Le candidat de droite à l’élection présidentielle au Chili Sebastian Pinera (C) durant son dernier meeting électoral à Santiago, le 16 novembre 2017 / © AFP / Martin BERNETTI
Les Chiliens sont appelés dimanche à élire le successeur de la présidente socialiste Michelle Bachelet, avec comme grand favori l’ex-chef d’Etat de droite et milliardaire Sebastian Piñera, ce qui devrait confirmer le basculement de l’Amérique latine dans le camp conservateur.
Avec l’attitude triomphante de l’homme d’affaires à qui tout réussit, celui que les médias baptisent parfois « le Berlusconi chilien » semble bien parti pour décrocher un nouveau mandat, crédité de 34,5% des intentions de vote selon un sondage du Centre des études publiques (CEP) publié fin octobre.
Derrière lui, le candidat socialiste Alejandro Guillier (15,4% des intentions de vote) et celle de la coalition d’extrême gauche Frente Amplio Beatriz Sanchez (8,5%) sont distancés, mais l’un des deux devrait se qualifier pour le second tour du 17 décembre.
Sebastian Piñera, 67 ans, a déjà occupé le palais présidentiel de La Moneda de 2010 à 2014. Il n’avait pas pu se représenter dans la foulée, la loi chilienne interdisant deux mandats consécutifs.
Son probable retour au pouvoir survient à un moment où une grande partie de la région – l’Argentine avec Mauricio Macri, le Brésil avec Michel Temer, le Pérou avec Pedro Pablo Kuczynski – vient de basculer à droite, marquant la fin d’un cycle pour la gauche latinoaméricaine.
« Piñera bénéficie d’une demande forte de changement, qui s’est traduite par la faible popularité de la présidente Michelle Bachelet (notamment éclaboussée par un scandale de corruption, ndlr), tandis que Guillier porte un message de continuité par rapport au gouvernement actuel », souligne dans une note l’analyste Maria Luisa Puig, du cabinet Eurasia.
Elle prédit qu’il appliquera, une fois élu, « des politiques favorables au marché ».
Mais le magnat des affaires ne va pas retrouver le même Chili que lors de son premier mandat: ces dernières années, cette société réputée très conservatrice a été bouleversée par une série de réformes sociétales progressistes, dont l’adoption du mariage homosexuel et la dépénalisation de l’avortement, auparavant interdit strictement.
– Abstention record? –
Peut-être en raison de l’issue qui paraît courue d’avance, la campagne n’a pas passionné les foules dans le pays, l’un des plus riches d’Amérique latine grâce à ses matières premières (cuivre, lithium, pétrole…) mais en ralentissement économique en raison de la chute des cours.
« Cette élection me laisse de glace si je compare à d’autres fois. Il y a peu d’ambiance, les gens sont préoccupés par d’autres choses et donc on n’a pas vu la même effervescence que l’on voit normalement lors d’une élection », raconte à l’AFP Marcos Davila, professeur à la retraite occupé à lire le journal dans une rue piétonne de Santiago.
Pour Catalina Gascon, étudiante de 19 ans, dans cette campagne « les thèmes les plus importants sont l’éducation et le système de retraites », deux héritages libéraux du régime du dictateur Augusto Pinochet (1973-1990) que le gouvernement de Mme Bachelet a cherché à réformer.
Une récente loi électorale a achevé de doucher l’enthousiasme des électeurs, en interdisant la publicité pour les candidats dans les rues et en limitant drastiquement les dépenses de campagne, alors que dans les précédentes élections, les affiches de propagande recouvraient jusqu’aux feux de signalisation.
Les experts prédisent donc que le scrutin de dimanche pourrait être marqué par une participation historiquement faible, autour de 40%.
Au Chili, pays où l’abstention est la plus élevée en Amérique latine, « la désaffection citoyenne vis-à-vis des élections est un problème qui dure depuis les années 1990 mais il s’est accentué depuis que le vote a cessé d’être obligatoire » en 2012, soulignait récemment le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
« Le citoyen a pris ses distances avec la politique », en raison des « problèmes de corruption et de la confiance en berne » envers les institutions, selon le Pnud.
Les gens « pensent typiquement que, peu importe pour qui on vote, ce sera un voleur », résume à l’AFP Pia Meneses, étudiante de 22 ans.
Parallèlement au scrutin présidentiel, les 14,3 millions d’électeurs chiliens doivent renouveler une grande partie du Parlement, les sondages indiquant que la droite devrait y augmenter sa représentation sans toutefois remporter la majorité absolue.
(©AFP / 17 novembre 2017 10h13)