Que va faire l’Inde des Rafales français ?

La question est d’autant plus intéressante que le Brésil, le Canada, les Pays-Bas, la Norvège, la Corée du Sud et le Singapour ont déjà abandonné un à un l’idée de l’acquisition du chasseur français, poursuit l’expert. C’est aussi le cas d’un des pays les plus riches du monde, l’Arabie saoudite.

Après la visite du ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en Inde, le « contrat du siècle » sur l’achat d’avions militaires français Rafale valant plusieurs millions d’euros, a été à nouveau remis sur la table des négociations. Mais cette transaction n’est pas liée aux caractéristiques militaires particulières du chasseur français, estime l’expert indien Dr Sunder, qui occupait le poste de directeur adjoint du Laboratoire national indien de l’aéronautique.

« Les entreprises occidentales savent bien que l’Inde est l’un des plus gros acheteurs du matériel militaire dans le monde »,explique-t-il. « Et les producteurs de l’armement y effectuent des campagnes agressives pour vendre leur matériel, dépassant de loin dans cette méthode de markéting les sociétés du secteur militaro-industriel russes. Les Français travaillent activement avec les fonctionnaires indiens et les hommes politiques, utilisent des moyens divers pour convaincre les membres du ministère indien de la Défense des avantages des armes qu’ils fabriquent. Donc l’Inde a fait le choix en faveur des Rafales non pas parce que ces avions présentent des caractéristiques techniques meilleures que leur analogues étrangers, mais parce que les industriels français furent très convaincants en les vendant à leur clients indiens. »

Les analystes indiens estiment que le désir de Paris de vendre à l’Inde des avions made in France est surtout suscité par la situation compliquée dans le secteur de l’aviation militaire dans l’Hexagone. Sans les millions d’euros que la France pourrait obtenir de la vente des Rafales, toute la ligne de production d’avions militaires français risque d’être fermée.

Les avions militaires fabriqués par le groupe Dassault Aviation remplaceront les appareils obsolètes au sein des forces aériennes de l’Inde, notamment des avions d’interception soviétiques MiG-21 en grand nombre. Le changement de fournisseur de matériel militaire semble être tout à fait compréhensible, est convaincu Petr Topytchkanov du Centre de recherches Carnegie.

« Les Indiens trouvent cela important de voir leur technologies militaires diversifiées », affirme-t-il. « Pendant de nombreuses années, l’Inde était dépendante des technologies de l’Union soviétique et de la Russie. Une grande partie d’équipement militaire des forces armées indiennes est actuellement d’origine soviétique ou russe. L’Inde cherche désormais à devenir un joueur plus indépendant et plus important sur l’arène internationale, et ne plus dépendre d’un seul fournisseur du matériel militaire. Par conséquent, le pays est prêt à coopérer avec de nombreux pays dans le domaine des technologies militaires et développer sa propre industrie de défense.»

Il faut rappeler que New Dehli a déjà mis au point son propre chasseur-intercepteur Tejas, mais les volumes de sa fabrication ne permettent pas encore de satisfaire les besoins des forces aériennes du pays. Cet avion moyen multirôle (polyvalent) moderne (Medium Multi-role Combat Aircraft (MMRCA) est tout à fait conforme aux exigences de la Force aérienne du pays. Quant au remplacement des avions intercepteurs obsolètes par des Rafales flambant neufs, cela permettra de renforcer significativement la puissance de la Force aérienne de l’Inde. Et avec ces avions, le pays se dotera de technologies modernes.

Toutefois la transaction tarde à se faire, et le prix fixé sur les avions français pourrait bien en être l’une des raisons. La facture pour la livraison de 126 avions s’élèverait à près de 20 milliards de dollars. Selon des données officieuses, Arun Jaitley, qui combine les fonctions du ministre de la Défense et du ministre des Finances, aurait proposé de réduire le nombre d’avions de 126 à 80, afin de réduire le budget mis à disposition du ministère pour l’achat des avions français.

Il faut également noter que de nombreux partisans de l’acquisition des Rafales sont présents parmi la communauté d’experts militaires indiens, ajouté Dr Sunder.

« Le projet Tejas pourrait bien remplacer les Rafales. Tout d’abord, il coûte moins cher. Et grâce à la coopération avec la Russie, ce projet pourrait être considérablement amélioré. En outre, si les fonds seront dépensés sur les Rafales, je le crains que notre projet Tejas et un autre projet ambitieux de création d’un avion de cinquième génération, restent à jamais au stade de projets.»

Les opposants aux Rafalessont très nombreux dans le commandement de la Force aérienne indienne. Et déjà aujourd’hui, la variété des types d’aéronefs au service des forces armées indiennes provoque des problèmes liés aux pièces de rechange et la livraison de l’équipement militaire. L’apparition des Rafalesau sein des forces armées du pays ne fera qu’aggraver ce problème. Les militaires auraient préféré d’avoir à la place dans leur parc des avions d’interception légers Tejas Mk-I, les chasseurs polyvalents moyens (MMRCA) Tejas Mk-II et les chasseurs polyvalents lourds Su- 30. En outre, une fois qu’il aura passé tous les tests, le chasseur de cinquième génération T- 50 (PAK-FA) suscitera certainement l’intérêt du ministère indien de la Défense.

Par La Voix de la Russie 2014-07-26 02:44:31