L’accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé à Bamako le 20 juin 2015 entre le gouvernement malien et les groupes séparatistes des régions Nord du Mali n’a pas, encore, permis le retour de la paix dans le pays. Pis, le regain de violences au Nord et au Centre du Mali, la naissance de nouveaux groupes armés, les autorités intérimaires contestées par des parties à l’accord et les populations des régions Nord, la division au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad(CMA), rendent le processus de paix inextricable.
L’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, 16 mois après sa signature, est dans l’impasse. En plus de l’insécurité chronique et le terrorisme qui font des victimes civils et militaires pratiquement chaque jour sur l’ensemble du territoire, on assiste à la création tout azimut de mouvements armés. Le Congrès pour la justice dans l’Azawad(CJA) qui se réclame de la puissante tribu des Kel Ansar vient de voir le jour. Des transfuges du MNLA, du HCUA et du MAA ont crée le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), un nouveau mouvement au sein de la CMA.
Les autorités intérimaires continuent de faire grincer des dents aux populations dans les régions dans lesquelles elles doivent être installées. A Gao où l’annonce des autorités intérimaires avait provoquée une marche qui a été réprimée dans le sang par les forces de l’ordre en juillet dernier, les mouvements de résistance civile « rejettent avec la plus grande fermeté » la liste proposée par l’Etat et la Plateforme pour administrer la région.
La composition des listes pour l’installation des autorités transitoires a, aussi, provoqué une division au sein de la CMA. Le Mouvement du salut de l’Azawad(MSA), la Coalition des peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, forces patriotiques de résistance (CMFPR2) protestent contre la non-inclusivité dans la confection des listes. Le gouvernement malien, en la personne du ministre Mohamed Ag Erlaf, est d’ailleurs accusé de duplicité.
Imbroglio juridique. Une forêt de textes régit ces autorités intérimaires au moment où on s’apprête à tenir des élections communales perlées en raison de la situation sécuritaire catastrophique : la loi du 10 mai et son décret d’application du 18 mai, et l’Entente du 19 juin. Un imbroglio juridique entoure donc la question.
Que représente juridiquement cette entente à côté de la loi et du décret ? Quel texte fait foi? Quand finira-t-on de créer la confusion chez les citoyens?, s’interroge Abdourhamane Dicko, observateur du processus de paix, tout en ajoutant qu’à ce rythme, l’accord de paix ne sera pas mis en œuvre quelle que soit l’impatience des partenaires techniques et financiers. « Les populations continueront à faire les frais des petits calculs politiciens de certains acteurs à la recherche de la plus grosse prime à l’impunité et à l’incompétence », soutient-il.
Blocage du MOC, du cantonnement et du DDR. Le 14 octobre dernier, lors d’une rencontre à Bamako, les parties signataires de l’accord ont accepté le chronogramme proposé pour le démarrage des patrouilles mixtes, le cantonnement des ex-combattants et le processus de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR). Ainsi, selon les experts, 8 sites de cantonnement sur les 24 prévus sont prêts pour accueillir, à partir de janvier 2017, une première vague de 6000 combattants et 6000 ex- combattants autres en mars 2017.
Et les conditions seraient réunies, de l’avis du ministre de la Défense et des Anciens combattants Abdoulaye Idrissa Maïga, pour un démarrage des patrouilles mixtes en décembre prochain. Mais des mouvements de la CMA, la CPA, la CMFPR2 et le MSA, ne l’entendent pas de cette oreille. « Je vous informe solennellement que la CMA ne fera pas de DDR, ni de cantonnement et ni patrouilles mixtes sur la base de ce décret. Les 200 combattants proposés par la CMA pour les patrouilles mixtes ne seront pas présents. Un accord ne sera pas mis en œuvre par des autorités intérimaires qui nous ont été imposées en tant que majorité écrasante de la CMA », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, le secrétaire général de la CPA.
Tensions à Kidal. A Kidal, un calme précaire règne après la mort de Cheick Ag Haoussa, le chef militaire de la CMA. La coordination suspecte « un assassinat ciblé « . Les deux groupes armés, Le Gatia et la CMA, qui se battent pour le contrôle de la ville se regardent en chiens de faïence. Le premier impose carrément un embargo au second cantonné dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas.
Annoncée en grande pompe, la rentrée scolaire à Kidal prévue hier lundi 17 octobre, de commun accord entre le gouvernement malien et la CMA, vient d’être reportée sine die. L’acheminement de l’aide aux populations du centre et du Nord du pays souffrirait de la reprise des violences. Toby Lanzer, le sous secrétaire des Nations Unies et Coordinateur humanitaire régional pour le sahel qui vient de boucler une visite au Mali a déclaré être « préoccupé par la détérioration de l’accès humanitaire aux populations dans le besoin ».
On a atteint rarement un tel niveau de complication dans le processus de paix au Mali. Comment en est-on arrivé là alors qu’on croyait construire la paix à travers le pacte signé le 20 juin 2015 à Bamako? Jusqu’à quand cette situation va perdurer? L’histoire du Mali est elle condamnée à un éternel recommencement ? Quand un train déraille, l’opération la plus importante et la plus difficile consiste à comprendre pourquoi il a déraillé. En l’absence d’une telle compréhension qui permettrait d’envisager l’avenir avec sérénité, quelle garantie l’accord offre-t-il aux populations tant martyrisées ?
Madiassa Kaba Diakité
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