Bolibana, fin de course pour le président El Hadj Ibrahim Keïta ce jour mardi 18 Août 2020 à trois ans au moins de la fin de son 2ème mandat. Cette triste fin n’est vraiment pas souhaitable pour lui, même s’il faut croire que chacun répond de son destin. Qu’on l’appelle coup d’Etat, qu’on l’appelle achèvement d’un soulèvement populaire, qu’importe ? La force militaire a prévalu, prévalu parce que nos politiciens se réclamant tous démocrates n’ont pas su s’élever au-dessus de leur égo. Par rapport au Président IBK, il y a lieu de chercher à savoir comment cet homme d’Etat riche de sa carrière professionnelle et politique, appelé à être l’un des plus grands présidents du Mali a fini par être celui qui a été le plus décrié ? Quelles sont les causes profondes de l’échec du président ?
D’abord, il est né chez IBK une sorte d’ambition, une ambition qui, elle-même, trouve sa source dans sa volonté affichée de vengeance contre certains de la famille ADEMA, parti qui ne l’a pas suivi dans sa démarche vivant à succéder à Alpha Oumar KONARE à la magistrature suprême. Cette frustration et cette humiliation qu’il a eues de la part de ses pairs l’ont poussé à créer son propre parti, le RPM. C’était donc la marche vers la vengeance. Malheureusement à ce temps, la marche du RPM n’a pas été facile et IBK élu député de la commune IV du district de Bamako, c’est le coup de pousse du président ATT. Les élections de 2002 ont donné le coup de grâce au parti des tisserands qui allaient à vau-l’eau n’eût été le coup d’Etat en 2012 amené par le Capitaine Amadou Aya SANOGO.
En revenant un peu dans le temps, il est donc clair qu’IBK ne s’est pas fait que des amis quand il a été premier ministre d’Alpha Oumar KONARE. C’est celui qui a envoyé les animateurs du COPPO aller se promener dans différentes prisons du Mali. Parmi ces personnalités emprisonnées, il y avait un certain Me Mountaga TALL, grand animateur aujourd’hui de M5-RFP. Donc, depuis ce moment, IBK a eu contre lui ses anciens camarades de l’adema-Pasj, les personnalités du COPPO. A cela, il faut ajouter certains propos amers d’IBK contre ATT, Président. Encore que l’homme président de l’Assemblée Nationale s’est inséré dans l’opposition.
En mars 2012, lorsqu’ATT a été renversé, IBK n’a pas jugé nécessaire de condamner le coup d’Etat d’Aya à l’opposé du FSD. D’ailleurs il a soutenu de façon tacite les nouveaux maîtres du Mali. Calcul politique ou positionnement, lui seul le savait. Vint la présidentielle de 2013. Comme pour lui tendre la perche, Amadou Aya SANOGO a mis en contribution toutes les garnisons du Mali pour l’élection d’IBK. De l’autre côté, IBK s’est attaché les services de certains religieux et associations islamiques pour assurer son élection. Sabati 2012 ne dira pas le contraire. Des mosquées ont été érigées en QG de campagne. Le haut conseil islamique en ce temps sous la direction de Mahmoud DICKO a pesé de tout son poids pour que IBK soit élu président du Mali. Ce jour-là, dans son souci de se faire élire, IBK a oublié qu’en politique la religion est une mauvaise conseillère. C’est ce qui a fait un effet de boomerang avec les évènements actuels parce que le deal entre IBK et ces religieux a foiré. Conséquence de tout cela, le 2ème tour pour IBK a été un plébiscite au point que face à l’évidence, Soumaïla CISSE, son challenger accompagné de sa femme se sont rendus à son domicile pour le remercier et le féliciter de cette victoire. Une fois parvenu à la magistrature suprême, il restait à Ibrahim Boubacar KEITA de se montrer à la hauteur de la mission qui était devenue la sienne.
Le premier faux pas de IBK Président, c’est de ne pas avoir respecté son slogan de campagne : « Le Mali d’abord ». Dès la formation du gouvernement Oumar Tatam LY, les maliens ont constaté que nombreux étaient les ministres qui étaient des proches d’IBK et de sa femme Aminata Maiga. Avec la mise en place de l’assemblée nationale où le RPM est majoritaire, c’est le beau-père Issiaka SIDIBE qui est élu président de l’assemblée nationale. Pire, son propre fils, Karim KEITA, est élu président de la commission de défense au détriment de Niamé KEITA paix à son âme, militaire de formation. Il était donc aisé de comprendre que la promotion d’Issiaka et de Karim, ce n’était pas leur valeur intrinsèque mais plutôt parce qu’IBK est président du Mali. Tout le monde sait qu’une carrière politique ne naît pas ex nihilo mais qu’elle se prépare sur des années. Mais ces deux ont été propulsés dans leur fonction parce que c’est la famille. A cela il faut ajouter certaines prises de décisions contestées qui avec l’influence de la première dame a fini par convaincre les détracteurs que « Le Mali d’abord » était devenu « Ma famille d’abord ». Au cours donc de son premier mandat, la situation sécuritaire s’est fortement détériorée avec la perte d’une partie du Nord et du centre. Le drapeau malien qui flottait par les vents légers de Kidal a cessé de flotter. Les grandes promesses d’IBK pour récupérer le Nord, pour préserver l’intégrité territoriale du Mali se sont affaissées. Lui qui disait que le Mali était tombé à Terre sous ATT a vite désenchanté. Lui qui avait juré de combattre la corruption, la gabegie et le clientélisme a fait profil bas au point que la déception des maliens étaient au comble. L’immixtion de la famille dans la gestion du pays est devenue une gangrène. L’espoir n’était plus. Le régime d’IBK était très bas au point que son élection pour un 2ème Mandat semblait compromise. Trois (03) mois avant l’élection présidentielle de 2018, le Président, dans une sorte de précampagne, a parcouru les grands centres à réservoir électoral. De Kayes à Koulikoro, de Sikasso à Ségou, de Koutiala à San et autres localités, IBK a tenu à mobiliser ses troupes. D’inaugurations à inaugurations, de promesses en promesses, IBK s’est présenté comme le sauveur du Mali. Les grands moyens de l’Etat comme l’ORTM en tête ont été mis à contribution pour donner l’image d’un chef d’Etat fort, capable, patriote. La fondation « Agir » de la première dame n’est pas demeurée en reste dans la mobilisation des femmes par des largesses de toutes sortes. Les clubs de soutien des jeunes, des associations taillées sur mesure ont été créées pour relayer dans tous les coins et recoins le message d’IBK. A cela, il fallait ajouter les chefs de fraction et de tribus du Nord qui sont les faiseurs de roi dans une région où l’Etat n’existe. Fait notoire pour ce 2ème mandat, les mêmes religieux dont le chérif de Nioro, Mahmoud Dicko devenu ancien Président du haut conseil islamique du Mali qui ont favorisé l’élection d’IBK lors de son premier mandat ont appelé à voter contre lui. Malheureusement par naïveté, ceux-ci n’ont pas compris qu’il est difficile pour un président en exercice de ne pas se faire réélire. Malgré toutes les contestations de Soumaïla CISSE, la Cour Constitutionnelle a déclaré IBK vainqueur au 2ème tour et l’a renvoyé dans ses fonctions. IBK a donc eu l’occasion de prouver à Mahmoud DICKO et à M’Bouillé que sans eux, il était élu. Entre temps le renouvellement du haut conseil islamique était passé par là et Ousmane Madani Chérif Haidara est devenu le nouveau Président.
Enfin viennent les élections législatives de Mars et Avril 2020 où les résultats provisoires prononcés par l’administration territoriale n’arrangeaient pas le Président à la quête de la majorité parlementaire. Il fallait donc rectifier le tir et la cour constitutionnelle était là pour ça. IBK n’avait pas besoin de leur donner un ordre car eux de la cour peut-être pas tous, savaient ce qu’ils devaient faire. Rappelons que lors du procès Crime de sang intenté contre Moussa TRAORE, Manaïssa, procureur répondant à la question de savoir « Qui a donné ordre de tirer » a dit ceci : « Moussa TRAORE n’avait pas besoin de donner ordre de tirer, dans son régime chacun savait ce qu’il devait faire. ». Ici aussi, le Président n’avait pas besoin de donner un ordre pour avoir la majorité car Manaïssa le savait déjà. D’où le tripatouillage des résultats en pensant que l’arrêt de la cour est sans appel. C’est oublier que l’injustice persistante appelle à la révolte. Si l’arrêt de la cour est sans appel et irrévocable, doit-on se taire devant l’injustice ? Pourtant voilà la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Au lieu de trouver une solution à cette vague d’indignation, IBK n’a rien fait. Pire, il a tout fait pour mettre Moussa Tembiné à la tête de l’assemblée nationale alors qu’un Diarassouba était mieux indiqué. Cela a créé un soulèvement au sein de son propre parti.
Il faut conclure que IBK a préparé sa propre chute car l’orgueil personnel lui a nui. Il a été mal conseillé et n’a pas su se défaire de personnalités véreuses qui faisaient croire que le M5-RFP ne représentait pas le peuple. Il semblait ne pouvoir rien contrôler comme si quelque pouvoir maléfique avait jeté le mauvais sort sur lui. Il a fini par accepter tout ce qu’on lui avait demandé alors qu’il s’en était opposé au nom de la légalité. Ainsi donc ,il arriva ce qui devait arrivé : son renversement.
M.M. Dembélé