Jusque là, le gouvernement nous avait habitués à plus ou moins souffler dans la même trompette. C’est pourquoi, le spectacle qui nous a été gratifié, mardi dernier, à la Primature, lors de la rencontre entre le Premier ministre Modibo Sidibé et le gouvernement, sur le programme de transformation des zones greniers au Mali et plus précisément, le développement de la zone grenier pilote à Sikasso, n’a pas été coutumier. En effet, le choix de la région pilote du programme gouvernemental a été vertement décrié par un ministre de la République, en la personne de Ahmadou Abdoulaye Diallo. Si les membres du gouvernement, à l’exception du ministre de l’Emploi et de formation professionnelle, Ibrahima N’Diaye – qui a toutefois félicité le programme – étaient unanimes, après la présentation de leur collègue, Agatham Ag Alassane et l’exposé du secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Moussa Léo Sidibé, à reconnaître que le concept du projet est bon, il n’en demeure pas moins que le ministre de l’Industrie, des investissements et du commerce, a affirmé qu’il avait des doutes sur la pertinence du choix de Sikasso.
Divisions sur le choix de Sikasso
Ahmadou Abdoulaye Diallo a fait remarquer, qu’en matière d’agriculture, Sikasso et Ségou étaient les régions les plus ciblées. Ceci, a-t-il fait remarquer, au détriment de l’aménagement du territoire. Les régions de Sikasso, Ségou et Koulikoro, concentrent, a-t-il ajouté, un taux élevé de peuplement, peut-être 70% de la population nationale. Il a fait état de la concentration du financement publique dans cette région, notamment en ce qui concerne l’agriculture. Il faudrait donc, selon lui, effectuer des choix géographiques plus équilibrés. Le ministre de l’Industrie, des investissements et du commerce a soutenu que la zone lacustre est mieux indiquée pour ce projet, car elle regorge plus d’eau que Sikasso. De surcroît, a-t-il dit, la zone lacustre est beaucoup plus propice à la culture du riz, et du blé pour arrêter l’importation de farine.
On peut aussi, a-t-il proposé, y faire les cultures d’oléagineux et de bourgous. Toujours, concernant le choix de Sikasso, Ahmadou Abdoulaye Diallo a affirmé : ‘’ c’est la solution de facilité, sans créativité ni ingéniosité. ‘’ Il a martelé, à la sortie de la salle, après la cérémonie, à l’endroit du secrétaire général : ‘’ vous vous êtes trompés. ‘’ Pourtant, Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, a félicité le ministre de l’Agriculture pour le document très fouillé et Aboubakar traoré, ministre des mines, a trouvé que la démarche est à encourager et qu’il faut une zone pilote pour trouver l’efficacité. Il s’est toutefois posé la question comment ?
Zone grenier pilote de Sikasso
D’après les observations du ministre de l’Agriculture et l’exposé du secrétaire général, le document de projet a pour objet de présenter les résultats de l’étude dont les travaux ont permis de définir le programme détaillé pour la zone Grenier pilote de Sikasso, le plan d’investissement opérationnel et le plan d’implémentation du programme. Le programme, selon le document du ministère de l’Agriculture, ‘’a fixé ses priorités d’actions sur les filières à plus fort potentiel technique (augmentation des volumes produits) et à plus fort potentiel de marché. Ainsi, le maïs, et le riz sont les filières ayant le plus fort potentiel technique avec une forte croissance de la demande. Le Sorgho a un fort potentiel technique, mais avec une moindre croissance de la demande…la priorisation des régions et le choix de la région pilote ont été effectuées sur la base de leur potentiel technique d’augmentation de la production pour les filières prioritaires et sur la base de la faisabilité de ce potentiel. ‘
’ Le document souligne que les deux régions de Sikasso et Ségou sont ressorties clairement comme les zones greniers prioritaires du Mali. Sikasso, indique-t-il, émerge comme la région à plus fort potentiel céréalier multi-filières (maïs, riz, sorgho et mil). Ségou étant au centre d’un programme d’investissement majeur, dans le cadre de l’Office du Niger, a mentionné le document, Sikasso a été choisie pour le développement du programme Zone grenier pilote. Ce programme a pour ambition d’augmenter la production céréalière de plus de 60% à travers l’intensification (80% de l’impact) et une extension limitée des surfaces de 30 à 40.000 ha par les moyennes exploitations actuelles (20% de l’impact). Intervenant sur le choix du site, le ministre de la Communication et des nouvelles technologies, Mme Diarra Mariam Flantié Diallo a estimé que Ségou avait un avantage comparatif par rapport à Sikasso, à cause de son potentiel en eau, de son désenclavement et de la forte mobilisation des PTF.
Le ministre de l’Emploi et de formation professionnelle, Ibrahima N’Diaye a soutenu que le concept de céréales excluait d’autres cultures telles que la pomme de terre, l’acajou. Il a signalé le problème du découpage administratif et celui des ressources humaines. Il a, malgré tout, salué le programme. Mme Fatoumata Guindo, ministre chargé des Relations avec les Institutions, porte parole du gouvernement, a déclaré que Sikasso est la Zone qu’il faut pour tester le projet.
La préoccupation de Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, était de connaître quel impact le choix de Sikasso aura sur la production cotonnière. Il a toutefois indiqué que, compte tenu du temps, Sikasso et Ségou sont les meilleures zones. Agatham Ag Alassane a justifié la pertinence du choix de Sikasso, où se sont succédées plusieurs générations de paysans et la présence des acteurs de l’Agriculture dans cette région qui abrite le projet AGRA (Révolution verte). Le secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Moussa Léo Sidibé a affirmé que Sikasso a été classé premier compte tenu de son potentiel d’augmentation de production et de sa capacité d’exécution de ce potentiel.
Financement du programme
Concernant le financement, le programme indique : ‘’ le coût total du programme est estimé à 58-75 milliards de Fcfa dont 32-40 milliards de Fcfa d’investissements et 26-35 milliards de Fcfa de coûts de fonctionnement de 2011 à 2017. Le financement du programme sera assuré par une forte contribution du secteur privé stimulé par un investissement et des appuis focalisés du secteur public (Etat et PTF). Ainsi, une contribution publique de l’ordre de 50-65 milliards de Fcfa et la mobilisation d’un fonds de garantie de 7-10 milliards de Fcfa pourront stimuler un investissement privé de 137-185 milliards de Fcfa dont plus de 80% sous forme de crédit bancaire. ‘’ Le Premier ministre, Modibo Sidibé, a félicité la vision et fait remarquer le besoin de couvrir les autres zones agro écologiques et la pertinence d’avoir une approche globale de développement intégré. Il a estimé qu’il faut revoir le système de financement et affiner la prévision budgétaire. Il a, aussi, recommandé de revoir la soutenabilité par une discussion plus poussée avec le ministre de l’Economie et des finances ainsi que l’aspect participatif. Il est toutefois convaincu que le concept est bon.
Baba Dembélé
0/02/2011