Du 7 au 13 juin, le roi Philippe de Belgique se rend en République démocratique du Congo. La délégation belge arrive à Kinshasa pour ensuite se rendre à Lubumbashi et dans le Sud-Kivu.
Le roi des Belges Philippe se rend en RDC, pour relancer le partenariat avec le président Félix Tshisekedi et poursuivre le travail de mémoire sur la période coloniale, encore omniprésente dans les esprits.
En 2021, en raison de la pandémie de Covid-19, cette visite a été reportée. C’est une première pour le souverain belge dans cette ancienne colonie. L’occasion de se poser des questions sur le sens de cette visite et l’impact qu’elle peut avoir en RDC à une année de la prochaine élection présidentielle.
DW : Comment analysez-vous cette visite du roi Philippe ?
Georges Kasongo Kalumba : Si nous commençons par fixer le contexte de cette visite, nous dirons qu’elle représente une première à plusieurs égards. D’abord, le fait que le roi Philippe n’est pas de la génération des rois qui ont connu la colonisation belge au Congo. Ensuite, il arrive au lendemain d’une alternance démocratique, si on peut la qualifier ainsi. Les relations entre la Belgique et la République démocratique du Congo sont vidées des passifs du passé parce que nous avons des dirigeants qui sont d’une génération qui n’a pas connu les problèmes tumultueux qui ont caractérisé l’histoire politique des deux pays.
Ensuite, nous sommes en quelque sorte dans un nouveau départ avec des dirigeants assez décomplexés qui n’ont pas beaucoup de liens avec ce qu’il y a eu dans le passé.
DW : Cette visite s’inscrit aussi dans le contexte du retour de la relique de l’ex-Premier ministre Patrice Lumumba et on sait le rôle que la Belgique a joué dans l’assassinat de Lumumba. Est-ce que vous pensez vraiment que les relations sont pacifiées entre les deux pays ?
Georges Kasongo Kalumba : Je pense qu’une grande partie des rancœurs a été vidée. D’abord, vous avez évoqué la jeunesse des dirigeants, c’est-à dire qu’ils ont l’avantage d’aborder cette question ensemble sans beaucoup de passions étant donné qu’ils n‘ont pas été directement concernés.
Ensuite, nous avons connu une grande avancée. Il y a deux ans, pour la première fois, un roi des Belges a exprimé des regrets par rapport à tout ce qui s’est passé pendant la colonisation et pendant les premières heures de l’indépendance, notamment le rôle supposé ou réel de la Belgique dans l’élimination de Lumumba. Cette visite a été précédée par un discours tenu en 2020 par le roi Philippe qui a exprimé des regrets. C’est une première dans l’histoire et cela pourrait baliser le chemin vers des lendemains meilleurs dans les relations entre la Belgique et la République démocratique du Congo.
Il y a une volonté claire qui s’exprime à la fois en Belgique et en République démocratique du Congo. Il y a une espèce de lassitude par rapport à tous ces tumultes qui ont caractérisé les relations et la plupart d’acteurs qui étaient directement impliqués dans des événements qui compliquaient ces relations appartiennent désormais au passé. Il y a une opportunité et désormais, cela dépendra de la manière dont les principaux acteurs vont exploiter cette opportunité pour obtenir de meilleures relations. On peut donc dire qu’il y a plusieurs paramètres sur lesquels les dirigeants peuvent jouer pour obtenir une pacification.
DW : Cette visite s’inscrit aussi dans un contexte politique et sécuritaire particulier. Est-ce que vous pensez que d’une manière ou d’une autre, elle peut s’inscrire dans une opération de communication de la part des autorités congolaises ?
Georges Kasongo Kalumba : vous avez raison, les autorités congolaises sont des élites politiques, c’est-à dire qu’elles sont caractérisées par un certain degré d’opportunisme. Bien sûr que ces autorités voudront faire de la récupération de cette visite pour essayer d’abord de se redonner une certaine légitimité, mais ensuite de présenter la Belgique comme étant de leur côté.
De ce point de vue, il appartiendra au roi et aux autorités belges d’être suffisamment claires et d’exiger des avancées, notamment dans le processus électoral qui semble augurer des pannes et dans une certaine mesure, dans la manière de traiter les opposants ainsi que tous les acteurs de la société civile qui tentent de s’exprimer sur ce qui se passe dans le pays. Et je pense que de ce point de vue là, il appartiendra aux Belges plutôt d’être assez clairs et fermes dans les différents messages qu’ils auront à délivrer sur place.
Wendy Bashi
Source:dw.com