REFORME DE LA CHARTE DES PARTIS POLITIQUES

Ne pas occulter l’essentiel pour un meilleur ancrage de la culture
démocratique

La Maison de la presse a abrité le 11 mars 2025 la restitution et la
signature solennelle du document consensuel sur la Charte des partis
politiques. Une initiative du Forum des partis et mouvements politiques
(FPMP), en collaboration avec l’Initiative des partis politiques pour la
charte (IPAC). Le document a été signé par plus d’une centaine de partis
politiques. Le processus de relecture de la Charte des partis est donc
bien lancé. Le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des
Réformes politiques et du soutien au processus électoral avait invité les
partis politiques à lui faire parvenir (au plus tard le 14 mars 2025) leurs
propositions et suggestions dans le cadre de la relecture de la loi N° 05-
047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques. Et, à nos yeux,
deux points sont essentiels : la réduction du nombre des partis et aussi
leur financement.

Le nombre ne fait pas forcément la force. Et la pléthore n’est pas non plus un
gage de dynamisme ou de vitalité. Bien au contraire, l’émiettement est source
de fragilisation, de décrédibilisation… C’est malheureusement cet effet pervers
que le multipartisme intégral (instauré dans de nombreux pays africains dans
les années 90) semble avoir sur la démocratie dans beaucoup de pays
d’Afrique francophone, singulièrement au Mali. Fin du nomadisme,
reconnaissance du chef de file… sont certes des principes importants. Mais, à
notre avis, le vrai enjeu de la révision de la Charte des partis est la réduction
de leur nombre et de leur mode de financement.
Comme le disait Seidik Abba, un chroniqueur du quotidien français «Le
Monde», «l’espoir suscité par la multiplication des partis politiques a tourné à
l’inflation sans pour autant faire avancer le débat démocratique» (Seidik Abba,
lemonde.fr/avril 2016). Au gré du «Vent de l’Est», on est passé d’une «Afrique
dominée majoritairement par le parti unique ou le parti-Etat, au lendemain des
indépendances nationales, à un continent où la démocratisation se manifeste
désormais par la forte inflation de formations politiques».
Malheureusement, il s’agit essentiellement de formations qui ont contribué à
fragiliser le pouvoir de la démocratie, car incapables de pleinement jouer leur
rôle ou d’assumer leur mission. Les jeunes démocraties africaines ont cru bien
faire en simplifiant les conditions de création des partis politiques. En effet, le
lexique de droit constitutionnel définit les partis politiques comme «des
associations qui concourent à l’expression du suffrage en proposant des
programmes et en présentant des candidats aux élections». Combien des 300
partis maliens (environ) peuvent se définir comme tels ?
Dans de nombreux pays africains comme le nôtre, les partis politiques se sont
progressivement transformés en coquilles vides sans projet de société
véritable et sans moyens de participer aux différents scrutins nationaux. Rares

sont ceux qui tiennent régulièrement leurs instances statutaires et
réglementaires (congrès, bureaux exécutifs, assemblées générales…). Sans
compter qu’avoir un siège est un luxe que la plupart d’entre eux ne peuvent
même pas se permettre. «Le parti se résume finalement au président-
fondateur, à son épouse, qui en est souvent la trésorière, à sa belle-fille qui
assure le commissariat aux comptes et aux membres de la famille africaine»,
ironise un chroniqueur politique.

Une prolifération de formations politiques sans aucun fondement
idéologique
«L’explosion du champ politique malien ne se fonde pas sur des divergences
idéologiques ou programmatiques. Elle a plutôt lien avec des facteurs
endogènes tels que les conditions libérales de la création des partis politiques,
le financement de ceux-ci et la personnalité de leurs leaders. Ce qui a fait dire,
en son temps, à l’ancien ministre Ousmane Sy que : les plus grandes
menaces pour le pluralisme et la démocratie au Mali se trouvent être la
faiblesse des partis politiques et le comportement de leurs leaders», a rappelé
sur sa page Facebook Yaya Sangaré, ancien député, ancien ministre et
aujourd’hui Secrétaire général de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti
africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ).
Selon les données officielles, notre pays comptait en 2022 plus de 270 partis
politiques qui n’animent guère la vie politique et font fi des règles en la
matière. Autrement, dans le lot également, il y a plus de «faire-valoir» que de
partis au sens politique du terme. Pour ces pseudo-partis, la vie politique se
limite à se positionner lors des élections, notamment la présidentielle, pour
s’aligner derrière les grands favoris et espérer tirer les dividendes de ce
soutien. C’est, selon de nombreux experts, l’une des raisons du dépit politique
qui ne cesse de se manifester dans notre pays ces dernières années.
Et pour de nombreux Maliens, le multipartisme est de nos jours l’un des maux
qui rongent notre démocratie. On comprend alors que la réduction du nombre
des partis politiques ait figuré en bonne place dans les recommandations des
différents fora organisés ces dernières années pour discuter de l’avenir de la
nation. Cela a été ainsi clairement exprimé au cours du Dialogue national
inclusif (DNI, 7-8 octobre 2019) et des Assises nationales de la refondation
(ANR/27-30 décembre 2021) en ont fait une de leurs recommandations. Elles
ont recommandé la réduction du nombre des partis politiques par l’instauration
de conditions restrictives de leur création et de leur financement.

Durcir les conditions pour créer un parti politique
En lieu et place de la limitation des partis politiques, certains politologues et
acteurs politiques prônent des ajustements, voire le durcissement des
conditions de création, d’organisation des formations et la stricte application
des textes existants… Ils exigent surtout la suspension ou le retrait des
récépissés en cas de manquements. Quel que soit le cas de figure, il faut faire
en sorte que la nouvelle Charte puisse contenir des dispositions pour la

dissolution des partis politiques. C’est l’une des insuffisances de la loi N°05-
047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques.
«Sinon, j’en connais, de 1992 à nos jours, des partis qui n’ont jamais eu un
seul élu… Trois, quatre ou cinq personnes peuvent se mettre ensemble dans
une chambre, dire qu’elles ont fait une assemblée constitutive. Ces individus
élaborent les statuts et le règlement intérieur ainsi qu’un procès-verbal de
l’assemblée générale avec les noms des membres fondateurs qu’ils vont
déposer au niveau du ministère de l’Administration territoriale. En une
semaine, dix jours, voire un mois, ils obtiennent leur récépissé», a récemment
déploré dans la presse Dr Mamadou Samaké, enseignant-chercheur. D’où la
nécessité de «renforcer les dispositions relatives à leur création». Et il a fait
référence à la Mauritanie qui a révisé sa Charte en précisant que de leur
création à une certaine date, toutes les formations qui n’ont jamais eu de
conseillers ou de députés sont considérées comme dissoutes.
Si en 1991 on pouvait se permettre de tout expérimenté dans l’enthousiasme
de la victoire du Mouvement démocratique sur une très vieille dictature
impitoyable pour ses serviteurs en disgrâce à plus forte raison ses opposants,
34 ans après, nous devons être en mesure de tirer les enseignements des
choix de cette époque, corriger les erreurs et replacer la démocratie sur orbite.
Moussa Bolly