D’une manière générale, aujourd’hui, le principal défi auquel est confrontée l’électrification rurale au Mali résiste dans la qualité du service fourni par les Permissionnaires et surtout la disparité du prix de l’électricité entre le milieu rural et le milieu urbain. Le kWh coûte 2 à 2.5 fois plus cher en milieu rural qu’en milieu urbain, malgré les importantes subventions (80% du coût des investissements) accordées par l’Etat aux Permissionnaires.
Les premiers Projets d’électrification rurale ont été lancés en juillet 2006 et leur nombre cumulé, à la date d’aujourd’hui, s’élève à 77, qui couvrent 145 localités réparties sur toute l’étendue du territoire national (de Diboli à Ménaka). Après cinq ans de mise en oeuvre de la stratégie d’électrification rurale sur le terrain, par l’AMADER et les opérateurs privés, il est apparu dans le fonctionnement de certains projets des difficultés d’ordre technique, financier et organisationnel.
En effet, il ressort du bilan critique dressé en fin 2008 par l’AMADER, que les difficultés rencontrées au niveau des opérateurs se résument essentiellement au manque de professionnalisme de certains Promoteurs dans la mise en oeuvre de leur projet, notamment au niveau de: (i) la gestion des fonds mis à leur disposition; (ii) la gestion des contrats de prestation (travaux et fournitures de matériels); (iii) le recrutement et l’organisation du personnel exploitant; (iv) la mise en place d’un système de gestion (technique, administratif et financier).
A ces difficultés de gestion s’ajoute un problème majeur: il faut noter que les projets ont été tous conçus sur la base de centrales thermiques fonctionnant au diesel, dont le prix ne cesse de grimper ces dernières années; ce qui a pour conséquence la mise en cause de la rentabilité et la durabilité de ces projets. Pour illustration: la simulation initiale des projets a été réalisée sur la base d’un prix du carburant, hors taxes, à 400 FCFA. Ainsi, les tarifs, initialement estimés à 185 FCFA en moyenne en 2005, ont été portés à 210,215 FCFA et, dans certains cas même, à 220 FCFA aujourd’hui. La plupart des opérateurs achètent le gasoil au prix à pompe, c’est-à-dire 610 FCFA. Cela a eu les répercussions négatives sur les résultats d’exploitation des projets et également sur les tarifs des abonnés.
A travers une étude en cours au niveau de la CREE, un processus est engagé en vue de dégager les alternatives pour des aspects tels que les méthodes et modes opératoires, la promotion du secteur privé, les modes d’accompagnement, la formation, etc.
D’une manière générale, pour assurer la durabilité de l’électrification rurale au Mali, mon département a engagé les mesures suivantes:
1. Dans le souci d’uniformiser le tarif de l’électricité pour des populations voisines (Bamako et les localités environnantes), nous avons décidé, en décembre 2010, que ces localités soient transférées à EDM SA. Il s’agit de Sanankoroba, Banankoro, Kalana, Konobougou, Baguineda, Commune du Mandé (comprenant Kanadjiguila, Samaya, Ouézindougou, et Mamaribougou). D’autres sont à l’étude.
2. Il a été mis en place un Comité restreint, composé d’Administrateurs de l’AMADER, pour mener une réflexion et faire une proposition d’orientation, sur la base d’une analyse approfondie de la situation de l’électrification rurale au Mali, en se référant sur des expériences d’autres pays d’Afrique et de la sous-région. Cette réflexion prendra en compte, d’une part, l’évolution vécue dans le secteur de l’électricité depuis 2000, et, d’autre part, les leçons tirées de l’expérience entrepreneuriale et des réalités socioéconomiques générales de notre pays.
Ce Comité, qui vient de déposer son rapport, a formulé une vingtaine de recommandations, parmi lesquelles je peux citer: (i) Assurer la disponibilité, l’accessibilité et l’uniformité des prix de l’électricité à tous les Maliens sur tout le territoire national; (ii) Mener une étude institutionnelle de réorganisation de l’AMADER, dans l’optique de la définition d’une structure plus adaptée aux défis, avec le mode de gouvernance idoine (technique, financier) que pose la problématique de l’Electrification Rurale; (iii) Revoir et renforcer les critères d’accès à la profession d’électrification rurale, dans le sens d’une professionnalisation plus accrue des opérateurs; (iv) Renforcer la capacité des opérateurs privés exerçant le service public de l’électricité avant la mise en exploitation de leurs installations et pendant la phase d’exploitation; (v) Confier la régulation de l’Electrification Rurale à un organe indépendant dans le contexte d’une uniformisation tarifaire; (vi) Envisager des solutions à moyen et long termes visant à réorienter la technologie d’électrification rurale, en privilégiant les projets avec le solaire, le biocarburant, les systèmes hybrides, dans les sites isolés et de façon systématique.
Les évolutions récentes montrent une baisse graduelle du coût des investissements des énergies renouvelables, notamment le solaire; ce qui augure d’une bonne perspective de développement durable de l’électrification rurale. Dans ce cadre, un financement de 8,5 millions de dollars US a été octroyé, le 10 mai 2011, au Mali, par la Banque Mondiale (Fonds hollandais et russe) pour renforcer et pérenniser les projets existants, sur la base des énergies renouvelables. Je vous signale que le 1er juillet 2011 sera lancé dans la Commune de Bougoula (35 km au sud de Bamako) le Programme dénommé Bagani Courant (BC-10), qui concerne l’électrification de 10 villages des régions de Koulikoro et Sikasso, à partir d’un système hybride (Solaire – biocarburant).
Un autre financement, de 40 millions de dollars US, est en cours de négociation avec les partenaires (Banque Mondiale, BAD, SFI), à partir des fonds Changement Climatique et le SREP (Programme de valorisation à large échelle des énergies renouvelables).
Habib Ouane
Le 22 Septembre 06/07/2011