RAPPORT D’ALERTE N°01/15:SUR LES ELECTIONS COMMUNALES, REGIONALES ET DU DISTRICT DE BAMAKO

RAPPORT D’ALERTE N°01/15:SUR LES ELECTIONS COMMUNALES, REGIONALES ET DU DISTRICT DE BAMAKO:De grands défis à relever

Introduction

Après la mise en place des institutions issues des différents scrutins (présidentielle et législatives de 2013), les élections communales, régionales et du district de Bamako constituent un pan important pour boucler le processus électoral en cours, et  contribuer à la restauration de la paix et la démocratie locale.

Ces élections qui sont des élections de proximité et de développement local, suscitent beaucoup d’engouement et d’intérêt chez les citoyens. Elles étaient prévues courant avril 2014, qui coïncide avec la fin du mandat des dirigeants des collectivités territoriales.

1. Le retour à la normalité constitutionnelle
Le gouvernement a pris la décision de prolonger de 6 mois le mandat des élus locaux, et a décidé d’organiser les élections communales et régionales courant dernier trimestre de l’année 2014, suivant la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant les élus de la Nation le 29 avril 2014.
Un autre report des élections des Conseils communaux, des Conseils de Cercles, des Conseils régionaux et du Conseil du District de Bamako a été décidé, le 22 octobre 2014 par le gouvernement, pour une durée de six (6) mois ; à compter du 27 octobre 2014.
Ce report est consécutif à un certain nombre de problèmes sur le terrain notamment l’absence de l’Administration dans certaines localités de Mopti, et des régions du Nord (Tombouctou, Gao et Kidal), la non prise en compte des nouveaux majeurs, estimés à plus de 1.700.000,  des omis dans le fichier électoral ainsi que des cas de réclamations, la faible participation des réfugiés et des déplacés aux échéances électorales précédentes, et la recrudescence du banditisme et l’insécurité grandissante dans les régions du nord du Mali.
Les opérations d’achèvement et de pérennisation du RAVEC ont été lancées le 1er octobre 2014 par le Gouvernement et ont pris fin le 31 décembre 2014, bien qu’ayant été prévues pour le 31 octobre 2014, pour prendre en compte les nouveaux majeurs (18 ans), les transferts et les corrections.
Ainsi, le Conseil des Ministres du 28 janvier 2015, sur le rapport du ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, a examiné une communication écrite relative au chronogramme d’exécution des élections communales, régionales et du District de Bamako, prévues au courant du premier semestre de l’année 2015 et assorti des informations relatives aux opérations de révision exceptionnelle des listes électorales qui prennent fin le 28 février 2015.
Le nombre de prorogation des mandats des conseils des collectivités territoriales étant limité à deux (02), il  est proposé d’organiser les élections des conseils des collectivités territoriales à l’expiration du dernier délai accordé, c’est-à-dire le 26 avril 2015.

Le chronogramme d’exécution desdites opérations  prévoit entre autres :
–    l’organisation des cadres de concertation du ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation avec les présidents des partis politiques, les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers ;
–    la gestion des cartes NINA et des candidatures ;
–    l’acquisition du matériel électoral et de locomotion ;
–    la mise en place des documents, imprimés et matériels électoraux ;
–    le retour de l’administration dans les circonscriptions administratives et dans les collectivités territoriales des régions du Nord du Mali ;
–     la sécurisation des opérations électorales ;
–    la participation des réfugiés et des déplacés au processus électoral.

Ainsi, le Conseil des ministres, du 18 février 2015, a adopté le décret portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des conseillers communaux, des conseillers régionaux et des conseillers du District de Bamako ; conformément à l’article 85 de la Loi électorale.
Aussi, la campagne électorale, à l’occasion de l’élection des conseillers communaux, des conseillers régionaux et des conseillers du District de Bamako est ouverte le vendredi 10 avril à 0 heure. Elle est close le vendredi 23 avril 2015 à minuit.

2. PRINCIPAUX DEFIS :
2.1. Réussite de la Décentralisation et de la régionalisation
Dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Etats généraux de la Décentralisation, le Gouvernement a adopté, en 2014, un document de stratégie assorti d’un plan d’actions prioritaires.
Au nombre des actions devant être réalisées à court et moyen termes, figure la volonté de faire de la régionalisation une nouvelle opportunité pour un développement équilibré du territoire national. La régionalisation qui participe de l’approfondissement de la décentralisation vise notamment à renforcer la légitimité des élus régionaux et à accroitre leur maîtrise du développement de leurs territoires. A ce titre, il a été retenu d’introduire un mode de scrutin direct pour l’élection des organes délibérants et exécutifs de la Commune, de la Région et du District de Bamako. En plus, les états généraux de la décentralisation ont recommandé « l’élection des Présidents des Conseils des Collectivités au suffrage universel direct».
Ainsi, le cadre légal a été revu en ce qui concerne la loi électorale, le Code des collectivités territoriales et le Statut particulier du District de Bamako.  
Cependant, il faut noter une faiblesse par rapport à l’information des citoyennes et des citoyens, par rapport à l’encadrement légal des élections communales, régionales et du district, prévues le 26 avril 2015.

2.2. Plus grande représentativité des femmes
Les femmes représentent 50, 4% de la population de notre pays. Elles sont très actives dans la vie économique et sociale. Cependant, elles restent encore très peu représentées au niveau du Gouvernement, dans les postes de décision de l’Administration, à l’Assemblée Nationale et dans les organes élus des collectivités.
Aujourd’hui elles sont au nombre de trois (03) sur un total de vingt-neuf (29) membres du Gouvernement (environ 10 %), 14 femmes sur 147 députés à l’Assemblée Nationale (environ 10%), et 927 femmes sur 10.774 conseillers communaux (soit moins de 10%), zéro femme gouverneur sur 8, les cabinets ministériels sont constitués de moins de 10% de femmes. Cette sous représentation de la femme est également visible au niveau de plusieurs autres instances de décision, malgré l’existence d’un grand nombre de femmes qualifiées et répertoriées notamment dans le répertoire des femmes cadres du Mali. Elle est en déphasage avec l’engagement politique des autorités et de plusieurs instruments nationaux et internationaux visant à défendre et à promouvoir les droits des femmes.
Il convient de signaler que le Gouvernement, sur la base de la Politique nationale Genre, a  présenté le 06 août 2014 à l’Assemblée Nationale pour adoption, le projet de loi instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Ce projet de loi n’a pas encore été voté par l’Assemblée nationale.
De même, le gouvernement III du Président IBK, mis en place le 10 Janvier 2015, comporte 29 membres dont 3 femmes soit 10,34%. Le Gouvernement sortant avait en son sein 5 femmes sur 31, soit 16,12%, soit une diminution de 5,78 points.
Ainsi, au Mali la situation reste en deçà des attentes en matière de promotion de genre, eu égard aux engagements pris par le Mali au niveau national, régional et international.

2.3. Forte implication de la société civile
La Déclaration de Bamako adoptée le 3 novembre 2000 par la Francophonie, tout en se basant sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui a érigé en principe la consolidation de l’Etat de droit pour la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, précise qu’il faut « s’attacher au renforcement des capacités nationales de l’ensemble des acteurs et des structures impliquées dans le processus électoral, en mettant l’accent sur l’établissement d’un état civil et de listes électorales fiables. » Il est établi qu’un processus n’est crédible que si tous les acteurs et groupes cibles concernés le comprennent, et s’impliquent de façon active et responsable.
Il convient de saluer la volonté politique actuelle du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, tendant à mettre en place un cadre de concertations formel avec les organisations de la société civile, pour leur pleine participation à la gouvernance en général et au processus électoral en particulier.
Il s’agit, in fine, de combler la faiblesse de financement qui ne permet pas aux Organisations de la société civile malienne de véritablement jouer leurs rôles.

2.4. Apaisement de situation sécuritaire au Nord
Les pourparlers inter maliens ont été engagés le mercredi 16 juillet 2014 sous l’égide de la Médiation menée par l’Algérie, en qualité de chef de file, avec une équipe composée des médiateurs de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de l’Union Africaine (UA), de la Communautés des Etats de l’Afrique de l’Ouest ( CEDEAO), de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), de l’Union Européenne (UE) ainsi que de quatre pays du Sahel membres du G5, en l’occurrence le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.
A l’issue des débats qui se déroulés du 16 juillet au 24 juillet 2014, les parties ont signé deux documents importants pour la poursuite des pourparlers : la «Déclaration de cessation des hostilités » et la « Feuille de route des négociations dans le cadre du processus d’Alger ».
La Feuille de Route des négociations énonce les principes généraux, les références de base, les dispositifs du cadre global des négociations ainsi que le chronogramme.
L’ensemble du processus de négociation sera couronné par une cérémonie solennelle de signature de l’Accord de paix global et définitif sur le territoire malien.
Aujourd’hui, après cinq (5) rounds de négociations à Alger, il convient de saluer la déclaration portant sur le cessez-le feu entre le Gouvernement et les groupes armés du Nord au cours de ce mois de février 2015. Aussi, dans la nuit du mercredi 25 février, la médiation internationale, conduite par l’Algérie, a remis aux différents protagonistes un texte final d’accord pour la pais et la réconciliation nationale pour amendements. Cet Accord de paix de Bamako, s’il est amendé et accepté par toutes les parties, serait l’aboutissement de sept mois d’intenses négociations.

2.5. Respect des droits de l’homme et lutte contre l’Impunité
La  grave crise politique, institutionnelle, sécuritaire et humanitaire que le Mali a vécue, du 17 janvier au 12 Mars 2012, s’est caractérisée par de graves violations des droits de l’homme restées impunies, tant au nord qu’au sud du Mali.
Aussi, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme  (FIDH)  a décidé de soutenir les victimes dans leur quête de justice dans un certain nombre de dossiers portant sur des  cas avérés de violations des droits de l’homme. Parmi, ces dossiers ; il faut retenir les Crimes commis au nord du Mali et la Disparition des bérets rouge en 2012, la Mutinerie du 30 septembre 2013 au camp militaire de  Kati.
Un certain nombre de prisonniers  de guerre impliqués dans les violations perpétrées lors de l’occupation des 2/3 du territoire national par les djihadistes, les narcotrafiquants et les terroristes d’Al-Qaïda et du MUJAO, ont été libérés en fin d’année 2014. Cette démarche atteste de l’immixtion du politique dans les affaires judiciaires. Ce qui est de nature à saper la dynamique enclenchée, pour lutter contre l’injustice et l’imputé récurrentes au Mali depuis 2012.

3.  RECOMMANDATIONS :

Il s’agit essentiellement des points ci-après :

1.    La tenue des élections communales, régionales et du district de Bamako, le 26 avril 2015, dans toutes les localités où cela est possible, conformément au décret portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des conseillers communaux, des conseillers régionaux et des conseillers du District de Bamako,

2.    La vulgarisation de la nouvelle la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 modifiée portant Loi Electorale, le Code des collectivités territoriales et le Statut particulier du District de Bamako modifiés ; pour un meilleur encadrement des élections à venir,

3.    La mise en place d’un cadre permanent et opérationnel de concertations entre le Gouvernement et les organisations de la société civile électorale, pour leur pleine participation au processus,

4.    Le respect des engagements nationaux et internationaux pris par l’Etat,  pour une meilleure prise en charge du genre à tous les niveaux des postes de décision,

5.    La mise en œuvre de véritables programmes de sensibilisation et d’éducation civique, en étroite collaboration avec les Organisations de la société civile nationales spécialisées sur les questions de gouvernance, démocratie et élections au Mali,

6.    L’appui conséquent aux Organisations de la société civile nationales, pour mener à bien les activités d’information/formation, de sensibilisation/mobilisation des citoyennes et des citoyens, et d’observation citoyenne des élections ; en vue d’une véritable résilience démocratique au Mali,

7.    Une plus grande implication de l’Etat malien, dans la sécurisation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national,

8.    Le respect de la séparation des pouvoirs pour une bonne gouvernance, une amorce véritable de la lutte contre l’impunité et une bonne assise de la cohésion sociale,

9.    La tenue effective des élections communales, régionales et du district de Bamako le 26 avril 2015, pour amorcer le processus de régionalisation ; gage de la stabilité et de la réconciliation pour un Mali crédible et prospère.

Bamako, le  28 février 2015

Le Président

Ibrahima SANGHO      

NOTE SUR L’OBSERVATOIRE

L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, sous le Récépissé n°0060/G-DB du 22 janvier 2015, à Bamako au Mali. Il est dirigé par un Bureau exécutif de neuf membres, provenant de diverses associations et ONG de la société ayant développé une solide expérience dans le domaine électoral et sur les questions liées à la gouvernance démocratique, depuis 1996 (soit dix-neuf ans) au sein du réseau ONG d’appui au processus électoral au Mali (réseau Apem).

Il a pour objectifs, entre autres, d’informer, éduquer et communiquer  sur l’encadrement légal des élections et l’exercice du droit de vote; d’appuyer les organes de gestion des élections dans l’accomplissement de leurs missions; de rechercher les voies et moyens permettant un ancrage durable de  la culture démocratique et de la bonne gouvernance, et, de faire un plaidoyer pour une véritable résilience démocratique au Mali.

L’OBSERVATOIRE est structuré de la manière suivante : au niveau national avec un bureau de 9 membres et 20 ONG et Associations membres, au niveau régional avec des coordinations avec un bureau de 5 à 7 membres, 10 ONG et Associations membres, plus les démembrements des structures nationales, et au niveau des Cercles avec des points focaux dans les 49 cercles du Mali, sous la supervision des coordinations régionales.

En 2013, les structures fondatrices de l’Observatoire (à travers le réseau Apem), ont mis en œuvre un Programme intitulé «Appui au processus Démocratique par l’observation citoyenne de la pré-électorale et des élections Présidentielles et législatives de 2013 (1er et 2ème Tours) au Mali », financé par l’USAID, à travers le NDI, One World UK, l’Ambassade des Pays Bas, Oxfam, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le Programme d’Appui au Processus Electoral au Mali (PAPEM/PNUD), et le « Programme d’Appui à la résilience démocratique au Mali » financé par l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) avec comme activités principales :

1.    l’observation de la phase préélectorale de l’élection présidentielle 2013 ;
2.    la surveillance des opérations de distribution/retrait des cartes NINA ;
3.    la formation et le déploiement de 4.200 observatrices/observateurs lors des deux tours de l’élection présidentielle, encadrés par 200 Superviseurs, Coordinateurs et Points focaux ;
4.    la formation de 1.600 observatrices/observateurs nouveaux pour les législatives;
5.    le déploiement respectif de 3.700 et 3.300 observatrices/observateurs lors des 1er et 2ème tour des élections législatives de 2013, soit 7.000 observatrices/observateurs encadrés par 300 Superviseurs, Coordinateurs et Points focaux ;
6.    le monitoring et le développement des compétences de 30 organes des medias dans le cadre des élections législatives de 2013 au Mali ;
7.    la campagne d’éducation civique, de mobilisation massive et de prévention/gestion des conflits post-électoraux lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali ;
8.    la mise en place du Pôle de l’Observation Citoyenne Electorale (POCE) lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali ;
9.    la formation et la mise en place d’une Equipe de Veille et d’Analyse (EVA) de vingt six (26) jeunes femmes et hommes, coordonnée par un jeune expert en TIC ;
10.    la remontée, l’analyse et le traitement des données d’observation par sms/voix ;
11.    la publication et la diffusion de rapports, déclarations et communiqués de presse sur l’observation nationale citoyenne électorale lors des élections présidentielle et législatives de 2013 au Mali.

Source: Observatoire 2015-03-02 10:38:21