Après avoir royalement emprunté le boulevard de l’impasse, le gouvernement se découvre dans une superbe voie sans issue : deux lois électorales pour régir les élections communales de 2016. Mais la nouvelle loi ayant abrogé « toutes dispositions antérieures contraires », alors qu’il faut six mois après son adoption, pour qu’elle soit dans les normes démocratiques et de bonne gouvernance, on se demande bien laquelle des deux s’appliquera aux élections communales du 20 novembre prochain. Constatant le cap dans un vrai cul-de-sac, le chef du gouvernement, le Premier ministre Modibo Kéita a saisi la cour suprême pour éclairer les lanternes et montrer le chemin au gouvernement qui se trouve dans une obscurité profonde sans horizon, obligé de gérer les conséquences d’un pilotage à vue. L’institution de la République saisie, présidée par Nouhoum Tapily, ne peut que suivre la voie constitutionnelle, et du respect par la République du Mali, des engagements internationaux signés, notamment le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Ceci est d’autant plausible que l’opposition menace de saisir la cour de justice de la CEDEAO sur le sujet. Dans l’avis qu’elle a rendu, la cour suprême aurait indiqué que c’est sur la base de l’ancienne loi, à savoir, la loi n°06-44 du 04septembre 2006, modifiée portant loi électorale que l’organisation des élections communales du 20 novembre 2016 devrait se poursuivre, selon nos sources. Même étant (seulement) un avis, venant d’éminent praticien du droit, on peut retenir que la cour suprême a sanctionné les errements politico-juridiques du gouvernement, jetant un piquant camouflet sur la figure du Premier ministre Modibo Kéita.
Sur une demande de la primature, la cour suprême à travers sa section administrative a rendu un avis sur la loi applicable aux élections communales de 2016. Parmi les trois composantes de la cour suprême (section juridique, section administrative et section des comptes), c’est précisément la deuxième qui a eu en charge ce dossier pour le traiter en donnant son avis. Selon nos sources proches du milieu politique, l’avis de la cour suprême est dans le sens de l’application de l’ancienne loi électorale (la loi n°06-44 du 04septembre 2006, modifiée portant loi électorale). A la cour suprême où nous avons rencontré quelques responsables des différentes sections, c’est le silence radio sur l’avis rendu, comme si l’on voulait entretenir un secret de Polichinelle. Tous les interlocuteurs renvoient à la section administrative dont les membres, y compris les premiers responsables renvoient à la chambre consultative et à l’autorité de saisine. « Une fois saisie de la demande de son avis, la section administrative de la cour suprême a confié le dossier à la chambre consultative qui a émis un avis », nous a dit un membre de la cour. Cet avis serait favorable à l’application de l’ancienne loi électorale, mais notre interlocuteur refuse de l’affirmer ou de se prononcer sur tout simplement sur le point de vue de la section administrative. « L’autorité qui nous a saisis a demandé notre avis. La chambre consultative que nous avons mise en place a donné son avis que nous avons transmis à ladite autorité… Je ne suis pas membre de la chambre consultative et ne saurais vous dire le contenu de cet avis », nous a dit ce responsable de la section administrative de la cour suprême, rencontré. Apparemment, la section administrative respecte l’autorité qui l’a saisie, mais choisit de sacrifier le droit d’accès à l’information consacré par la loi depuis janvier 1998 (régissant les relations entre l’Administration et les Usagers des Services Publics), et son décret d’Application datant de décembre 2003. Ceci nous rappelle qu’au Mali, le journaliste qui se bat chaque jour pour satisfaire le droit à l’information des populations, est toujours confronté à des écueils, des barrières au devoir d’informer de la presse. Il ne nous restait plus qu’à nous tourner vers la primature. Contactée, la cellule de communication du Premier ministre indique tout simplement n’être pas être au courant de la saisine pour avis de la cour suprême par la Primature. Et naturellement n’en sait rien de cet avis rendu.
Pendant ce temps, à un autre niveau la passerelle s’activait au sein du gouvernement. Le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Reforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf est mis dans le parfum du nouvel avis émis par la cour suprême. Il écrit séance tenante aux présidents des partis politiques. La lettre n° 1246 du 14 Novembre 2016 du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Reforme de l’Etat aux Présidents des partis politiques, et relatives à l’Organisation des élections communales du 20 novembre 2016 est assez édifiante sur le choix de l’ancienne loi. Dans cette lettre le ministre Mohamed Ag Erlaf écrit : « En réponse aux préoccupations exprimées lors de la réunion du cadre de concertation entre le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat et le Président des partis politiques du 7 novembre 2016, j’ai l’honneur de vous informer que l’organisation des élections communales du 20 novembre 2016 se poursuivra sur la base de la loi n°06-44 du 04septembre 2006, modifiée portant loi électorale. »
Une loi morte ressuscite
La rébellion ou une désobéissance civile en règle contre la nouvelle loi était partie du Préfet de Diéma, qui a réuni le 2 novembre, les responsables politiques de sa circonscription pour leur dire qu’il ne connaît pas la nouvelle loi promulguée le 17 octobre et que s’appliqueront pour ces élections les dispositions de la précédente loi (loi n°06-44 du 04septembre 2006, modifiée portant loi électorale).
Cette prise de position en désobéissance à l’imbroglio politico-juridique imposé par le gouvernement, est par ailleurs conforme au Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Selon l’article 2 de ce Protocole (1er alinéa): « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité́ des acteurs politiques ».
B. Daou
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