Présidentielle 2012/ Vers une CENI sans l’opposition ?

Déjà quelques semaines et les partis de l’opposition et ceux de la majorité n’arrivent pas à accorder leurs violons  dans une répartition équitable des dix sièges de la CENI qui leurs sont réservés, au titre de la loi. Alors que l’opposition réclame une répartition sur la base d’un partage mathématique, la majorité, elle, propose un poste au lieu de 5. Appelée à la rescousse, l’administration semble avoir une position déjà tranchée. « Le ministre de l’administration territoriale et des collectivités locales a toujours privilégié la voix du consensus.

Nous demandons aux partis politiques de s’entendre. Mais, dans le cas contraire, l’administration va procéder à la mise en place de la CENI sur la base des textes ». C’est  en ces termes que s’est exprimé Bassidy Coulibaly, Directeur de l’Intérieur, lors de l’émission « Débats de  Cité » diffusé sur les antennes de l’ORTM le dimanche 14 août 2012. Mais, pourquoi attendre l’échec du consensus pour appliquer les textes de la République ? Est-ce-à dire que l’administration a conscience des insuffisances de l’article 4 de la loi électorale qui prête à confusion?   

Si  le débat du 14 août 2011 devait  aider à admettre que l’article 4 de la loi électorale n’est pas bon. Alors les experts maliens devraient s’assumer en les réajustant  et partir du préalable que les textes sont faits pour éviter des difficultés inutiles  dans la bonne  marche de la vie publique.         

Arguments contre arguments, pendant ce débat, l’opposition représentée par Mohamed Ag Akeratane, secrétaire politique du parti SADI et la majorité représentée par Ibrahima Ndiaye, vice-président de l’ADEMA, ont tenté chacun à sa façon de se rallier le soutien de l’opinion nationale.

Quand le mot « équité » a plusieurs sens

Pour Ibrahima Ndiaye, les  9 sièges pour la majorité contre 1 siège pour l’opposition est l’expression de la démocratie et de la justice. Mohamed Ag Akeratane de son côté s’est insurgé contre cette manière de voir les choses. « La démarche de la majorité éloigne le Mali de l’esprit de la CENI », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que l’opposition malienne ne saurait accepter d’être symboliquement représenté à la CENI par un seul membre.

En plus des représentants des partis politiques de l’opposition et de la majorité, la société civile était représentée par Amadou Dadié Tékété de l’AMDH et par Me Brehima Koné, Président de l’Union interafricaine des droits de l’homme, ancien Président de l’AMDH et ancien membre de la CENI. Dans un premier temps, Amadou Dadié Tékété a pris fait et cause pour la majorité en soutenant que le 9 contre 1 est conforme à l’esprit de la loi. Mais, il s’est vite ravisé pour  s’efforcer d’avoir une position un peu plus neutre en prônant le consensus entre les partis politiques. Pour sa part, Me Brehima Koné, après avoir clairement dit qu’il ne pensait pas qu’équité voulait dire égalité, a estimé qu’il est quand même inacceptable que l’opposition ne soit représentée que par un seul membre au moment où la majorité a  9 représentants. Se fondant sur l’expérience de sa participation  à la CENI en tant que membre, Me Brehima Koné a estimé que si les différents acteurs sont d’accord que la CENI a un rôle de supervision du processus électoral, ils doivent obligatoirement accepter de relever le nombre des représentants de l’opposition dans cette structure. Il a même souhaité que le quota de la société civile plus celui de l’opposition  soit supérieur  au nombre de sièges qui revient à la majorité.

Mais, contrairement à Me Brehima Koné, Amadou Dadié Tékété et même à Ibrahima Ndiaye et à Mohamed Ag Akératane, les téléspectateurs ont constaté que Bassidy Coulibaly  n’était pas dans la logique de quelqu’un qui souhaitait une issue heureuse à ce bras de fer. Comme s’il avait un intérêt particulier à l’exacerbation de la crise dans la mise en place de la CENI, le Directeur de l’intérieur a  même soutenu  que le désistement d’une formation politique ne remet pas en cause la mise en place de la CENI.  

« S’il n’y a pas consensus, comme prôné par le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, l’Etat prendra toutes ses responsabilités en appliquant les textes. Le désistement d’une formation politique ne remet pas en cause la mise en place de la CENI », a-t-il déclaré. Le SADI est le seul parti de l’opposition représentée à l’Assemblée nationale si la crise se cristallisait il n’est pas sûr qu’il  participe à la CENI tout en se réservant le droit de saisir les juridictions compétentes comme certains lui prêtent l’intention. Ce qui conduirait à une CENI peu crédible dont l’absence n’est pas sans conséquence sur la crédibilité même des élections. Et Mohamed Ag Akeratane de se demander si  l’administration ne veut pas créer une opposition de circonstance pour les besoins de sa cause.

Assane Koné

 

Le Républicain 18/08/2011