays d’institutions plus crédibles que celles de la transition.
La division s’accentue au sein de la Ruche dont le Comité directeur décide de participer à l’action gouvernementale. Cette division ira si loin que le parti perdra des cadres notables comme Iba N’Diaye ou Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, pendant que la base se délite. Aujourd’hui encore, les avis sont partagés, dans la Ruche, sur la nécessité de continuer ou pas le copinage avec un Rpm trempé dans des scandales financiers à n’en pas finir.
Devant cette décadence, certains tentent aujourd’hui le sauvetage par la création d’un Mouvement pour le renouveau de l’Adéma. Et à l’initiative d’Hamidou Konaté, un proche de l’ancien président Alpha Oumar Konaré (AOK) et de quelques cadres du parti, le Mouvement s’est réuni, avec comme modérateur un autre proche d’AOK, l’ex-ministre Adama Samassékou. L’occasion était bonne pour ce dernier de rappeler qu’aujourd’hui «nous devons revenir aux fondamentaux. Après la gestion du pouvoir les 10 premières années, nous devons avoir la tête haute et rester ensemble».
Et à Hamidou Konaté, cadre du parti et initiateur du Mouvement, de reconnaître : «L’Adéma traverse une véritable crise de confiance. Les militants à la base sont inquiets et ne cessent de se poser des questions sur l’avenir du parti. Ce Mouvement est loin d’être une instance. L’heure est grave, il faut agir ! L’âge n’est pas un critère de compétence. Il nous faut choisir le meilleur parmi nous pour sortir le parti de cette situation».
La main invisible d’AOK
Il n’y a plus de doute à cela, rien qu’à regarder les cadres qui étaient là au lancement dudit Mouvement : Wally Diawara, Mmes Sy Kadiatou Sow, Konté Fatoumata Doumbia, Lazare Tembelly ; Ousmane Maïga, ex-Dg de l Office de développement rural de Sélingué (Odrs), Harouna Cissé ; l’Honorable Yaya Sangaré, plusieurs présidents des sections et sous-sections du parti de l’intérieur et du District de Bamako…. tous, des proches et fervents de l’ex-président AOK, pour qui, si depuis 2013, l’Adéma a été reléguée à la troisième place, cela n’est pas irrémédiable. C’est pourquoi, nous apprend-on, il mène un travail en catimini afin que le parti, dont il est fondateur, retrouve sa place et sa notoriété d’antan.
Selon nos informations, pour ce faire, il aurait déjà contacté Soumeylou Boubèye Maïga, président du parti Asma qui a 6 députés à l’Assemblée nationale, mais membre du Groupe parlementaire dénommé APM (Alliance Pour le Mali), qui lui aurait donné son aval. L’Adéma ayant 17 députés à l’Assemblée nationale, avec les 6 députés de l’Asma, le parti des Abeilles aura 23 députés et deviendra du coup la 2ème force politique du pays derrière le Rpm qui compte actuellement 75 députés et devant l’Apm qui chutera, avec la perte des 6 députés Asma, à 22 députés (3ème) et le Groupe parlementaire qui a en 21 (4ème).
Une stratégie qui risque d’être payante puisque, selon nos sources, AOK a déjà contacté plusieurs cadres politiques maliens qui restent actuellement dans l’ombre, mais qui sont prêts à travailler avec lui pour le renouveau de l’Adéma. Il aurait également déjà installé des points focaux dans toutes les localités du pays et les initiateurs du Mouvement sont à pied d’œuvre pour redynamiser et remobiliser les structures à la base. Selon certaines indiscrétions, dans cette optique, le parti de l’Abeille a en mire des tournées d’information et de sensibilisation dans ses différentes sections et sous-sections du pays pour, dit-on, faire le bilan des activités du parti et expliquer son point de vue sur les sujets brûlants que sont la crise du Nord, les concertations nationales, les pourparlers entre l’Etat et les groupes islamistes, la maladie à virus Ebola, les surfacturations liées à l’achat d’équipements militaires, la récente libération de quatre présumés terroristes contre celle de l’otage français…
À préciser que l’objectif de l’ex-président AOK, en menant ce travail de fond, mais en sourdine, n’est pas de revenir à la tête de l’Adéma ni de revenir briguer une fois encore la Magistrature suprême de notre pays, mais de faire en sorte que le parti se renforce et s’unisse pour avoir un homme crédible capable de faire le consensus autour de lui, afin que ce parti puisse reconquérir le pouvoir en 2018. Un travail donc de longue haleine !
Bruno E. LOMA
Source: Le Reporter 2014-12-16 23:56:47