Quand Mohamed Aly Bathily se prend pour «Robin des bois»

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Il s’est rendu le mardi 5 août 2014 à Kalabanbougou dans le cadre d’un litige foncier qui oppose les autochtones du quartier au Centre national de lutte contre la maladie (Cenam). Ce qui devait être une réunion entre le ministre et les victimes de la démolition, s’est transformé en une justice populaire avec pour principal acteur le ministre de la Justice, himself. Avec caméras et son entregent médiatique.
S’il est vrai que le ministre a tout droit d’écouter les victimes et de faire respecter la loi, il n’en demeure pas moins que lui-même a violé cette loi.

En amont, il aurait dû saisir le Procureur de la République du tribunal de la Commune IV. Ce qui fut fait de l’aveu même de ce dernier, qui a cependant reconnu qu’il ignorait les faits jusqu’à sa saisine par le ministre. Alors, le reste du travail incombait donc au Procureur qui affirme d’ailleurs avoir ouvert une enquête. En d’autres termes, le ministre n’avait aucun besoin de se présenter sur les lieux, et plusieurs jours après les faits : l’expulsion et la démolition ont eu lieu les 18, 19 et 23 juin 2014. Le ministre est arrivé le 5 août.

Visiblement, il y a des visées politiques derrière cette affaire. Au point qu’on est en droit de se demander où en est-on avec l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. Et que dire de l’amalgame que le ministre et sa cellule de communication ont entretenu à ce sujet, en annonçant dans un communiqué officiel : «au moment, où la rencontre tendait vers sa fin, l’huissier exécuteur, Me Aliou Kéïta qui avait été informé de la visite du ministre, depuis avant-hier, par le Procureur de la Commune IV, est arrivé. Après la poignée de main avec le ministre, une place lui a été réservée à côté.

Aussitôt, le ministre Bathily lui a montré une copie de la décision de justice sur la base de laquelle, il a ordonné la démolition de tout un village, alors que seules 2 concessions sont concernées. Soudain, un silence de coupable se sentit dans son regard. Et séance tenante, le ministre a immédiatement ordonné au Procureur  sa mise à la disposition à la justice». Toute chose qui est démentie par le Procureur de la Commune IV qui a affirmé sur les antennes de Studio Tamani qu’à ce jour, «aucun Huissier de justice n’est ni interpellé, ni arrêté».

Ça sent alors la récupération politique. En d’autres termes, le ministre Bathily s’est saisi de ce dossier et l’a médiatisé pour en tirer un bénéfice politique. Ou alors s’est-il fait piéger par son Premier ministre qui cherche à protéger sa base électorale en Commune IV. Ce qui est encore condamnable dans la démarche du ministre de la Justice et des Droits de l’homme, c’est son manque de courtoisie à l’égard de la Chambre des Huissiers du Mali qui aurait dû être informée par ses services avant toute mise en scène médiatique.

Il ne l’a pas non plus fait.
Aux arguments développés lors de sa mise en scène médiatique, en ce qui concerne l’absence d’une réquisition du Procureur (ce qui ne serait pas vrai), certains juristes opposent l’argumentaire selon lequel : «la formule exécutoire vaut réquisition de tous Procureurs, de tous agents des forces de l’ordre à prêter main forte à l’exécution d’une décision de justice». Comme pour encore confirmer la vanité de la démarche du ministre Bathily. Pourtant, il ne devrait surtout pas manquer de jugement et d’intelligence au sujet d’une matière qu’il est censé connaître : le Droit. À moins qu’il veuille passer pour un populiste mal aloi.  Cette volonté transparaît aussi dans ce passage de son communiqué : «L’heure du changement a sonné». On n’est plus en campagne électorale, Monsieur le ministre, et tout ce que votre candidat, devenu président de la République, fait à longueur de journée ne rassure guère les Maliens. Où est votre changement ?

Critiqué dans l’affaire dite de la découverte d’un charnier contenant les restes de militaires maliens assassinés lors du «contre-coup d’Etat» en 2012, l’actuel ministre de la Justice et des Droits de l’homme,  Mohamed Aly Bathily, ne semble pas avoir appris de ses erreurs, puisqu’il aime tondre le cou à la loi tant que cela peut l’arranger.

Le «Robin des bois malien» aime se donner en spectacle quand bien même la loi le lui interdit.

Dioukha SORY

Source: Le Reporter 2014-08-13 16:06:15