Des interrogations légitimes mais tardives du Conseil national de la Société civile
A un mois de la présidentielle du 29 juillet, le Conseil national de la société civile a tenu les
25, 26 et 27 juin 2018 un atelier d’analyse et de positionnement. A l’issue de l’atelier où,
entre autres, deux communications ont été présentées par des experts dont l’une sur
«l’état des lieux de la sécurité au Mali» et l’autre sur «l’état des lieux de la situation
politique et sociale au Mali», les responsables ont fait une déclaration à la presse le
vendredi 29 juin dernier. Dans cette déclaration, on y trouve des interrogations et des
recommandations, certes, légitimes mais tardives, vu le temps court qui nous sépare de la
date de cette présidentielle du 29 juillet, annoncée comme cruciale.
L’atelier a réuni pendant trois jours, au Mémorial Modibo Keita, les membres du Conseil
national de la société civile, ses démembrements au niveau des régions et du District de
Bamako et élargi également à d’autres structures partenaires. Durant trois jours, les
participants se sont trouvés en face de questions qui méritent des réponses urgentes,
appropriées et des engagements clairs et patriotiques. Ces questions interviennent à travers
des communications d’experts, des exposés de leurs représentants dans les 8 régions
administratives et des 6 communes de Bamako, des écoutes de Commissions mises en place
et au vu de la situation sécuritaire particulièrement difficile qui ressort des débats.
Des inquiétudes
«Faut-il poursuivre le processus de préparation d’une élection alors qu’une bonne partie des
populations ne jouissent pas de manière entière de leurs droits de circuler, de s’exprimer,
d’exercer leur droit de vote en toute quiétude ? Comment les candidats et leurs équipes de
campagne électorale vont se déployer dans les zones où l’insécurité sévit pour battre
campagne ? Comment les citoyens au regard du contexte sécuritaire vont accéder à leur
carte d’électeur ? Quelles garanties ont les populations en conflits au niveau des zones
d’insécurité pour aller voter sans affrontements avec leurs opposants ?» Sont entre autres
questions qui ressortent de cette déclaration lue par M. Boureima Allaye Touré.
D’où la préoccupation exprimée du Conseil national de la société civile face à la situation qui
prévaut dans le pays aussi bien sur le plan sécuritaire que politique et social.
Ainsi, sur le plan sécuritaire, cette situation se manifeste par une insécurité omniprésente et
grandissante sur l’ensemble du territoire national et particulièrement dans les régions du
Centre et du Nord occupées par plusieurs groupes armés et qui ne finissent pas de compter
leurs morts tous les jours. Aussi, plusieurs arrondissements de ces régions du Centre et du
Nord sont marqués par l’absence des représentants de l’Etat, échappant au contrôle de
l’Etat. Il y a aussi l’interdiction de circuler à moto de jour comme de nuit et une restriction de
la circulation des véhicules de particuliers dans les régions du Centre et la recrudescence des
conflits intercommunautaires dans les régions de Mopti et de Ségou.
Sur le plan politique et social, la situation se manifeste par l’état des préparations
insuffisantes de l’élection présidentielle sur l’ensemble du territoire national, le non-
déploiement des Sous-préfets dans plusieurs localités avec son corolaire sur la distribution
des cartes d’électeurs et sur la tenue de l’élection. Aussi, le Conseil national de la société
civile trouve que le déplacement des populations vers d’autres zones du pays n’est pas de
nature à favoriser le taux de retrait des cartes d’électeur et que les candidats et leurs
équipes qui iront battre campagne dans zones de conflits le feront à leur risques et périls. Il y
a aussi le faible recensement des Maliens de la Diaspora dans le RAVEC et aussi la faiblesse
de leur enrôlement causant une atteinte à leur droit de vote ; ce qui montre leur difficulté
d’accès aux documents administratifs et électoraux, malgré leur apport conséquent à
l’économie nationale. Les contraintes liées à l’acheminement et à la circulation des
documents et des matériels électoraux dans les bureaux de vote et les atteintes éventuelles
à la régularité du dépouillement des bulletins de vote, de la proclamation des résultats en
toute transparence sont aussi des signaux peu favorables sur le plan politique.
Recommandations
Pour une issue favorable à ces situations, le Conseil national de la société civile
recommande, sur le plan sécuritaire de renforcer les capacités des FAMa et les déployer sur
l’ensemble du territoire national afin de sécuriser les électeurs et les citoyens d’une part et
mettre fin aux conflits intercommunautaires. Il demande d’appuyer les FAMa par les forces
armées et de sécurité étrangères, de redéployer les agents de l’administration sur toute
l’étendue du territoire et de créer les conditions favorables au retour des populations
déplacées et réfugiées. En outre, le Conseil recommande de recenser les Maliens de la
Diaspora pour une meilleure participation aux prochaines élections, d’opérationnaliser les
MOC dans toutes les régions du Nord pour sécuriser les populations. Sur le plan sécuritaire,
le Conseil demande enfin de désarmer toutes les milices d’auto-défense avant les élections
et en lieu et place, installer des unités de FAMa, former, équiper et redéployer les services
de sécurité et de défense dans un maillage permanent de rassurer les populations et créer
un climat de confiance entre elles et les forces.
Sur le plan politique et social, le Conseil national demande, entre autres, d’assurer l’égal
accès aux médias d’Etat, de sécuriser les matériels, les acteurs et les agents électoraux,
d’encadrer les réseaux sociaux pour éviter les atteintes aux droits humains et d’impliquer la
diaspora dans le RAVEC. Il demande aux différents acteurs de jouer un rôle d’apaisement du
climat et exige des autorités politiques et des citoyens à veiller à la mise en œuvre de ces
recommandations pour la sauvegarde de la stabilité du pays.
Dieudonné Tembely