Hier, jeudi 8 août 2019, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a publié son rapport d’enquête spéciale sur les atteintes sérieuses aux droits de l’homme commises le 9 juin 2019 dans le village de Sobane Da, à la frontière des cercles de Bandiagara et Koro, dans la région de Mopti. Selon la mission Onusienne au Mali, cette attaque a coûté la vie d’au moins 35 personnes membres de la communauté dogon, dont 22 enfants âgés de 1 an à 12 ans (11 filles et 11 garçons). A cet effet, la Minusma a recommandé au gouvernement du Mali de prendre non seulement toutes les mesures nécessaires pour prévenir de telles atrocités, mais aussi, de s’assurer que « l’enquête judiciaire en cours soit menée de façon diligente et approfondie et que les auteurs soient traduits devant les juridictions appropriées ».
C’est à la faveur d’un point de presse tenu, hier dans la mi-journée que la Minusma a rendu public son rapport sur l’attaque terroriste perpétrée à Sabame Da dans la région de Mopti. Le présent rapport de 11 pages fait état d’atteintes sérieuses aux droits de l’homme commis lors de l’attaque sur le village de Sobane Da, dans la région de Mopti, le 9 juin 2019. Du 10 au 14 juin, conformément à son mandat, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) dit avoir déployé une mission d’enquête spéciale des droits de l’homme pour établir les faits, les circonstances et l’ampleur de l’attaque, en vue de contribuer à l’enquête judiciaire en cours menée par les autorités maliennes. Selon les responsables de la Minusma, l’équipe était composée de quatre chargés des droits de l’homme de la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP), de trois officiers de police technique et scientifique de la Police des Nations unies (UNPOL) et de trois chargés du Bureau de l’information publique de la MINUSMA. La MINUSMA dit avoir a également soutenu l’enquête judiciaire en cours menée par le pôle judiciaire spécialisé de Bamako. Au terme de l’enquête, la MINUSMA a conclu que le dimanche 9 juin 2019, de 17h à minuit, un groupe composé d’une trentaine d’individus armés, identifiés par des témoins comme un rassemblement de jeunes venant des villages avoisinants, a attaqué le village de Sobane Da. « L’enquête a permis d’établir qu’au moins 35 personnes membres de la communauté dogon, dont 22 enfants âgés de 1 an à 12 ans (11 filles et 11 garçons), auraient été tuées lors de l’attaque. Trente-deux victimes auraient été brûlées ou asphyxiées à l’intérieur d’habitations et au moins trois personnes auraient été tuées par balle. Les restes de corps calcinés ont également été retrouvés le lendemain de l’attaque mais l’enquête n’a pu les identifier. De plus, neuf blessés, dont six gravement brûlés, ont été évacués à l’hôpital de Sévaré avec l’appui du Centre de santé de référence de Bandiagara. En outre, 40% des bâtiments du village ont été incendiés, soit 23 habitations et 27 greniers, ainsi que de nombreux enclos et Toguna (cases à palabres). La case du chef du village a été épargnée, tout comme l’église du village et de nombreuses maisons affichant des croix. Au terme de l’enquête, aucune indication n’a permis de démontrer que l’attaque avait été menée pour des motifs religieux », révèle un communiqué de presse de la Minusma. Aux dires des responsables de la Minusma, au moins 289 villageois ont réussi à fuir Sobane Da et trouvé refuge dans les villages avoisinants de Koundou (à environ 10 km au nord-ouest de Sobane Da) et Sorou (à environ 4 km au sud), où ils se trouveraient encore aujourd’hui. Le communiqué de la Minusma indique que les actes documentés, en particulier les meurtres, les blessures, les destructions et le déplacement de populations, constituent des atteintes sérieuses au regard du droit international des droits de l’homme. S’ils étaient jugés devant un tribunal national compétent, ajoute le communiqué de presse, ces actes pourraient également constituer des crimes au regard du droit pénal malien. A cet égard, la MINUSMA note avec satisfaction l’ouverture immédiate d’une enquête par le Pôle judiciaire spécialisé et promit de fournir son appui aux autorités maliennes pour s’assurer que les auteurs de ces crimes soient punis. « La réponse au sentiment d’impunité largement partagé dans la zone, est dans une justice prompte et efficace, mais aussi dans l’application des mesures concrètes concernant le désarmement des milices et autres éléments armés. La condamnation des auteurs de ces crimes odieux est une condition sine qua non de la voie du retour à la paix et du vivre-ensemble dans le centre du Mali », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général au Mali et Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif.
« Il est important que l’enquête menée par le Pôle judiciaire spécialisé aboutisse à la poursuite des auteurs »
Le communiqué de la Mission Onusienne au Mali souligne que la gravité de l’attaque perpétrée à l’encontre de Sobane Da, marquée par la mort d’au moins 22 enfants et six femmes, contribue à un cycle de violence déjà bien ancré dans la zone. Depuis l’attaque du 9 juin, indique le communiqué de presse, la Division des droits de l’homme et de la protection a documenté 16 incidents attribués à des groupes armés sur fondement communautaire dans les environs de Koro et Bandiagara. La MINUSMA affirme être préoccupée par les diverses incitations à la haine et à la violence lancées suite à l’attaque de Sobane Da. « Tout appel à la haine ou incitation à la violence est prohibé par le droit international, en particulier par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Mali est signataire. J’exhorte ainsi les autorités maliennes à condamner publiquement de tels actes de manière systématique et à prendre toutes les mesures nécessaires pour tenir les auteurs responsables », a conclu Mahamat Saleh Annadif. En conclusion, le rapport de la Minusma précise que l’attaque de Sobane Da illustre une fois de plus le cycle de violence et de représailles déjà bien ancré dans la zone qui affecte particulièrement les enfants et les jeunes. «La violence armée entre communautés au centre du Mali continue de s’étendre et de fragiliser le vivre-ensemble. Il est important que l’enquête menée par le Pôle judiciaire spécialisé aboutisse à la poursuite des auteurs », souligne le rapport. Comme recommandation, la Minusma a invité le gouvernement à renforcer les mécanismes étatiques pour la protection de la population, notamment les femmes et les enfants, les personnes déplacées et les services sociaux, qui sont de plus en plus victimes des attaques armées continues et des actions de représailles au centre du Mali. La Mission Onusienne au Mali invite le gouvernement malien à prendre non seulement toutes les mesures nécessaires pour prévenir de telles atrocités, mais aussi, de s’assurer que l’enquête judiciaire en cours soit menée de façon diligente et approfondie et que les auteurs soient traduits devant les juridictions appropriées. Enfin, la Minusma souhaite la mise en œuvre des décisions annoncées par le Président de la République pour le désarmement effectif et sans délai des éléments armés non-étatiques impliqués dans les violences commises au centre du Mali.
Aguibou Sogodogo