L’OIG a vérifié au niveau de trois autres hôtels de Paris, l’Hôtel Splendid, l’hôtel Campanile et l’hôtel Paris – Liège, des factures concernant des séjours de l’Individu B. Lors de l’inspection des documents portant leurs noms, tous les hôtels ont répondu que les factures n’avaient pas été délivrées par eux. Dans le cas de l’Hôtel Campanile, l’OIG a trouvé une feuille blanche, avec seulement le logo de l’hôtel, dans la poubelle qui était sous le bureau de l’Individu C. L’OIG a également trouvé un document, qui comprend le corps de la même facture, dans l’ordinateur de l’Individu B. Les métadonnées de ce fichier indiquent qu’il le fichier a été créé le 1er Février 2008, soit trois mois avant que cette facture ait été soumise.
Certains vendeurs ont admis avoir coopéré avec des responsables du programme, en leur remettant des modèles vierges de leurs factures. L’un d’eux, après avoir vu une facture datée du 20 Novembre 2008, au nom de son entreprise, pour l’achat de 4 rames de papier pour le 20 000 FCFA, a dit à l’OIG que la facture était fausse. Il a déclaré que le modèle était bien celui de son affaire, mais n’a reconnu ni le timbre ni la signature. Il a finalement admis qu’il avait donné une facture vierge à quelqu’un d’un autre magasin, qui n’a pas voulu lui donner de plus amples informations.
Lorsque l’OIG a montré une offre portant le nom d’un vendeur d’une entreprise, le propriétaire de celle-ci a reconnu la signature comme celle de son employé. L’employé a confirmé qu’il avait produit le document, mais seulement «pour venir en aide à quelqu’un qui avait besoin d’une soumission». Le patron a affirmé que le service pour lequel son vendeur avait effectué la soumission du fournisseur n’était pas un service que son entreprise offrait.
L’OIG a également identifié des cas où les factures censées justifier certaines dépenses du PNLP ont été confirmées par les vendeurs comme frauduleuses.
Trois «fournisseurs concurrents» confirment tous la fraude:
L’OIG identifié une facture prétendument du fournisseur Mamadou Sanogo au niveau du PNLP, en date du 20 Juin 2006, pour des kits de tests rapides totalisant 2 941 USD (1 400 000 FCFA). L’OIG a également identifié une autre facture censée émaner de ce même fournisseur et datée du 12 Décembre 2006, soit de la même année. Elle enregistre la vente de rames de papier, cahiers, classeurs, stylos, cartouches d’encre, flip board et marqueurs pour 1 415 USD. Quand l’homme d’affaires a été mis en face des deux factures, il a déclaré que, bien que les en-têtes soient ceux de son entreprise, le contenu et les signatures étaient fausses.
Dans les deux cas, pour l’achat des mêmes kits de tests rapides et fournitures de bureau, l’OIG a retrouvé des soumissions concurrentes qui portaient les noms de deux mêmes fournisseurs: Cheickna Konaré et Souleymane Diarra. Ces documents portaient de multiples indices flagrants de fraude: (i) le même groupe de vendeurs proposait prétendument des marchandises diverses, (ii) le même groupe de vendeurs soumissionnait les uns contre les autres et, dans la grande majorité des cas, le même fournisseur a toujours gagné, et (iii), la formulation, l’espacement et le format des offres concurrentes étaient similaires. En effet, dans tous les cas, les cinq lignes avaient un espacement identique, même si Cheikna Konaré n’a pas du tout utilisé les deux dernières lignes. L’OIG a rencontré les chefs d’entreprises Cheikna Konaré et Souleymane Diarra le 22 Février 2010. Tous les deux ont confirmé que les offres portant les noms de leurs entreprises étaient fausses. L’un d’entre eux a fait remarquer que l’en-tête était conforme, mais que le contenu, le cachet et la signature étaient faux. L’autre a aussi déclaré qu’il ne vendait pas ce type de produits.
L’OIG a également contacté d’autres fournisseurs prétendus dont les noms figuraient sur des documents présentés par deux suspects du PNLT et du PNLP. Le fait que les documents présentaient des indices de fraude similaires et sont apparu identiques pour les deux programmes indique que soit les manœuvres frauduleuses ont été communes au PNLP et au PNLT, soit que la DAF – le seul bureau à avoir eu accès aux dossiers de ces deux PR (Bénéficiaire Principal) – a été à l’origine de la création de ces documents pour son propre compte.
Station Total Camp Digue:
L’OIG a découvert que le plus grand nombre de reçus, soit 180 pour les quatre Rounds enquêtés, totalisant 77 500 USD (36 890 000 FCFA) aurait été émis par une station d’essence de Bamako, la Station Total Camp Digue, pour l’entretien et le carburant des véhicules. L’OIG a rencontré les gestionnaires de la Station Total du Camp Digue et leur a montré 22 factures au nom du PNLP ou présentées par le PNLP, allant des années 2004 à 2009. Les gestionnaires ont émis des doutes, affirmant que les factures n’étaient pas authentiques. L’un deux a déclaré que, même si les factures paraissaient provenir de sa station, les marchandises n’en venaient pas. En effet, la station ne vendait ni filtres à huile ni filtres à gazole, comme mentionné sur beaucoup de factures. Il a également identifié des indices de falsification sur les factures, notant qu’il était impossible d’acheter exactement la même quantité de carburant plus d’une fois (comme le prétendaient quatre reçus représentaient 281 USD dans ce cas, soit 133,858 litres à chaque fois. Il a aussi déclaré soupçonner que quelqu’un d’extérieur à l’entreprise avait fabriqué ces factures. L’autre a également déclaré que le prix du carburant sur les factures était faux. Cela a été confirmé par les vendeurs. En outre, les gestionnaires ont également confirmé que les achats de carburant n’ont jamais été effectués en utilisant des bons, comme les factures le déclaraient.
BC Tech / Baly Consult:
L’OIG a constaté que certaines factures soumises par le PNLP et le PNLT portaient des noms d’entreprises différents, mais similaires, et incluaient les mêmes renseignements. En utilisant les informations de contact, l’OIG a appris que l’entreprise citée sous ces en-têtes différents (Bani Consult Technology et Baly Consult Technology) se nommait en fait « BCTech – Bani Consult Technology », et qu’elle avait fermé en 2006. L’iOIG a rencontré l’ancien Directeur général de la société, qui a inspecté toutes les factures, y compris celles datant de 2004 et de 2005, et les a identifié toutes comme fausses. Il a affirmé que bien que les factures mentionnent l’adresse précise de son entreprise, le nom du vendeur était faux. Le nom de l’entreprise, issu de son propre nom, était «Bani» et non «Baly».
Dans 47 cas, les vendeurs ont signalés aà l’OIG au téléphone que (i) ils ne faisaient pas le type d’affaires liées à ce numéro de téléphone, (ii) leur entreprise ne vendait pas les biens ou services figurant sur la facture ou l’une offre, ou (iii) leur entreprise avait fermé avant que la facture ou l’enchère ne soit rédigée.
Vendeurs qui ont affirmé que l’entreprise à leur nom n’existait pas, qu’elle vendait d’autres biens et services, ou qu’elle avait fermé avant la date de la facture
Alou Traore, Issa Guindo, Restaurant Djeli Bazounanaba, Amadou Ly, Kante Djibril, Restaurant Kati, ATHS Sarl, La Fleche, Restaurant Poussy, Balazan Imprim, Le Marina, Restaurant Tieba Coulibaly Markala, Bourama Kone, Librairie Papeterie De La Cite, S.M.D, Cantine De L’Espoir, Librairie Papeterie Koulikoro, Sahara Passion,
Cifrecom Sar,l Lirabi, Serigraphie Imprimerie, Cisse oil Service, Mali Logistique Sarl, SO.DI.MA.P, Dia Imprim Services, Mamadou B. Keita, Souleymane Keita, EMAI, Mamadou Cisse Dit Bah, Souleymane Kone, Ets Benso, Micro Center, Station Cisse Gaz-Oil, General Couture, Mme Bah Kadia Nourou N’Diaye, Station Sodies Import Export, Hamadoun Amadou Maiga, Mme Sogoba Salimata Coulibaly, Station Star Oil, Hamady Kante, Nouvelle Papeterie, Station Total Marie, Hotel Restaurant Cafeteria, Quincaillerie et Divers Ches Ousmane, Segou, Coulibaly, Tata Hotel Sikasso, Ibrahima Diawara, Restaurant Ahouchel.
Voici quelques exemples:
* Mali Sarl Logistique: La personne répondant au téléphone a affirmé à l’OIG que l’entreprise avait fermé en 2008. En outre un timbre portant ce nom a été retrouvé parmi les cachets détenus par l’Individu C et des copies des factures de ce fournisseur ont été retrouvées sur son bureau.
* Souleymane Koné: La personne qui a répondu au numéro de téléphone figurant sur la facture fournisseur a déclaré qu’elle n’avait jamais vendu de produits au ministère de la Santé.
* Bourama Koné: La personne répondant au téléphone a informé l’OIG que son entreprise ne louait pas de salle de conférences, comme indiqué sur la facture.
Fausses signatures sur les pièces justificatives
Une autre partie importante de la documentation justificative fournie par les deux programmes est composée des listes de per diem. Les fiches de paiement de per diem feuilles devaient être signées par toutes les personnes admissibles à en recevoir, cette indemnité journalière étant destinée à couvrir les coûts soit (i) de voyage et de nourriture pour le personnel du programme et les chauffeurs qui effectuaient une mission de supervision en dehors de leur de base, soit (ii) du temps passé en formation par les participants. Selon l’analyse de ces documents par l’OIG, les indemnités journalières représentent au moins 791 492 USD (376 759 192 FCFA) du total des dépenses des subventions allouées lors des quatre Rounds (ce montant n’inclut pas les frais connexes, tels que les séjours à l’hôtel et les dépenses de carburant).
L’OIG a trouvé des preuves solides que les responsables du programme, pour les deux programmes Paludisme et Tuberculose, ont contrefait la signature de certains «bénéficiaires» de per diem sur les feuilles soumises pour justifier les dépenses du programme. L’OIG a effectué une analyse des signatures figurant sur chaque fiche de per diem pour les Rounds 1, 6 et 7 Paludisme, dans lesquelles il a (i) identifié les noms répétés plusieurs fois dans différentes fiches journalières, et (ii) a comparé les signatures y afférant sur deux fiches ou plus. Sur les 2 271 feuilles de per diem examinées, l’OIG a trouvé au moins 666 pages qui contiennent au moins une signature falsifiée. En plus de ces discordances, les feuilles de per diem présentent des signes suspects et autres indices de contrefaçon et de fraude. Les signatures qui accompagnent certains noms apparaissent soit comme complètement inventées (par exemple un visage souriant, un signe plus, etc) soit de la même écriture sur une page entière de bénéficiaires différents de per diem. L’OIG a identifié 289 fiches supplémentaires de per diem portant des signatures très suspectes
Par exemple, toutes les signatures de superviseurs présumés pour la région de Koulikoro figurant sur une fiche de per diem ressemblent fortement à l’écriture du Coordonnateur du PNLP, l’Individu D, dont la signature personnelle authentique apparaît en bas de feuille. Tous les noms sur cette page ont été appariés aux mêmes noms sur d’autres feuilles. Dans tous les cas, les signatures accompagnant ces noms étaient différentes de celles portées sur la page suspecte. Dans certains cas, (par exemple, les trois premiers noms) chaque page portant le nom du participant a été accompagnée d’une signature différente, créant des doutes sur l’authenticité de toutes les signatures, et dans d’autres cas (par exemple, les deux derniers noms) la répétition de certaines signatures sur différentes fiches augmente la probabilité que celles-ci étaient authentiques.
L’Individu D est actuellement détenu par les autorités maliennes sur la base des déclarations du comptable de la DAF, l’Individu A, qui affirme lui avoir donné de l’argent. L’OIG a pu obtenir confirmation de la part du Directeur général de l’INRSP (Institut National de recherche en santé publique) qui sa signature a en effet été imitée ou falsifiée sur deux documents.(Cf fac simile, NDLR).
A suivre…
Le 22 Septembre 06/07/2011