Il devra remplacer les biens perdus, volés ou détériorés à ses propres frais, conformément aux conditions d’achat définies par les articles 18 et 19 du présent Accord. Le récipiendaire principal sera par ailleurs tenu comme unique responsable en cas de perte ou de vol d’espèces en sa possession ou en la possession d’agents sous sa responsabilité ou des sous-récipiendaires…». C’est en vertu de ce document que le Mali doit rembourser au Fonds Mondial 2 490 186 565 FCFA, comme le montre cette 22ème partie du Rapport du Bureau de l’Inspecteur Général, qui estime d’ailleurs ce montant sous-évalué. Jusqu’à aujourd’hui, il ne s’est exécuté qu’à la petite hauteur de 140 272 467 FCFA, en mars 2010. Ramata Diaouré
5. Capacité du Fonds Mondial à détecter les fraudes et à y remédier
Le BIG s’est entretenu avec le personnel du Secrétariat qui a supervisé les subventions Paludisme et Tuberculose du Mali et a examiné les documents qu’il avait fournis. Il a constaté que le personnel semblait avoir manqué des moyens et de la capacité à détecter les risques de fraude ou de malversation et qu’il n’était pas préparé, ni particulièrement incité, à répondre correctement à ces risques s’il les détectait. Ces observations concernent principalement les actions menées par le personnel du Fonds mondial de 2005 à la mi-2010.
Le personnel du Secrétariat n’a pas considéré les problèmes soulevés par le LFA comme des risques de fraude ou de malversation
Alors qu’il a été averti à de nombreuses reprises de l’existence de problèmes fiduciaires (présentés plus haut) par les rapports d’audit externe et le LFA pendant toute la durée de la subvention, le personnel du Secrétariat a déclaré au BIG qu’il n’avait jamais pensé que ces avertissements pouvaient induire des risques de fraude, de détournement de fonds ou d’une autre malversation. Il a estimé que ces problèmes provenaient de l’insuffisance de la capacité institutionnelle des acteurs chargés de la mise en œuvre des subventions. Il a par exemple mentionné que les retards relatifs à l’achat des motocyclettes et du laboratoire de la part de la DAF étaient «bizarres» et que le responsable «n’avait jamais compris pourquoi», mais qu’il pensait qu’ils étaient dus à des «capacités insuffisantes». De même, lorsque le personnel s’est aperçu qu’il n’existait pratiquement aucun système de gestion des documents pour le PNLT, il a été fait appel à un consultant pour apporter une assistance technique en la matière au PNLT. Le Secrétariat n’a pas considéré que ces problèmes pouvaient refléter un dysfonctionnement des programmes.
Les spécialistes du financement au Fonds mondial n’ont pas eu accès aux rapports d’audit externe ni aux rapports réalisés par le LFA sur les audits
Lors de la publication des rapports d’audit, le Fonds mondial appliquait une procédure selon laquelle le LFA – spécialiste du financement – examinait ces rapports, puis établissait un rapport récapitulatif à l’attention du Fonds mondial. Les FPM, spécialistes du financement des programmes, recevaient alors les rapports d’audit et le rapport réalisé par le LFA. Le personnel du Secrétariat a déclaré au BIG avoir examiné les rapports récapitulatifs du LFA, puis en avoir lui-même rédigé un résumé qu’il a transmis à l’Unité Finance (regroupant les spécialistes du financement du Secrétariat). Celui-ci n’a effectivement reçu ni les rapports d’audit eux-mêmes ni les rapports récapitulatifs du LFA, mais uniquement les résumés de ces derniers, établis par les FPM. L’Unité Finance dépendait donc des rapports réalisés par les spécialistes des programmes pour avertir ces derniers d’éventuels problèmes financiers concernant les subventions. Le BIG a constaté que les rapports sont directement soumis à l’Unité Finance depuis 2011.
Le Fonds mondial n’a pas adopté de mesures d’atténuation appropriées des risques fiduciaires pesant sur les subventions
Le Fonds mondial n’a pas adopté de mesures d’atténuation suffisantes lorsqu’a été indiquée une augmentation des risques fiduciaires pesant sur les subventions. Lorsque ces problèmes ont été portés à l’attention du personnel du Secrétariat, celui-ci avait la possibilité de les signaler aux acteurs chargés de la mise en œuvre des subventions au moyen de lettres à la direction, d’en discuter de manière bilatérale avec le ministère ou la CCM et, si nécessaire, de suspendre le décaissement des montants estimés injustifiés. Le personnel du Secrétariat a informé le BIG que pour la plupart des problèmes, tels que les insuffisances en matière de contrôle systématique, les retards dans les achats et l’établissement des rapports, il avait écrit des lettres à la direction et organisé des discussions bilatérales. Il a toutefois souligné que les responsables de la mise en œuvre des subventions apportaient toujours une réponse «très lente» et «inefficace» aux questions soulevées. S’il leur arrivait de répondre au Secrétariat par courrier électronique, les problèmes étaient en fait rarement réglés et seraient de nouveau signalés par Le LFA lors du DR/PU suivant. Le Secrétariat a par exemple recommandé dès 2009 à la CCM de recruter un directeur compétent, mais cela n’avait pas encore été fait à la publication du présent rapport. L’absence de réactivité du personnel malien aux problèmes signalés aurait dû alerter le Secrétariat sur le fait qu’il ne traitait pas les risques de manière appropriée.
Ce manque de réactivité de la part du Fonds mondial a également concerné d’autres risques fiduciaires: alors qu’il s’était rendu compte des lacunes de la DAF dès le début de son engagement au Mali en 2003, ses tentatives destinées à améliorer le fonctionnement de celle-ci, avec notamment des Lettres à la direction, se sont avérées peu fructueuses et les problèmes ont duré jusqu’en 2010.
Le BIG a également noté que, lors de l’évaluation des subventions, le Secrétariat du Fonds mondial n’avait pas revu ses mesures d’atténuation des risques liés aux dépenses des activités de type formation. Alors que le Fonds mondial exige désormais un plan détaillé des formations envisagées, avant 2010, il en examinait uniquement les programmes généraux.
Le personnel n’a reçu aucune formation en gestion du risque
Le personnel du Secrétariat ne se souvenait pas que les formations reçues lors de son arrivée au Fonds mondial avaient abordé la question de la gestion du risque, notamment le risque de fraude et de corruption. Il ne disposait d’aucune directive, qu’il s’agisse de formations, de mesures définies ou de manuels de gestion, sur la manière d’évaluer le niveau de risque d’une subvention ou d’identifier des facteurs susceptibles de révéler un détournement des fonds.
La transmission de la gestion des subventions du Mali entre les différentes équipes du personnel du Secrétariat n’a pas été dûment effectuée
Lorsque la nouvelle équipe du personnel du Secrétariat a repris la gestion des subventions du Mali, elle n’a pas été informée par l’équipe précédente des problèmes susceptibles de traduire des fraudes ou des malversations. L’un des responsables a déclaré que lors de la transmission du portefeuille concernant le Mali, il avait travaillé avec un administrateur provisoire des dossiers maliens, mais qu’il s’était principalement intéressé à la négociation de la série 4 8 du programme Sida, une nouvelle subvention accordée au pays. En ce qui concerne l’examen des performances des subventions Paludisme et Tuberculose, le personnel du Secrétariat s’est limité à un survol des documents relatifs aux subventions de l’année précédente et n’a pas étudié les rapports du LFA ou les rapports d’audit externe établis pendant toute la durée des programmes. Le responsable a également précisé que le personnel avait reçu la plupart des informations de terrain de la part du LFA.
Le BIG a constaté en outre que le système de gestion des documents laissé par l’équipe précédente du Secrétariat n’avait pas permis à la nouvelle équipe ni au personnel du BIG eux-mêmes de trouver facilement les documents dont ils avaient besoin. Le personnel du Secrétariat a affirmé à plusieurs reprises ne pas avoir connaissance de données essentielles relatives aux subventions antérieures à 2009 – année de sa prise de fonction – comme la manière dont le Fonds mondial avait réagi aux doutes émis par le LFA quant à l’administration des subventions à cette période. Il fallut plusieurs semaines pour obtenir ces informations.
VI. Pertes subies par le Fonds Mondial
A. Droit de remboursement du Fonds Mondial
L’article 27 de l’Accord de subvention standard du Fonds mondial accorde à celui-ci le droit de demander au PR le remboursement des fonds qui n’ont pas été utilisés aux fins prévues par le programme ou dont l’utilisation a violé de quelque façon que ce soit les termes de l’Accord.«Indépendamment de l’existence ou de l’exercice de tout autre mode de recours prévu par le présent Accord, le Fonds mondial peut exiger du récipiendaire principal le remboursement immédiat de tout décaissement qu’il aura réalisé, dans la monnaie dans laquelle il avait été effectué, dans l’un des cas suivants: (i) le présent Accord a été résilié ou suspendu; (ii) le récipiendaire principal a rompu l’un des termes du présent Accord; (iii) le Fonds mondial a procédé à un décaissement erroné au profit du récipiendaire principal; (iv) le récipiendaire principal a fourni de fausses déclarations au sujet des termes couverts par le présent Accord».
L’article 20 de l’Accord de subvention standard du Fonds mondial établit la responsabilité du PR en cas de perte ou de vol d’espèces ou de biens achetés par le Fonds mondial: «le récipiendaire principal sera reconnu comme unique responsable en cas de perte, de vol ou de dégradation des biens achetés par le Fonds mondial (y compris ceux détenus par les sous- récipiendaires). Il devra remplacer les biens perdus, volés ou détériorés à ses propres frais, conformément aux conditions d’achat définies par les articles 18 et 19 du présent Accord. Le récipiendaire principal sera par ailleurs tenu comme unique responsable en cas de perte ou de vol d’espèces en sa possession ou en la possession d’agents sous sa responsabilité ou des sous-récipiendaires et ne pourra bénéficier d’aucun recours auprès du Fonds mondial en cas de perte ou de vol de cette nature».
Enfin, l’Accord interdit de manière explicite la réalisation d’actes de corruption ou de tout autre acte illégal lors de l’administration des fonds des subventions: «le récipiendaire principal ne s’engagera dans aucune pratique considérée, ou susceptible de l’être, comme illégale ou liée à la corruption dans le pays hôte, et veillera à ce que les sous-récipiendaires et les personnes qui dépendent de lui ou des sous-récipiendaires respectent les même conditions».
B. Méthode de calcul des pertes
Compte tenu des clauses juridiques du présent Accord de subvention, le Fonds mondial a le droit d’exiger la restitution des fonds versés, et ce pour de multiples raisons, telles que, mais pas exclusivement: (i) malversations, fraudes et corruption; (ii) utilisation des fonds sans respect des procédures imposées (par exemple, achat de produits de santé avant la soumission et la réception de l’approbation d’un plan de gestion des achats et des stocks); (iii) utilisation des fonds sans documents justificatifs; (iv) gaspillage des fonds. Le BIG a relevé des pertes dans chacune de ces catégories.
Il convient de souligner que pour déterminer les pertes dues à des fraudes et à d’autres types de malversation, le BIG s’en est tenu à un niveau de preuve excluant systématiquement les fonds pour lesquels il n’existait pas de preuves suffisantes. Il a ainsi pris en considération les retraits comportant des «preuves crédibles et importantes» de fraude et de détournement. Il convient par conséquent de préciser que le BIG n’a pas inclus dans ses calculs les retraits sur lesquels pesaient uniquement des soupçons de fraudes (le BIG n’a pu étudier tous les cas qui avaient soulevé des doutes par manque de temps et en raison de contraintes de ressources) ou d’autres types de détournement (achats frauduleux ). Les doutes émis concernaient les éléments suivants: anomalies dans les signatures d’une même personne sur différents événements de formation, justificatifs établis à une date antérieure ou postérieure à celle du retrait, factures de fournisseur ne comportant ni nom ni données de contact, reçus manuscrits, incohérences entre les montants des fiches d’indemnité journalière et la durée des missions, achats excessifs de carburant avec un seul reçu (par exemple, 1 000 litres de carburant sur un seul reçu), cas où le numéro de téléphone ou l’adresse électronique figurant sur la facture d’un fournisseur ne sont pas valides, cas où des factures émises apparemment par le même fournisseur présentent des formats différents, cas où deux fournisseurs différents établissent des factures au même format, cas où un même fournisseur a vendu toute une gamme de produits en établissant différentes factures (par exemple, un fournisseur a vendu du carburant et des fournitures de bureau et loué des salles de réunion), appels d’offres et factures de fournisseurs différents présentant des similitudes (par exempte, police identique, même présentation, même nombre de colonnes et de lignes, mêmes phrases et mêmes fautes de grammaire ou d’orthographe), tampons, signatures et données de contact identiques pour des fournisseurs différents, caractère irréaliste des prix ou d’une gamme de produits figurant sur des factures.
Cette approche prudente entraîne certainement une sous-évaluation de la valeur réelle de la totalité des fraudes qui ont été commises dans le cadre de ces programmes.
A suivre…
Le 22 Septembre 21/08/2011