«Ce dossier de construction de l’usine de la SODEMA est clos. L’autorisation de construire délivrée à Achcar est annulée». Cette petite phrase tenue par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré, lors de la clôture de l’édition 2009 de l’Espace d’Interpellation Démocratique, avait été interprétée comme le signe annonciateur de l’arrêt des travaux de construction de la nouvelle usine de la Société des détergents du Mali. Mais, hélas!, depuis quelques temps, une vive tension existe désormais entre la population et la SODEMA, après l’annulation par le Tribunal administratif de Bamako de la décision N° 550 du Gouverneur de la capitale, portant elle-même annulation de l’autorisation de construire, et la reprise des travaux de construction.
Les faits
Nous sommes en 2002. Avec l’organisation par notre pays de la Coupe d’Afrique des Nations, le gouvernement, dans le cadre d’une promotion immobilière, décide de céder des titres fonciers à des agences immobilières. C’est dans ce contexte que l’Etat a cédé à Koma Doumbia, représentant les établissements Ténéma Doumbia et Frères, par acte administratif, un terrain, objet du titre foncier N° 524/CI, situé entre la Cité Mali-Univers et le village CAN, au quartier de Sotuba, pour y construire des bâtiments à usage d’habitation. Après quelques années, le Sieur Ténéma Doumbia céda le terrain à Alain Achcar, promoteur de l’usine de savon SODEMA. Ce dernier se propose alors de faire de ce site, initialement destiné à l’habitation, un local pour son usine. Et cela au milieu des habitations. Face à ce manque de considération à son égard, la population de Sotuba ACI, regroupée au sein de l’Association pour le Développement et la Solidarité entre les habitants de la Cité Mali-Univers de Sotuba (ADSS), a décidé tout d’abord de manifester son ras-le-bol en menant des démarches auprès de plusieurs autorités administratives. C’est dans ce cadre qu’elle a successivement écrit à la Présidence de la République, au ministre du Logement, de l’Urbanisme et des Affaires Foncières, au Garde des Sceaux, avant de procéder elle-même à la démolition répétée des constructions déjà effectuées sur le terrain, face à la parodie de justice organisée dans le cadre de l’invalidation de la décision d’annulation du Gouverneur.
I. Féfé Koné sur le banc des accusés
On ne cessera jamais de le dire. L’ancien gouverneur de Bamako, actuellement en poste à Sikasso, Ibrahima Féfé Koné, est sans doute l’un des gouverneurs les plus controversés que la ville des trois caïmans ait connus. Comme en témoigne sa décision, abusive et impopulaire, d’autorisation de construire N°133/GDB-CAB, délivrée à Alain Achcar, pour un site à usage d’habitation à Sotuba ACI. Comment l’ex gouverneur de Bamako s’est-il montré aussi naïf en autorisant l’implantation d’une usine qui emploie des produits toxiques au milieu des populations, s’interrogent désormais les populations de Sotuba ACI, qui n’entendent pas un seul instant reculer face aux multiples harcèlements policiers dans cette affaire. En témoigne la courte interpellation musclée avant-hier d’un jeune tailleur par un Inspecteur zélé du 12ème arrondissement du nom de Yoro Diakité. Est- ce par mépris de la population, ou a-t-il tout simplement monnayé sa signature, comme certains de nos responsables savent s’y bien se prêter? Une chose est sûre, on peut aujourd’hui conclure que l’autorisation d’Ibrahima Féfé Koné a été l’étincelle qui aura mis le feu aux poudres. Même si la justice pouvait redresser la barre en annulant la décision. Mais c’est certainement mal connaitre notre justice qui a vraiment déçu dans ce dossier.
La justice prête main forte à la mafia libanaise
La justice malienne est comme une petite barque sur une rivière tourmentée, sans gouvernail, qui se laisse aller au gré de la direction que l’eau lui donne, avait soutenu en substance, devant le tribunal de première instance de la commune III, un célèbre avocat de la place, dans le dossier de la mort de Modibo Keïta. Cette déclaration se prête bien aujourd’hui à l’affaire de la construction du nouveau siège de l’usine de la SODEMA à Sotuba. Une fois encore, nos magistrats, du moins certains d’entre eux, se sont montrés très partiaux dans le dossier, en annulant purement et simplement la contre-décision que le gouverneur de Bamako avait prise pour se remettre en cause après l’intervention du ministre des Domaines, par correspondance N° 416 à lui adressée pour rappeler la vocation de la parcelle en question. Une décision de justice qui témoigne, une fois de plus, qu’il existe dans notre pays des magistrats qui ne tranchent que dans le sens du plus fort. Financièrement entendu, bien sûr. Sinon, comment comprendre cette décision, qui met en danger la vie de milliers de personnes, au profit d’une mafia libanaise qui n a de considération que pour ses intérêts égoïstes?
Dans tous les cas, devant la détermination des habitants de Sotuba ACI, l’intervention des plus hautes autorités est plus que jamais nécessaire dans ce dossier, pour décanter la situation.
Yaya Samaké
Le 22 Septembre 03/11/2011