Son élection au Saint-Siège est une première pour l’Eglise catholique, qui n’a jamais été dirigée par un représentant de la Compagnie de Jésus. C’est aussi le premier Latino-américain à devenir pape, alors que le sous-continent a la plus grande communauté catholique du monde.
Qui est Jorge Mario Bergoglio, le pape François ?
Un homme timide qui aime les transports en commun
Archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine, cet homme timide et à la parole rare jouit d’un grand prestige au Vatican comme à Buenos Aires. « C’est un Argentin du port de Buenos Aires, Buenos Aires est son berceau. Il prend le métro, il aime voyager avec les gens, il a rarement utilisé une voiture avec chauffeur. En tant que cardinal, il a continué de vivre la vie normale d’un prêtre. C’est un homme irréprochable », raconte Guillermo Marco, son plus proche collaborateur dans la capitale argentine.
Afin d’écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de l’Eglise, il s’est choisi pour nom de pape celui de François. « Il a dû choisir ce nom pour la pauvreté, il a toujours été un grand admirateur de François d’Assise », précise Guillermo Marco. « C’est un homme simple, qui a une grande compassion pour les plus nécessiteux », dit de lui monseigneur Eduardo Garcia, évêque auxiliaire de Buenos Aires.
Un homme simple et modeste
Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, le nouveau pape a vu le jour dans une famille modeste du quartier traditionnel de Flores, au coeur de Buenos Aires. Fils d’un employé des chemins de fer d’origine italienne, il va à l’école publique. Il achève ses études avec en poche un diplôme de technicien en chimie.
A 22 ans, il intègre la Compagnie de Jésus, où il y étudie les humanités et obtient une licence de philosophie. Après un détour par l’enseignement privé, il suit des études de théologie. Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969. Moins de quatre ans plus tard, à tout juste 36 ans, il est élu provincial (responsable national) des jésuites argentins. Il assumera ces responsabilités pendant six ans.
Pendant la dictature militaire en Argentine (1976-1983), Jorge Bergoglio se bat pour conserver l’unité d’un mouvement jésuite taraudé par la théologie de la libération, avec un mot d’ordre : maintenir le caractère apolitique de la Compagnie de Jésus.
Le futur cardinal se rend ensuite à Fribourg, en Allemagne, où il obtient son doctorat. A son retour, il reprend l’activité pastorale en tant que simple curé de province dans la ville de Cordoba, à 700 km au nord de Buenos Aires.
Le 20 mai 1992, Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il grimpe alors les échelons de la hiérarchie catholique de la capitale pour devenir cardinal le 21 février 2001.
En dépit de cette carrière météorique, l’homme est resté « très humble » et « garde un profil bas », selon le père Marco, qui ajoute qu’il n’a pas de vie nocturne : il se lève à 04h30 du matin et termine sa journée à 21h00. Il a renoncé à occuper la somptueuse résidence des archevêques de Buenos Aires.
Un amateur d’opéra et de football
On le dit très attentif aux besoins de ses collaborateurs, qui peuvent le joindre à tout moment sur une ligne téléphonique directe. Il n’accorde pas d’interviews, tout en étant lui-même un lecteur assidu de la presse. C’est un lecteur averti de Jorge Luis Borges et de Dostoïevski, amateur d’opéra et supporteur de San Lorenzo, un des clubs de football de Buenos Aires, fondé par le prêtre Lorenzo Massa.
Contre le mariage homosexuel et l’avortement
En 2010, Jorge Bergoglio s’est opposé avec vigueur à la loi légalisant le mariage homosexuel en Argentine, pays où les trois-quarts des habitants sont des catholiques. Il s’est aussi élevé contre le droit octroyé aux transsexuels de changer de sexe à l’état civil. La tension est alors montée entre Jorge Bergoglio et la présidente de centre gauche Cristina Kirchner. En revanche, l’avortement reste prohibé en Argentine, sous la pression de l’Eglise.
En septembre 2012, le cardinal Bergoglio a critiqué les prêtres refusant de baptiser les enfants nés hors mariage, les qualifiant d' »hypocrites ». Au Saint-Siège, il était avant son élection membre de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Sergio Rubin, éminent vaticaniste du quotidien argentin Clarin, voyait plutôt Jorge Bergoglio comme « un faiseur de rois », de par son influence dans les couloirs du Vatican, que comme un favori. Il lui prête la capacité de « rénover la curie romaine » et d' »apporter un nouveau souffle au sein de l’Eglise ». « C’est un homme audacieux », avertit son ancien porte-parole, Gustavo Boquin.
Un choix surprenant
Le nouveau pape François Ier fera preuve d’ouverture et de capacités de dialogues, selon Jean-Pierre Delville, professeur d’histoire du christianisme à l’UCL. Le choix du nouveau pape est surprenant pour trois raisons, estime le professeur.
D’abord le fait que c’est le premier jésuite à accéder à ce poste. Il a une expérience centrée sur l’accompagnement personnel, explique Jean-Pierre Delville. Pour ce dernier, le fait d’être jésuite ne signifie pas qu’il vit comme un moine dans sa maison et qu’il mène une vie austère.
Ensuite, il s’agit du premier pape latino-américain. « Il incarne le dynamisme de cette église, qui est à taille humaine et centrée sur l’action sociale », indique le professeur.
Enfin, Jorge Mario Bergoglio a une personnalité ouverte. « Il a un ancrage concret et pastoral, tourné vers les populations. Ce n’est pas un cardinal de curie comme Benoît XVI », avance Jean-Pierre Delville.
Le fait que le nouveau pape est âgé de 76 ans n’est pas un handicap, estime le professeur. « Il ne fait pas son âge, il dégage de la sympathie. Il s’agit quand même d’un pari sur l’avenir », estime-t-il. Il parait cependant que François 1er a quelques problèmes de santé.
Le choix de s’appeler François est une référence claire à François d’Assise, partisan d’une Eglise pauvre, proche du peuple, tournée vers la spiritualité et la fraternité. « François d’Assise est le Saint le plus populaire de l’Eglise », ajoute Jean-Pierre Delville.
Pour le professeur de l’UCL, Jorge Mario Bergoglio fera preuve d’ouverture et de capacités dialogales. Il fait référence au fait qu’il a demandé à la foule, dès sa première apparition place Saint-Pierre à Rome, de le bénir avant même de la bénir.
le vif 2013-03-15 01:12:42