Une note rédigée sur papier libre, non datée et portant la mention « Source : MEF » – qui renvoie au Ministère de l’Economie et des Finances – se propose d’apporter » quelques éclairages à propos de la nomination d’un PCA à la BDM « .
Ladite note est ainsi libellée : « La Commission Bancaire de Union a émis une circulaire en 2011 recommandant à l’ensemble des banques de l’Union de séparer les fonctions de PCA et de Directeur général pour être conformes aux bonnes pratiques internationales. En 2012, l’Etat avait demandé à toutes les banques qui avaient des PDG de se conformer à cette recommandation. Le coup d’Etat de mars 2012 a interrompu ce processus en ce qui concerne la BDM.
Pratiquement toutes les banques de l’UEMOA se sont conformées à cette recommandation.
Le fait que le mandat du PDG de la BDM a été renouvelé en 2012 ne doit pas empêcher la banque de se conformer aux bonnes pratiques internationales recommandées par les autorités monétaires, d’autant plus que la BDM a engagé le processus d’implantation dans les autres pays de la sous-région, avec l’ouverture des filiales du Burkina et de la Côte d’Ivoire. Son système de gouvernance doit refléter cette ambition« .
Voici ce qu’on relève de la circulaire n°005-2011/CB/C relative à « la gouvernance des établissements de crédit de l’Union monétaire Ouest-africaine (UMOA) » d’où est tirée cette » recommandation « (article 5 alinéa 5) » Il est recommandé que les fonctions de Président du Conseil d’Administration et de Directeur Général soient assumées par des personnes physiques différentes. Cependant, lorsque le Conseil d’Administration est dirigé par un Président Directeur Général, celui-ci doit veiller :
– à assurer une gestion transparente de la société vis-à-vis des autres parties prenantes.
– à ne pas entraver l’exercice par le Conseil d’administration de son rôle de contrôle de la gestion de la société« .
A l’évidence, le rédacteur de la note du Ministère de l’Economie et des Finances n’a pas pris le temps de lire soigneusement cette circulaire de la Commission Bancaire de l’UMOA, datée du 5 janvier 2011 et signée de l’actuel Gouverneur de la BCEAO, Philippe-Henri Dacoury Tabley. Au cas contraire, il se serait aperçu que » la recommandation » en question est à deux volets.
Le premier volet suggère que les fonctions du PCA et de DG soient séparées. Le second volet admet que l’établissement bancaire peut bien être dirigé par un PDG mais celui-ci a l’obligation d’une « gestion transparente » et ne doit pas » entraver » le travail du contrôle du Conseil d’administration.
De ce constat il découle que l’inspirateur ou le rédacteur de la note estampillée » MEF » a eu une approche volontairement réductrice de la circulaire de la Commission Bancaire, si tant est qu’il l’a eue entre les mains et lue correctement.
Abdoulaye Daffé est associé à la gouvernance de la BDM-SA depuis vingt ans révolus. Il a été tour à tour Directeur Général Adjoint, Directeur Général et, depuis 2000, il est PDG. Les grands chantiers qu’il a ouverts, les défis qu’il a relevés, les étapes qu’il a franchies pour hisser la BDM-SA aux rangs de première banque du Mali, de l’une des 50 premières banques de l’UEMOA et de l’une des 200 premières banques du continent africain sont connus de tous les Maliens avertis des affaires bancaires.
Ce palmarès, il le doit certes à ses qualités reconnues au Mali et hors du Mali de grand visionnaire, de manager froid, de gestionnaire rigoureux et intègre.
Mais, il le doit aussi – et n’a cessé de le répéter au détour de toutes les sessions du Conseil d’administration – à un personnel dévoué, compétent, engagé et fermement déterminé à préserver, consolider, protéger et pérenniser le merveilleux outil qu’est devenu la BDM-SA.
Ce long parcours a été sans faute car l’on n’a jamais entendu qu’il a été reproché à Abdoulaye Daffé une gestion non transparente. L’on n’a jamais appris non plus qu’il s’évertue à dévoyer les administrateurs de la BDM-SA de leur mission de contrôle de la gestion de la Banque.
Sous ce rapport donc, le PDG de la BDM-SA est en phase totale, en symbiose pourrait-on écrire, avec la Commission Bancaire de l’UMOA.
L’équivoque délibérément entretenue autour de » la recommandation » de la Commission Bancaire levée, la question qui vient immédiatement à l’esprit est la suivante : pourquoi vouloir modifier le mode de gouvernance de la seule BDM-SA alors que d’autres banques de la place, où l’Etat est tout aussi actionnaire, se trouvent dans la même situation qu’elle ? Il s’agit, entre autres, de la BNDA et de la BMS-SA. Si une recommandation de l’UMOA doit s’appliquer, elle doit l’être à toutes les banques, pas à une seule. Choisir une seule banque pour lui appliquer une recommandation de l’autorité monétaire (laquelle reste malgré tout une recommandation) parait une démarche plus que suspecte.
En vérité, ce qui se cache derrière ce soudain désir de faire appliquer une recommandation de la Commission Bancaire formulée depuis 4 ans à la seule BDM-SA n’est ni plus ni moins que le dessein inavouable d’affaiblir Abdoulaye Daffé, de le faire descendre de son piédestal, de faire pâlir son image, d’écorner sa réputation. On n’est pas loin d’une opération de règlement de compte – au demeurant injustifiée – et ni la BDM-SA, qui ne s’est jamais aussi bien portée financièrement, ni l’Etat du Mali, qui a toujours pu compter sur son soutien dans les moments difficiles, n’ont à gagner quoi que ce soit dans la cabale qui se met en place.
En revanche, tous les deux pourraient être perdants si, par extraordinaire, la manœuvre en cours débouchait sur un bicéphalisme à la tête de la banque. Le crash qu’a connu une banque de la place, il y a une quinzaine d’années, est à cet égard fort instructif.
Mais nous n’en sommes pas encore là. C’est le droit de l’Etat, en tant qu’actionnaire, d’avoir son administrateur au sein du Conseil d’administration de la banque. Mais de là à créer un poste de PCA et à y installer cet administrateur, cela ne ressort assurément pas de ses prérogatives mais de celles du Conseil d’administration de la BDM-SA. Or ce Conseil a renouvelé le bail de Daffé au poste de PDG pour six nouvelles années, lors de sa session de juin 2012 à Marrakech, au Maroc. On ne voit pas pourquoi il modifierait un mode de gouvernance qui, depuis 14 ans, a fort bien réussi à la banque.
Qui plus est, l’Etat malien ne détient plus que 19% du capital de la BDM-SA. Il est donc minoritaire au sein de son Conseil. Comment va-t-il s’y prendre pour influencer sa décision ? Quel argument va-t-il mettre en avant pour le faire fléchir ?
On ne modifie pas le mode de gouvernance d’une banque pour faire plaisir à une personne, fût-elle un ancien premier ministre. On le fait pour optimiser ses résultats. Et c’est ce que les actionnaires marocains (majoritaires dans le capital) la BCEAO, la BOAD, la CCIM, les petits porteurs maliens auront à l’esprit lorsqu’ils seront invités à une « session extraordinaire » nous dit-on, pour trancher la question.
En tout état de cause, cette initiative est malheureuse sur toute la ligne. Elle a très peu de chance d’aboutir et n’aura servi qu’à susciter des interrogations sur la BDM-SA dans un contexte où elle est en train de gagner le plus grand pari de son existence : devenir la première banque dans un Etat de l’Afrique subsaharienne à se transformer en groupe bancaire sous-régional par la création de filiales ayant statut de véritables banques.
Toute chose qui a redoré le blason du Mali en ces temps de détresse.
Saouti HAIDARA
L’Idépendant 2015-02-03 08:52:08