L’Hôtel El Farouk de Bamako abrite, depuis hier Mardi, le colloque régional sur la radicalisation et l’extrémisme violent au Sahel organisé par la Mission de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel) en collaboration avec le G5 Sahel et l’appui financier de la coopération Suisse. La rencontre qui durera trois jours permettra aux participants venus de divers horizons de faire le point sur l’évolution du terrorisme au Sahel, de s’interroger sur les facteurs qui favorisent la radicalisation et l’extrémisme violent et d’analyser le contenu des messages qui sont à la base de ce phénomène. La cérémonie d’ouverture des travaux a enregistré la présence du ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération Internationale et de l’Intégration Africaine, Abdoulaye Diop, du Haut représentant de la Misahel, Pierre Buyoya, de la Directrice de la Coopération Suisse au Mali, Beatrice Meyer, du représentant spécial de l’UE pour le Sahel, Angel Losada Fernandez et du président de la Ligue des Oulémas du Sahel, Cheikh Boureima Abdou Daouda.
Depuis quelques années, la situation sécuritaire dans la région sahélo-saharienne est marquée par les activités des groupes terroristes et criminels qui ne cessent de commettre des actions horribles à l’égard des populations et des symboles des pays dans lesquels ils sévissent. Selon une évaluation de terrain réalisée par l’Union africaine (UA) en 2012, les trois pays sahéliens les plus confrontés aux activités des groupes terroristes et à leurs tentatives de recrutement étaient la Mauritanie, le Mali et le Niger avec des répercussions sur les pays voisins, notamment l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye et le Nigeria. Aujourd’hui, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et ses affiliés et Boko Haram sont les groupes les plus en vue de la région, tandis que le nord du Mali et le nord-est du Nigeria sont les théâtres les plus affectés par les actes de ces groupes. La région abrite également d’autres réseaux criminels impliqués dans la prise d’otages, la traite des êtres humains, le trafic illicite de la drogue, de cigarettes, d’armes, y compris des explosifs ainsi que dans d’autres activités illicites. Ces groupes tirent profit de la porosité des frontières et de la faiblesse du dispositif de sécurité dans leurs zones d’opération. Dans son intervention, le Haut représentant de la Misahel, Pierre Buyoya a indiqué que le but recherché au cours de ce colloque régional est de faire le point sur l’évolution du terrorisme au Sahel, de s’interroger sur les facteurs qui favorisent la radicalisation et l’extrémisme violent et d’analyser le contenu des messages qui sont à la base de ce phénomène. Il s’agira, selon lui, ensuite de partager les expériences de lutte réussie dans un certain nombre de pays dans la région. « Au cours de cette réflexion, nous souhaitons jeter les bases d’une stratégie commune de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent. Nous espérons qu’il en découlera des stratégies de luttes spécifiques qui permettront de viser ou de cibler les messages propagés dans des lieux bien déterminés comme les écoles, les réseaux , les lieux de culte, les mass médias, les lieux de détention etc » a-t-il dit.
Une attention particulière sur l’extrémisme violent
De son côté, la directrice de la Coopération Suisse au Mali, Beatrice Meyer, a noté que le phénomène de violence complexe auquel la région fait face mérite une attention particulière aux efforts émanant de la région elle-même avec un double objectif : comprendre et décrypter cette réalité ; y faire face à travers des initiatives qui contribuent à prévenir ce qui alimente cette spirale négative. « Car nous croyons à la nécessité d’investir en amont, de s’attaquer aux causes profondes de la violence, y compris la violence extrême. L’exclusion, la rupture des relations entre Etats et citoyens ainsi que les problèmes de gouvernance sont autant de terreaux favorables au développement des groupes extrémistes violents. Les efforts de prévention devraient recevoir autant d’attention que les mesures d’ordre sécuritaire ou curatives, qui contribuent à contenir le phénomène mais n’apportent pas de réponses aux questions de fonds qui sont posées par cette violence», a-t-elle soutenu. Pour sa part, le ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération Internationale et de l’Intégration Africaine, Abdoulaye Diop, a expliqué que la dégradation de la situation sécuritaire dans notre région notamment, au Nord du Mali et dans le bassin du Lac Tchad en particulier et aussi en Libye, constitue des terrains favorisés à la présence et à l’expansion des groupes terroristes. « Ce qui nous amène au niveau de nos Etats à renforcer aux plans militaire, idéologique et politique des stratégies pour pouvoir mieux combattre ce phénomène. De ce fait aussi, il est vrai que les crimes organisés et les trafics de drogue constituent un facteur aggravant qui alimente le terrorisme et l’instabilité dans nos pays », a-t-il dit. Et d’ajouter que les causes de la radicalisation et de l’extrémisme violent sont profondes. Selon lui, elles sont de nature complexe et changeante comme par exemple l’ignorance, la mauvaise gouvernance, l’islamophobie, la vulnérabilité de certaines couches de notre société notamment les jeunes, les femmes et la marginalisation. « Aujourd’hui, nous faisons face à l’absence d’alternative et de perspective politique pour les jeunes et les femmes dans certains pays. Toutes choses qui favorisent l’expansion de ce phénomène », expliqua-t-il.
Gérer les crises avec plus de sagesse
Sur le plan international, le ministre Abdoulaye Diop dira que les causes profondes qui sont à l’origine de l’extrémisme et à l’expansion de la violence sont la résolution des problèmes d’injustice au niveau planétaire comme le cas Palestinien que certains extrémistes utilisent à leur fin. « La responsabilité de la Communauté Internationale dans la gestion de certaines crises majeures notamment la Syrie, l’Irak, la Libye est importante. Aujourd’hui, les terroristes s’organisent comme des Etats, l’expansion du terrorisme a atteint un stade que nous n’avons jamais vu par le passé. Il y a souvent des espaces entiers qui échappent à l’autorité de l’Etat, et où l’Etat se trouve effondré dans certains pays. Je pense que la Communauté Internationale doit agir avec sagesse pour la régulation de certaines crises dont le cas du Mali», a-t-il conclu.
Moussa Dagnoko
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