Le lundi 5 août 2011, le président Amadou Touré a procédé à la remise officielle des clés de la nouvelle Cité administrative au Premier ministre Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Cette remise a été suivie d’une visite du bâtiment de la primature. Les illustres visiteurs des locaux n’ont sûrement pas fait attention à l’ameublement et à la décoration. Au moment où des artistes et des artisans maliens sont choyés à l’extérieur de notre pays pour la qualité de leur savoir faire qui transpire toute la densité de sa culture, ils sont superbement ignorés chez eux. Sinon comment comprendre cette option affichée de recourir de façon excessive à des meubles, des objets et à des rideaux importés pour l’équipement et la décoration des locaux de la nouvelle primature et des différents ministères qui se sont installés à un rythme effréné dans la nouvelle cité administrative.
La pratique a cours dans notre pays depuis belle lurette. Pratiquement depuis le coup d’Etat de 1968, le discours officiel en ce qui concerne la promotion de la culture et de l’artisanat et de leurs acteurs respectifs, est en contradiction totale avec la pratique au quotidien. Comment un Etat peut faire la promotion à l’extérieur de ses arts, de sa culture et de son artisanat quand il traîne une gêne permanente à en consommer les produits. Il faut que les décideurs comprennent que les artistes et les artisans maliens ont pris conscience de cet état de fait et ne sont plus prêts à se taire. Comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, l’ameublement et la décoration des locaux de la nouvelle primature avec des objets importés de Chine, ajoutés à cette autre incongruité qui s’est produite dans l’octroi du marché de la décoration de l’aéroport de Bamako Sénou à un Russe, viennent de pousser des artistes maliens à mettre fin à la langue de bois. « Nous ne sommes pas valorisés par notre pays.
Finalement, nous sommes contraints d’exporter nos produits en Europe », nous a indiqué Aïda Diakité Duplessis, une designer de textile qui a imposé le « Made in Mali » dans le monde et dans son domaine. Selon elle, pendant que le système encourage l’importation du textile chinois, les artistes et artisans maliens ont de la cotonnade qui pourrit dans leurs magasins. « Alors que le pays regorge de talents internationalement reconnus par la qualité de leurs produits, comment expliquer le fait que les objets de décoration et tout l’équipement mobilier de la nouvelle primature, ont été importés de Chine » ? Telle est la question difficile à répondre que pose Aïda Diakité Duplessis qui a conquis le cœur des Occidentaux, d’autant plus qu’un certain nombre de designers maliens de renommée internationale ont organisé en de février à mars 2010, au Musée national du Mali l’exposition intitulée « So Masiri » pour montrer de quoi ils étaient capables. Ce sont : Cheick Diallo, Aboubacar Fofana, Awa Méïté et Aïda Diakité. Selon la designer, cette exposition avait été organisée pour dire à tous qu’ils ne devaient avoir un quelconque complexe à consommer du « made in Mali » dans le secteur qui est le leur. Mais, avec ce qui vient de se passer dans la décoration et l’ameublement des locaux de la nouvelle primature, tout porte à croire que l’exposition « So Masiri » n’a pas atteint tous ses objectifs.
Il ne pouvait en être autrement. Selon des indiscrétions, hormis le jour du vernissage, aucune autorité malienne digne de ce nom n’avait à l’époque fait le déplacement pour voir cette exposition. « Certes, nous ne sommes pas un pays de bois, mais nous sommes un pays de textiles. Ce sont les Occidentaux qui achètent nos produits et notre pays n’arrive pas à nous valoriser », a-t-elle indiqué. Avant d’ajouter que le Mali conformément à sa politique de promotion de notre culture et de notre artisanat devait se faire l’obligation d’utiliser l’aéroport et les locaux de la primature comme des vitrines d’exaltation des produits « made in Mali ». « Nous demandons au Gouvernement d’encourager ceux qui font tourner l’économie locale. Les importations de tous genres tuent l’artisanat malien », a-t-elle déclaré.
Assane Koné
Le Républicain 14/09/2011