Toujours est-il que même avec seulement 28 candidats officiellement retenus, ce nombre reste élevé pour un pays de 15 millions d’habitants comme le Mali. Faut-il s’en réjouir et voir le verre à moitié plein ou s’en désoler et le voir à moitié vide? De prime abord, on serait tenté de voir en cet engouement pour la fonction présidentielle un signe de vitalité de la démocratie malienne, qui totalise, à ce jour, près de 200 partis politiques. D’autant que l’une des revendications majeures qui ont motivé la révolution de mars 1991 résidait dans un multipartisme intégral.
Mais, à y voir de près, une fois le vernis gommé, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air. Car, à décrypter les programmes de ces partis, pour ceux qui en ont, l’on voit bien qu’il n’y a pas 200 projets de société différents pour le Mali. Et que dans les pays pris pour modèles en matière de démocratie, comme la France et les Etats-Unis d’Amérique, c’est pratiquement le bipartisme. En effet, dans ces pays la vie politique est dominée principalement par deux grands partis ou ailes politiques. Aux Etats-Unis, ce sont les Démocrates et les Républicains. En France, ce sont la Droite et la Gauche.
Tout près de nous, au Nigeria, c’est pratiquement la même configuration. Dans tous les cas, on est très loin de l’hyperinflation de formations politiques qu’on constate chez nous. Il est vrai qu’on peut mettre ce phénomène sur le compte de l’immaturité de la démocratie chez nous. En effet, alors qu’au Mali le processus démocratique sort à peine de la vingtaine, aux Etats-Unis, par exemple, ce processus a dépassé depuis belle lurette les cent ans. Si bien qu’au Mali on est fondé à parler de crise d’adolescence de la démocratie. On peut, néanmoins, se surprendre à rêver d’une fusion de la plupart de ces partis, sur le long terme, pour former des entités politiques à même de mieux prendre en charge les aspirations légitimes du peuple malien. Surtout quand on sait que la plupart de ces formations sont des partis lilliputiens, voire des Partis unipersonnels à responsabilité limitée (PURL).
En attendant, force est de constater que cet infantilisme de la démocratie malienne transparaît fort à l’occasion de ce scrutin présidentiel. Parmi les 28 dont la candidature a été provisoirement retenue par la Cour Constitutionnelle, combien croient réellement en leur destin national? Très peu. Ils tiennent dans un quatuor, voire un trio, et se connaissent très probablement. Le scrutin étant ouvert, on peut arrondir ce cercle à une demi-douzaine de candidats.
Viennent ensuite ceux qui savent qu’ils ne vaincront pas mais qu’ils peuvent être, en revanche, faiseurs de roi – ou peut-être de reine – dans le cadre d’une alliance au 2ème tour. Il est presque certain qu’aucun des 28 candidats n’a les moyens de gagner au 1er tour. Même pour le 2ème, il ne faut surtout pas se tromper d’alliés, car les erreurs d’appréciation et de stratégie se paieront cash. Les éléments de cette catégorie de candidats, peut-être une demi-douzaine, lorgnent des portefeuilles ministériels et autres postes stratégiques. Ils négocieront très cher leurs voix.
Parmi les autres, il y en a qui visent les retombées bénéfiques du scrutin sur leurs affaires. Car un candidat malheureux à l’élection présidentielle n’est pas n’importe qui. La visibilité que cela confère à l’intéressé peut impacter positivement sur ses finances. La caution de 10 millions n’est donc pas de l’argent jeté par la fenêtre. Il y aura forcément un retour sur investissement pour les plus chanceux.
Il y a une dernière catégorie de candidats, qui viennent uniquement pour sous les feux de la rampe et se faire ainsi connaître du grand public. Quand ce n’est pas pour amuser tout simplement la galerie. Ce qui est sûr, c’est que très peu verront leur caution remboursée à moitié, dans la mesure où la condition est d’atteindre au moins 5% des suffrages exprimés.
Il est souhaitable, malgré tout, que le nombre de ceux qui veulent jauger leur destin national au Mali soit revu à la baisse, pour une raison très pratique. Chaque candidat coûtant au budget d’Etat des dizaines, voire des centaines de millions de FCFA, combien d’écoles et de centres de santé pourrait-on construire avec les économies ainsi réalisées?
Yaya Sidibé
22 Septembre du 04 Juillet 2013