Dans l’exercice du pouvoir, singulièrement en Afrique, il est une réalité quasi implacable. Un coup d’Etat est rarement anodin. Il est assez souvent la conséquence d’une gouvernance pas à la hauteur des attentes. Une gouvernance médiocre, a beau s’habiller du manteau de la bonne volonté, fini toujours par sombrer dans les abysses de l’histoire. Tel a été le cas de celle d’IBK, qui est devenu en l’espace de quelques années seulement, l’antonyme du mot héros.
Par principe républicain et démocratique, l’on ne peut encourager et applaudir l’accomplissement d’un putsch, aussi justifié soit-il. Mais comment en aurait-il pu être autrement, tant au niveau de la gouvernance, les attentes ont été déçues. Tout ou presque était pilotage à vue, saupoudrage, amateurisme. Bref, rien qui pourrait croire qu’enfin, les leçons de la gravissime crise de 2012 ont été tirées. Pire encore, les tares de la gouvernance des régimes précédents ont repris vie, sous une forme encore plus hideuse. Résultat, IBK perdit de son aura, et Koulouba avec. Les Maliens en étaient tellement déçus qu’une partie non négligeable d’entre eux demandèrent purement et simplement la démission du président de la République alors qu’il était en plein mandat.
Dès lors, tous les ingrédients d’un autre coup d’Etat étaient réunis, huit ans seulement après le dernier. Et ce qui devait arriver, arriva. Le pays vécu son quatrième putsch, et encore une fois, l’incertitude plane. Cependant, pour une rapide et souhaitable retour à la normale, une transition devra être mise sur place au plus vite. Elle devra être bien ficelée, tout aussi que le putsch du 18 aout 2020 qui n’a rien à voir avec celui du 22 mars 2012.Mais, il faut aussi dire que la facilité de ce putsch est aussi due à la faiblesse de l’Etat.
L’on peut qualifier le coup d’Etat du 18 aout de consensuel dans le bon sens du terme car pratiquement tous les corps y sont impliqués. Il se murmurait même que dans le cercle sécuritaire restreint du désormais ex président, certains ont joué le jeu afin que le coup de force se fasse avec le moins de violences possibles. Normal pour un coup d’Etat survenu sans effusion de sang ?
Début d’un printemps ouest-africain ?
Certains voient en la démission forcée d’IBK et de son régime, le début d’un vent de révolte ouest-africain pour, grosso modo, les mêmes motifs. Une chose est sûre, les chefs d’Etats des pays où cela est susceptible de se passer devront grandement tirer les leçons du cas malien. Car coup d’Etat ou pas, des heurts violents entre manifestants et forces de l’ordre ne sont jamais une bonne chose pour un régime qui compte se maintenir. En Côte d’ivoire, des élections sont prévues en octobre, et le président sortant, Alassane Dramane Ouattara compte se présenter après le décès de son dauphin, Amadou Gon Coulibaly. Son annonce avait été suivie par de violentes manifestations ayant occasionnés deux morts à Abidjan. En Guinée, Alpha Condé, après avoir accompli deux mandats à la tête du pays, veut lui aussi se représenter alors qu’une bonne partie de la rue semble hostile à son maintien au pouvoir. L’élection présidentielle est également prévue en octobre.
Ces chefs d’Etats ne devraient-ils pas choisir la voie de la sagesse et quitter le fauteuil pour le salut de leur nation ? Car, très certainement, d’autres fils de leur pays sont bien à même diriger le pouvoir. A titre de rappel, le président Ouattara a 78 ans et le président Condé 82 ans. Tous deux dans des pays extrêmement jeune. En Côte d’Ivoire, plus de 77 % de la population a moins de 35 ans. Et en Guinée, 85% ont moins de 45 ans et la moitié moins de 15 ans.
Ahmed M. Thiam