REGIONS DE MOPTI ET DU GRAND NORD

L’Etat a perdu le contrôle de plus de 800 écoles
Le déficit d’une présence effective et efficace de l’Etat dans le centre et le nord a fait perdre le contrôle
de 807 écoles. Dans ces localités, des membres de Jama’atnusrat al-lslamwalMuslimeen (JNIM)
menacent les populations de plusieurs villages de la région en cas de réouverture des écoles publiques
laïques.
Alors que le Premier ministre avait promis la réouverture des écoles fermées en 2017 et le changement
de statut des écoles communautaires en publiques, le nombre des écoles fermées a connu une hausse
incroyable. En effet, les chiffres de décembre 2018 montrent que 807 écoles restent fermées dans
l’ensemble du pays en raison de l’insécurité. « Selon des sources concordantes, il s’avère que des
membres de Jama’atnusrat al-lslamwalMuslimeen (JNIM) ont à plusieurs reprises menacé les
populations de plusieurs villages de la région en cas de réouverture d’écoles publiques laïques. Le
gouvernement malien devrait prendre toutes les mesures requises pour garantir le droit à l’éducation
aux enfants des régions concernées.
Le déficit d’une présence effective et efficace de l’Etat dans le centre et le nord est l’une des causes
aggravantes de la situation sécuritaire actuelle avec un impact négatif sur la jouissance des droits de
l’homme, et en particulier du droit au développement pour la population du Mali finalement », explique
Alioune Tine, expert indépendant.
A Mopti où s’est rendu M. Tine, beaucoup de villages sont sous embargo par des djihadistes, dont
l’action contribue à immobiliser les populations locales qui sont privées d’exercer leurs activités
quotidiennes de subsistance. « La combinaison de plusieurs facteurs, notamment de violences sur fond
de tensions communautaires, d’opérations menées par les groupes extrémistes armés, et les opérations
anti-terroristes des forces de défense et de sécurité maliennes et internationales qui s’en suivent et des
réseaux de crime organisé créent un profond sentiment de peur et d’insécurité au sein des populations civiles », explique le rapport.
« De graves et récurrentes violations et abus des droits de l’homme, y compris des allégations
d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements, de tortures, de mauvais traitements et détentions illégales
sont commis en toute impunité ».
« De plus, des localités qui n’étaient pas affectées il y a quelques mois sont maintenant touchées par ces
violences », a déclaré l’expert à la fin de sa mission au Mali. Il faut d’urgence une réponse militaire
efficace, avec des hommes bien équipés et bien formés menant des opérations en toute conformité avec
les droits de l’homme, pour faire cesser les violences dans les meilleurs délais et protéger les populations
civiles, soutient-il.
L’expert indépendant a pris bonne note de l’ouverture d’enquêtes concernant l’implication de militaires
maliens dans des allégations de violations des droits de l’homme, tout en estimant qu’il faut aller plus
loin. « La seule manière pour l’Etat malien d’éradiquer le cancer de l’impunité est de faire en sorte que la
responsabilité de toutes les personnes impliquées dans des graves violations des droits de l’homme soit
établie à la suite de procès justes et équitables. Aujourd’hui, il faut trouver une stratégie globale et
coordonnée de réponse et de prévention de la violence et des abus de droits de l’homme dans le
pays…». En l’absence d’une solution urgente à la grave crise malienne et en l’absence de solutions
concrètes à la pauvreté galopante dans les régions du nord et du centre, ainsi que d’une politique de
lutte contre la corruption, il sera difficile d’éradiquer les violences au Mali, justifie-t-il.
« Les principales préoccupations soulevées par mes interlocuteurs incluent l’insécurité générée par les
violences intercommunautaires, la violence des groupes armés et le crime organisé, mais aussi le déficit
de participation des femmes et des jeunes au processus de paix, la fermeture des écoles qui continue au
Nord et au Centre et le chômage chronique des jeunes.
Une stratégie globale et coordonnée de prévention de la violence et des abus de droits de l‘Homme
s’impose», recommandation l’expert indépendant. Cette situation, poursuit-il, a pour conséquence de
condamner les populations concernées à la faim et à la misère. Tout doit être fait pour mettre
immédiatement un terme à cette situation inacceptable, et les bonnes initiatives du gouvernement pour
y remédier doivent être renforcées afin de trouver les réponses idoines compte tenu de l’ampleur et de
la complexité de la situation.
Au cours de sa mission, Alioune Tine a visité les régions de Bamako et Mopti et a rencontré le président
de la République, le Premier ministre, des membres du gouvernement malien, le personnel des agences
des Nations unies, les membres de l’opposition politique, les membres de la communauté internationale,
les membres des forces de défense et de sécurité, des représentants de la Plateforme, de la
Coordination des mouvements de l’Azawad et du Mouvement pour le salut de l’Azawad ainsi que des
représentants de la société civile, les chefs religieux et traditionnels et la Commission nationale des
droits de homme. Le rapport sera présenté au Conseil des droits de l’homme, à Genève, en mars 2019.
Zan Diarra