Poutine nie toute implication russe en Ukraine, Washington prépare des sanctions

Alors que les Ukrainiens et les Occidentaux craignaient une opération militaire de grande envergure en Ukraine, le chef de l’Etat russe a estimé que l’envoi de troupes russes n’était « pas nécessaire pour le moment ».

Mais le président américain Barack Obama a sérieusement mis en doute la bonne foi de M. Poutine affirmant que ses déclarations « ne trompent personne ».

En visite à Kiev, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a de son côté vivement condamné l' »acte d’agression » de la Russie contre l’Ukraine, ajoutant toutefois que son pays ne cherche pas « la confrontation » avec Moscou.

En fait, M. Poutine n’a pas entièrement écarté l’envoi de troupes en Ukraine. « Cette possibilité existe », a-t-il dit en précisant que la Russie se réservait le droit de recourir à « tous les moyens » pour protéger ses citoyens dans cette ancienne république soviétique, notamment en Crimée où la population est composée à 60% de citoyens russes.

Les marchés financiers ont relâché la pression et voulaient croire à un apaisement après les déclarations de Vladimir Poutine.

Au lendemain d’un vent de panique sur les places boursières, la Bourse de Paris a ainsi clôturé sur une hausse de 2,45%. Celle de Francfort a terminé sur une progression de 2,46% et Londres de 1,72%. L’Eurostoxx, qui regroupe les principales valeurs européennes, progressait de 2,7%.

Dans la péninsule de Crimée, objet de l’attention de toutes les chancelleries des grandes puissances, le face-à-face se poursuit entre l’armée ukrainienne et des milliers de membres des forces russes qui les contiennent dans leurs casernes. Depuis plusieurs jours, responsables militaires ukrainiens et russes se livrent une guerre des nerfs à coups d’ultimatums sur un possible assaut des forces russes.

Vladimir Poutine, avare de déclarations depuis la destitution le 22 février du président Ianoukovitch après trois mois d’un mouvement de contestation qui a tourné à la confrontation violente se soldant par la mort de 98 personnes à travers le pays, s’est longuement expliqué.

Il a nié que des forces russes opéraient en Crimée, affirmant que ce sont des « forces locales d’auto-défense » qui bloquent les bases ukrainiennes.

-‘Forces locales d’autodéfense’-

Interrogé sur les nouvelles autorités au pouvoir en Ukraine, Vladimir Poutine a répété qu’il n’y avait « qu’un seul président légitime », Viktor Ianoukovitch.

« Il ne peut y avoir qu’une seule appréciation sur ce qui s’est passé à Kiev et en Ukraine: il s’agit d’un coup d’Etat anticonstitutionnel, d’une prise de pouvoir par les armes », a martelé M. Poutine.

Il a enfin accusé les Occidentaux d’avoir eu recours à des « entraîneurs » pour former les « unités de combat », en référence aux contestataires ukrainiens.

Les déclarations du maître du Kremlin, stigmatisé par la communauté internationale, interviennent quelques heures après que les Etats-Unis ont accentué leur pression sur la Russie en rompant toute coopération militaire avec Moscou et en menaçant de nouvelles sanctions.

« Le message que nous faisons passer aux Russes est que, s’ils continuent sur leur trajectoire actuelle, nous examinerons un ensemble de mesures économiques et diplomatiques qui isoleront la Russie », a prévenu Barack Obama.

Un responsable américain voyageant avec le secrétaire d’Etat John Kerry, arrivé à Kiev, a prévenu que des sanctions américaines contre la Russie interviendront « probablement dans la semaine ».

Dans un entretien à la chaîne d’informations en continu italienne Sky TG24, l’ex-Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko a appelé les Occidentaux à imposer des « sanctions économiques surtout si l’escalade de la violence se poursuit ».

En visite à Tunis, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a affirmé que les menaces de sanctions ne changeront pas la position russe sur l’Ukraine.

Et à Moscou, un conseiller du président Vladimir Poutine a répliqué aux menaces de Washington en promettant l’apocalypse financier à Washington.

« Les tentatives d’annoncer des sanctions contre la Russie mèneront au krach du système financier américain et à la fin de la domination des Etats-Unis dans le système financier mondial », a déclaré Sergueï Glaziev à l’agence publique Ria Novosti.

Parallèlement, Moscou va utiliser l’arme économique contre Kiev, ayant décidé de mettre fin au rabais sur le gaz vendu à l’Ukraine accordé en décembre dernier.

« Etant donné que l’Ukraine ne remplit pas ses obligations, ne se conforme pas aux accords sur l’octroi d’un rabais signés comme avenant au contrat, Gazprom a décidé de ne pas prolonger la durée de ce rabais, et ce dès le mois prochain », a déclaré le patron du géant russe, Alexeï Miller.

Sur le plan diplomatique, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a rencontré à Kiev les nouvelles autorités.

Le responsable américain a apporté dans ses bagages une importante assistance économique à Kiev, les Etats-Unis offrant d’accorder notamment un milliard de dollars dans le cadre d’un prêt international.

L’Union europénne pour sa part s’engage à aider Kiev à régler sa dette de deux milliards de dollars pour ses achats de gaz russe.

« L’aide de la Commission sera complétée par des aides accordées par certains Etats », a expliqué le commissaire européen à l’Energie, Gunther Oettinger, en soulignant que l’aide d’un milliard de dollars annoncée mardi par les Etats-Unis servirait également à régler cette dette.

Parallèlement, les négociations ont repris entre Kiev et le Fonds monétaire international (FMI) pour un plan de sauvetage de l’économie ukrainienne, a indiqué Arseni Iatseniouk, le Premier ministre ukrainien. « J’espère que l’accord avec le FMI sera signé et mis en oeuvre », a-t-il dit.

– Tirs de semonce –

Environ 16.000 soldats, dont au moins 5.000 arrivés ces derniers jours, occupent la Crimée, une région stratégique pour Moscou et pour sa flotte militaire.

Les forces russes cernent la plupart des sites stratégiques (navires de guerre, casernes, bâtiments de l’administration).

La guerre de l’information, et de la désinformation, que se livrent Kiev et Moscou par médias interposés, se double d’une guerre des nerfs sur le terrain.

Pour la première fois, les forces russes qui encerclent la base aérienne ukrainienne de Belbek, en Crimée, ont tiré des coups de semonce sur les militaires ukrainiens qui tentaient de s’approcher.

Les forces russes ont tiré en l’air lorsqu’un groupe de 300 militaires s’est approché. Ils ont également menacé de tirer dans les jambes des soldats ukrainiens si ces derniers continuaient d’approcher, selon des témoignages recueillis par l’AFP.

Après des négociations entre Russes et Ukrainiens, la tension est retombée. Et les soldats ukrainiens sont restés à l’extérieur de la base.

Un Conseil Otan-Russie, qui réunit les ambassadeurs des pays de l’Alliance atlantique et de la Russie, se tiendra mercredi au siège de l’Otan à Bruxelles

 

AFP 2014-03-04