C. Marchés passés frauduleusement
L’OIG a également identifié des cas où les principes généraux de marchés équitables et compétitifs n’ont pas été suivis. L’Article 18 (a) des accords de subvention pour les quatre Rounds concernés stipule que les pratiques d’approvisionnement doivent répondre aux critères suivants:
(a) Les contrats sont attribués, comme le veut la pratique, sur une base compétitive,
(c) Les contrats sont attribués seulement aux entrepreneurs établis qui possèdent la capacité de les réaliser avec succès,
(d) Un prix raisonnable (tel que déterminé, par exemple, par une comparaison des offres de prix et des prix du marché) doit être payé pour obtenir des biens et des services.
Un cas de violations répandues dans les achats concerne le fournisseur Anna-Marie Diallo, qui semble avoir remporté au moins 50 contrats, d’une valeur de 46 329 USD pour fournir de la nourriture et des boissons lors des Rounds 4, 6 et 7 Paludisme. Les soumissions portant le nom de ce vendeur étaient généralement accompagnées d’offres présumées des deux mêmes fournisseurs concurrents, Cantine de la Paix et Mariam Sidibé. L’OIG a relevé que les trois documents de soumission présentaient de nombreuses similitudes.
Lorsque l’OIG a communiqué avec le gestionnaire de l’entreprise Anne Marie Diallo, ce directeur l’a informé que les trois entreprises étaient dirigées les membres d’une seule famille (Un appel d’offres regroupant les membres d’une même famille met raisonnablement en cause le fait que le processus ait été authentiquement compétitif). Lorsqu’on lui a demandé de montrer où et comment la société produisait ses factures, aucun des cybercafés internet dans lesquels l’OIG a été conduit n’a pu montrer les modèles de celles-ci (le propriétaire du café était absent ou les ordinateurs n’étaient pas opérationnels). Lorsqu’on lui a demandé combien, environ, de factures avaient été rédigées pour les programmes, le gestionnaire n’a pas pu déterminer s’il y en avait dix, une centaine ou plusieurs milliers.
L’OIG a également trouvé des cas dans lesquels il a été en mesure de prouver que les offres concurrentes étaient frauduleuses, mais incapable de réunir des preuves suffisantes pour conclure que la facture relative à l’enchère gagnante était également frauduleuse, ou que les biens et services n’avaient pas été fournis.
Malgré l’existence d’indices concordants dans les documents du soumissionnaire gagnant, l’OIG n’a pas catégoriser ces cas dans son montant de fraude globale, mais les a plutôt classés comme des violations des procédures d’approvisionnement. Voici un exemple de ce type de scénario.
Un représentant du vendeur Mohamed Moussa Camara Impact Informatique (MMCII) a confirmé, le 30 Mars 2010, que les signatures sur six offres différentes portant le nom de son entreprise étaient fausses. Un représentant du vendeur prétendument le fréquemment en compétition avec lui, Kanu Burotic, a également déclaré que les soumissions portant le nom de son entreprise étaient fausses et que son entreprise n’a jamais fait d’offre ou enlevé aucun marché concernant ces programmes.
Lorsque l’OIG a contacté le vendeur qui avait régulièrement « gagné » contre ces deux fournisseurs, Ibrahim Tapo Debo Electronic, le gestionnaire a affirmé que les documents portant le nom de sa compagnie étaient authentiques. Lorsque l’OIG a constaté le décalage entre le fait que le magasin semblait faire de la vente de matériel électronique uniquement et celui que les factures concernaient une vente de fournitures de bureau, comme des stylos et du papier, le gestionnaire a affirmé qu’il avait la possibilité de livrer tout ce que le client voulait. Il a également déclaré que les signatures figurant sur les factures pouvaient être celle de n’importe lequel de ses nombreux employés. L’OIG a obtenu une facture vierge de ce fournisseur, et elle différait en apparence de toutes les autres factures attribuées à ce vendeur au cours des différentes subventions.
Les noms de fournisseurs attributaires de marchés qui ont été associés à des soumissions confirmées frauduleuses, comme dans l’exemple ci-dessus, sont: Ibrahim Tapo, Lalla O. Dicko, Bama Impression, Amadou Baba Konaté & Frères, Centre de la Bande Dessinée, SM3, Souleymane Sacko, Union Service, AB Trading SARL, Ets Abdoul Karim Sidibé & Frères, Labotech Service.
Au total, l’OIG a identifié 685 770 USD (326 426 765 FCFA) de dépenses pour des marchés douteux.
D) Le laboratoire inutilisable du PNLT
L’OIG note également que 122 106 USD (58 122 369 FCFA) de fonds du GF (Fonds mondial) ont été consacré à la construction d’un laboratoire inutilisable (et pratiquement vacant) dans le Round 4 Tuberculose. Les détails de ce qui a « transpiré » dans ce cas sont actuellement sous examen de la part les autorités maliennes, et l’OIG n’a pas été capable de mener son travail d’enquête à sa conclusion.
Le PNLT s’était engagé à construire un laboratoire, dans le but de permettre le renforcement de l’assurance qualité des examens de laboratoire effectués par les niveaux périphériques pour détecter les nouveaux patients TPM +; d’effectuer les tests de sensibilité pour les patients MDR sous traitement et d’appuyer la réalisation de tests effectués au cours de l’enquête nationale initialement prévue lors du Round 4.
Un entrepreneur du nom de Ecetram a été retenu pour la construction, et 51 435 USD (24 483 044 FCFA) de fonds pour le laboratoire ont été remis à l’entrepreneur en Juin 2008. Un deuxième versement de 70 678 USD (33 642 200 FCFA) a été effectué en août 2008. En Juin 2009, le solde 30 000 USD a été payé au titre de la contribution nationale.
Les rapports de gestion du GF ont commencé à enregistrer des préoccupations en 2007, alors que la construction du laboratoire avait été fortement retardée en raison de difficultés dans les passations de marchés. Un mémorandum interne au personnel du Secrétariat du GF chargé de superviser la subvention a également signalé le retard.
En Juin 2010, le personnel du Secrétariat a visité le laboratoire et a conclu qu’il ne répondait pas aux spécifications minimales en matière de sécurité, et était donc inutilisable. Il a en outre noté que le PR (Bénéficiaire principal) n’avait même pas anticipé les coûts supplémentaires pour l’équipement de ventilation requis pour ce type de laboratoire, selon les normes de l’OMS. Le matériel du laboratoire se trouve actuellement dans un entrepôt et il est allégué que cet équipement n’est plus utilisable.
Lors de sa revue du laboratoire, l’OIG a identifié les anomalies suivantes: (1) il n’y avait aucune preuve qu’un processus d’appel d’offres ait été entrepris pour attribuer le contrat à une société nommée Ecetram, et (2) l’ingénieur de conception, dont le nom a été annexé à la conception du laboratoire et aux dessins a indiqué à l’OIG qu’il n’avait jamais été engagé pour concevoir ce laboratoire en particulier, et que le plan de masse annexé au contrat était un plan qu’il avait fait pour un laboratoire tout à fait différent. L’OIG a également interrogé le Directeur de l’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP), qui a déclaré qu’il avait réquisitionné le laboratoire.
Il a informé l’OIG que le laboratoire n’était pas utilisable car il ne répondait pas aux normes nécessaires pour effectuer des tests pour la tuberculose dans un environnement sécurisé. Il a également déclaré que, après avoir fait la demande pour ce laboratoire au Ministère de la Santé et insisté sur certaines normes pour celui-ci, il n’était plus invité aux réunions concernant la planification et la construction du laboratoire.
Comme la construction qui en a résulté ne pouvait pas être utilisée en toute sécurité aux fins prévues, il a informé l’OIG qu’il avait engagé un cabinet conseil indépendant, chargé d’examiner le laboratoire et de recommander les moyens pour le faire répondre aux normes de sécurité. Il est actuellement à la recherche de 84 000 USD de la part du GF afin de rendre ce laboratoire utilisable. L’OIG a visité le laboratoire à l’été 2010, et a, en effet, constaté que la construction n’était pas utilisée et que le travail avait été très partiel. (Il convient de noter que le personnel du Secrétariat a informé l’OIG que, durant sa propre conversation avec le Directeur, lors de sa visite initiale au laboratoire, quelques mois plus tôt, celui-ci n’avait montré aucun intérêt pour le laboratoire et a déclaré au personnel du Secrétariat que cela n’était pas son affaire).
V. Les lacunes des contrôles fiduciaires
Au Mali, cinq structures -la DAF, les vérificateurs externes, le LFA (Local Fund Agent, Agent Local du Fonds), le CCM (Country Coordinating Mechanism, Mécanisme de Coordination Pays, instance nationale de coordination) et certains membres du GF même constituaient le cadre fiduciaire qui aurait dû s’assurer que les fonds étaient utilisés aux fins prévues. Toutefois, l’examen par l’OIG des principaux documents émis par ces structures, ainsi que des entrevues avec le personnel-clé au sein de ces structures, a montré qu’aucun d’entre eux, à l’exception d’un audit externe réalisé en 2009, n’avait découvert les risques évidents et les signaux indiquant que des fonds pouvaient avoir été détournés. Nb : Selon un groupe d’experts consultants en matière de fonds alloués au Mali, GMS, les découvertes initiales effectuées par le MoH (Ministère de la Santé) l’ont été grâce à l’utilisation d’un système d’audit indépendant, utilisé par d’autres bailleurs de fonds. Cette date, ce système d’audit n’a plus été utilisé pour passer en revue les subventions du GF.
L’on peut toutefois tirer des leçons pour chacune des structures fiduciaires, afin de renforcer le cadre fiduciaire du GF pour les subventions futures. Cette section décrit (i) les rôles et les responsabilités de chaque structure fiduciaire, (ii) comment le GF a perçu la robustesse de chacune; (iii) les faits saillants identifiés au cours de la durée de la subvention, et (iv) les faiblesses structurelles qui peuvent avoir empêché chacune d’entre elles de détecter les fraudes et abus.
Il est à noter que les observations de l’OIG ne portent que sur la surveillance fiduciaire de quatre subventions attribuées au Mali entre 2005 et mi-2010. L’OIG recommande que les garanties suivantes soient mises en œuvre:
. Renforcer et prioriser le mandat des entreprises chargées de surveiller les dépenses dans les pays, en vue d’améliorer la prévention et la détection des fraudes
. Prendre en compte le renforcement du rôle des organes de coordination nationale dans la supervision des subventions;
. Instaurer des vérifications (scruter) supplémentaires des activités considérées comme à risque élevé de fraude, telles que les formations;
. Rediriger une proportion de toutes les subventions en vue d’évaluer et de renforcer les contrôles financiers au niveau des pays;
. Augmenter le nombre de membres du personnel du Fonds, y compris le FPM, responsable de la gestion financière.
A suivre…
Ramata Diaouré
Le 22 Septembre }28/07/2011