Le journal Le Sphynx dans sa dernière parution donne un aperçu sur le rapport de la commission parlementaire qui a enquêté sur les événements de Kidal de Mai 2014. Selon Le Sphynx le rapport a conclu qu’il fallait ouvrir une enquête judiciaire contre l’ex-PM Moussa Mara, le Chef d’état Major général des Armées (CEMGA) Mahamane Touré et l’ex-Ministre de la Defense Soumeylou Boubeye Maïga. Le rapport aurait cité Mara comme « responsable du désastre causé par sa visite à Kidal, pour avoir dans son entêtement, et en connaissance de cause, engagé l’Etat dans un risque démesuré ». Le général Touré est lui cité pour avoir engagé « les forces armées dans l’impréparation et la médiocrité totale, est tout aussi responsable de la débâcle de l’armée, de sa déroute humiliante, qu’il avoue à juste titre assumer (sic), sans avoir tiré (sic) les conséquences par une démission volontaire. » Quand à Boubeye, la commission pense qu’il aurait fait des déclarations mensongères. La commission demande également l’établissement du bilan exhaustif des pertes en vies humaines. Un article à lire que nous vous proposons.
CHUTE DE KIDAL La commission d’enquête descend Moussa Mara en flammes
Les effectifs des Famas étaient de (1) un contre (5) cinq éléments des groupes armés le 27 mai 2014 à Kidal. Et le bilan fut de 56 morts, 83 blessés dans les rangs des forces armées maliennes. Voici un extrait (conclusions et recommandations) du de la commission d’enquête parlementaire.
La commission estime que l’Administration publique a été démesurément utilisée à des fins inavouées par un Premier Ministre inexpérimenté. La visite à Kidal, relève plus d’une action préméditée de bravoure, dictée par des intérêts politiques du Premier Ministre Moussa MARA, que de s’enquérir du bon fonctionnement de l’administration dans cette localité, quand lui-même affirme dans sa déclaration que «… la souveraineté à Kidal était partagée…».
En dépit des alertes et mises en garde formelles données à Gao, par le commandement des FAMAS présent à Kidal, par la MINUSMA et SERVAL et les témoins oculaires des éléments précurseurs, le Premier ministre refusa d’annuler sa visite sur Kidal le samedi 17 mai, ni de réduire la taille de la délégation. Il faut en déduire que, ni le Chef d’Etat-major général des armées, Général Mahamane TOURE, ni le Premier ministre n’ont fait preuve de prudence.
Interrogé sur l’opportunité de continuer la visite sur Kidal, suite à l’empêchement de la mission précurseur d’y atterrir, des tirs à l’arme de guerre par les groupes armés et les troubles perpétrés la veille, le Premier ministre a répondu comme suit : « à la fin de la réunion que nous avons eue à Gao, lorsque la décision a été prise de partir à Kidal, j’ai dit aux autres membres de la délégation, que personne n’est obligé de partir à Kidal, celui qui veut peut retourner à Bamako. Tous, à l’unanimité, ont décidé de partir à Kidal. J’ai demandé à Monsieur Soumeylou Boubéye MAIGA qui était souffrant, de retourner à Bamako, compte tenu de son état de santé…»
La question de partir ou de ne pas partir n’est pas moins qu’un baroud d’honneur pour les membres de la délégation, qui au risque de sacrifier la solidarité gouvernementale à peine voilée, n’avaient d’autre choix, ni droit au déshonneur.
En prenant cette décision, le Premier ministre a dénié toutes les règles et procédures normales de prise de décision dans le fonctionnement de l’appareil d’État et de bonne gouvernance, ce qui dénote l’entêtement et l’insouciance qui le caractérisent, son manque de respect et de considération pour les conseillers et leurs avis pertinents.
En effet, il ne fait aucun doute que le Premier ministre, a disposé d’informations et de conseils opportuns, avant de prendre la décision de visiter Kidal, et poursuivre cette visite, en dépit des alertes formelles données à Gao et des évènements ayant précédé à la veille.
Le Premier ministre, Moussa MARA, a par ailleurs affirmé que les trois régions du nord-est (Tombouctou, Gao, et Kidal) sont déclarées zone de guerre, suivant décret N°13-628/ P-RM du 28 juillet 2013 instituant « OPERATION MALIBA ». De ce fait, il n’ignorait pas les difficultés de sa visite dans ces régions, plus particulièrement à Kidal, siège des groupes armés. Son prédécesseur, agissant en homme avisé et prudent, a renoncé à l’accomplissement d’un tel souhait ou instruction du président, quand il a estimé que les conditions sécuritaires n’y étaient pas favorables.
Il s’agit d’une orientation politique, dont le Premier ministre devait se donner les moyens et les conditions de sa mise en œuvre et en assumer les conséquences des actions désastreuses.
Dans son entêtement, le Premier Ministre Moussa MARA engagea alors l’État dans un processus, dont il ne pouvait ignorer le niveau élevé du risque élevé, eu égard à l’intérêt qui s’attachait à une telle visite. Il exposa visiblement l’Etat et ses subordonnés dans l’administration publique (fonctionnaires de l’État, militaires et forces de sécurité en place dont l’effectif soit 256 des FAMAS face à une estimation de 1.500 éléments des groupes armés) à un danger imminent et certain.
L’exercice de haute responsabilité au sommet de l’administration publique, requiert un Homme prudent et avisé, qui, s’appuyant sur des renseignements et conseils pertinents, prend des décisions dans l’intérêt supérieur de la nation, sauvegardant sa vie et celle des autres.
Au cours des auditions, le général Gamou, le capitaine KANIKOMO, le commandant Boubou SISSOKO de la légion de la gendarmerie de Kidal, tous ont déclaré que le Premier ministre a insisté, pour aller tenir sa réunion au gouvernorat. Selon eux, il a été on ne peut plus clair, comme suit : «il faut qu’il aille au Gouvernorat ». Que dire de l’attitude d’une telle personne nantie de l’autorité publique ? Quel qualificatif donner à une telle personne, à ce niveau de responsabilité de l’État ?
Pire, le Premier Ministre Moussa MARA, au cours de son audition a fait des déclarations totalement contradictoires avec celles d’autres personnes auditionnées. Pour en illustrer, le Premier Ministre au cours de son audition déclara : «personne, je dis bien personne ne m’a jamais informé…. ou je n’ai été informé par qui que ce soit d’un risque d’attaque armée » ; le ministre de la Défense et le chef d’Etat-major général des armés et tous les responsables des services de renseignements militaires et sécuritaires, auditionnés ont déclaré le contraire. Tous disent avoir informé leurs supérieurs hiérarchiques, du risque d’attaque par les groupes armés, dont l’effectif était estimé par plusieurs sources entre 1.500 et 3.000 combattants.
Serions-nous en présence d’un mensonge d’État qui ne saurait rester impuni ? Qui en est l’auteur ou en sont les auteurs ? Une enquête judiciaire s’avère nécessaire pour démasquer le ou les auteur(s).
Les déclarations contradictoires à ce niveau hiérarchique dans l’administration dénotent de graves dysfonctionnements dans l’appareil d’Etat, notamment :
– le non-respect des règles et procédures acceptables dans la prise de décision ou leur violation pure et simple;
– la culture de la médiocrité, de l’aliénation gage de promotion dans l’arène de l’administration publique ;
– l’irresponsabilité, encouragée par l’impunité devenue norme de gouvernance;
– l’exécution tous azimuts sans discernement et en connaissance de cause, d’ordres et décisions voués à l’échec, pris par l’autorité hiérarchique au mépris du bon sens, ou normes de gouvernance acceptables ;
Par ailleurs, la visite controversée et chaotique à Kidal, a failli plonger notre pays une grave crise diplomatique, quand le Premier ministre a pointé du doigt la communauté internationale, l’accusant de complaisance avec les groupes armés, et de son refus de coopération, dans sa tentative de justifier le chaos causé par sa visite. Cette communauté fort heureusement, s’est remise à son inexpérience.
Les forces étrangères MINUSMA et SERVAL, ont entre autres pour mission, la protection des populations civiles, et de stimuler les conditions de retour à la paix et la stabilité. Elles n’ont pas vocation à soutenir des Maliens contre des Maliens fussent-ils des groupes armés rebelles, ni à se substituer ou s’aligner avec aux FAMAS, pour combattre des groupes armés qui ne sont de surcroît que des Maliens.
En raison de la situation spécifique qui prévalait à Kidal et dans l’ensemble de la zone, ces régions ne devaient pas être une priorité, dans les visites envisagées par le chef du gouvernement, pour s’enquérir du fonctionnement de l’administration publique, et des services rendus aux administrés.
Quel que soit l’expression de volonté politique, de déclaration sur l’intégrité et l’unité nationale, le statut de Kidal était une exception au sein de la République, en raison :
-de l’accord de cessez-le-feu conclu à Ouagadougou au Burkina Faso, entre l’Etat malien et les groupes armés, en prélude aux élections générales de 2013 ;
-du cantonnement des FAMAS, au même titre que les groupes rebelles armés en application dudit accord et de son respect;
-de la présence de forces internationales étrangères (MINUSMA et SERVAL).
Aussi, faut-il rappeler la justesse de l’application de la politique de ses moyens. En effet, pour la visite à Kidal, le chef du gouvernement comptait sur l’appui des forces internationales sur place, qui ne sont pas obligées, ni sous l’autorité du gouvernement.
Dans l’évaluation de la situation, les FAMAS comptaient s’affronter avec un effectif autour de 400 et 600 éléments des groupes armés, comme consigné dans l’ordre d’opération. Ils se seront rendu compte après, qu’il y avait en réalité un renfort de plus de deux mille (2 000) éléments des forces ennemies qui étaient dans la zone. Comment comprendre une telle négligence, faiblesse et planification chaotique par des officiers supérieurs dont le Chef d’État-major général, alors que tous les renseignements en prélude à la visite, et pendant la visite estimaient l’effectif des groupes armés entre mille cinq cent (1.500) et deux mille (2.000).
Le Premier ministre n’a à aucun moment, exprimé le moindre remords devant la commission parlementaire.
Le Chef d’Etat-major général des Armées et son Adjoint ont affirmé n’avoir pas suivi sur le terrain, le message de paix prononcé à la télévision nationale par le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA lors de son discours à la Nation (avant le 21 mai 2014). À défaut d’avoir accès à l’information publique, il est imaginable que dans cet état d’urgence, en période de guerre sur le territoire national, et pour une décision cruciale à prendre, qu’il n’y est pas de communication entre le chef d’État-major général des armées et le Président de la République. Nous en déduisons une grave décision unilatérale prise par le chef d’État-major général, en violation d’une règle fondamentale du fonctionnement de la république.
Le chef d’Etat-major général des Armées a déclaré « assumé l’entière responsabilité des évènements survenus à Kidal ».
La commission estime que le Premier ministre, Moussa MARA, est responsable du désastre causé par sa visite à Kidal, pour avoir dans son entêtement, et en connaissance de cause, engagé l’Etat dans un risque démesuré.
Le chef d’Etat-major général des armées, Général Mahamane TOURE, en engageant les forces armées dans l’impréparation et la médiocrité totale, est tout aussi responsable de la débâcle de l’armée, de sa déroute humiliante, qu’il avoue à juste titre assumée, sans avoir en tirer les conséquences par une démission volontaire.
L’absence de règle et procédure précises de prise de décision et de définition de champ de responsabilité;
La satisfaction du désir du pouvoir hiérarchique au mépris de la raison d’Etat, de la stabilité, de l’ordre public, de la sécurité et de la vie des agents de l’État (forces de sécurités et fonctionnaires en service dans les localités°.
Les faits et les fautes ont été identifiés, les responsabilités doivent être établies.
Recommandations de la commission d’enquête:
La Commission d’enquête parlementaire recommande ce qui suit :
-l’ouverture d’une enquête judiciaire contre Monsieur Moussa MARA en sa qualité de Premier Ministre chef du gouvernement, dont la décision politico-administrative de visiter Kidal à tout prix, est à l’origine de l’assassinat de fonctionnaires et agents de l’État, de la mort banale des FAMAS et de l’éviction de l’État de Kidal.
-l’ouverture d’une enquête judiciaire contre le chef d’État-major général des armées, Général Mahamane TOURE, pour avoir engagé tous azimuts, les forces armées dans l’impréparation totale, ayant banalement entraîné des pertes en vie humaine d’agents et fonctionnaires de l’État, des FAMAS tués et blessés et la déroute humiliante de l’armée républicaine face aux groupes armés, actes dont il déclare, sans remord, assumé l’entière responsabilité, comme pour narguer l’impunité.
-l’ouverture d’une enquête judiciaire contre le ministre de la Défense d’alors Soumeylou Boubèye MAIGA, si les déclarations qu’il nous a faites s’avèrent fausses, à l’issue d’une confrontation avec le Premier Ministre sur : le ministre de la Défense déclare avoir informé le Premier Ministre du risque élevé d’attaque d’armée ; celui-ci nie catégoriquement en avoir été informé d’une part, et d’autre part sur l’opération militaire programmée pour le 24 mai 2014 révélée par le ministre de la Défense, mais ignorée par le Premier Ministre, et celle du 21 mai 2014 prématurément élaborée et exécutée par le chef d’Etat-major général des armées, surprenant tous les ordres hiérarchiques.
-un audit opérationnel indépendant des FAMAS, notamment le management des ressources humaines et les moyens logistiques ;
-la désignation de députés en qualité de commissaires rapporteurs spéciaux pour le contrôle et le suivi par l’Assemblée nationale, de l’exécution de la loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM) ;
-Exiger du gouvernement, le bilan exhaustif des pertes en vies humaines, jusqu’à présent non communiqué par une source officielle.
-la relecture et la codification des affaires militaires et sécuritaires, la définition claire et précise des responsabilités entre le gouvernement et les responsables hiérarchiques militaires et sécuritaires.
-l’engagement du gouvernement à entreprendre des réformes, instituant la transparence dans la gestion du fonds social des armées, pour le mettre à l’abri des prédateurs de la hiérarchie militaire, et améliorer les conditions de vie des officiers, sous-officiers et soldats, des blessés de guerre et des familles des victimes de guerre ;
– une meilleure prise en charge par l’État, des animateurs des FAMAS : leadership, recrutement, etc.
– l’institutionnalisation d’un code d’éthique au sein de l’armée;
– la dépolitisation de l’arméce
Source: Le Républicain 15/06/2016.
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