Pour les mois d’août, septembre et octobre 2014, l’Etat a versé 500 millions FCFA à…Sky Color

ibk avion

Le scandale de la prétendue acquisition d’un avion de commandement pour le Mali est un feuilleton qui ne cesse de dérouler ses épisodes, aussi burlesques les uns que les autres. En effet, non seulement cet avion que nous avons ironiquement baptisé Ladji Bourama  Air Force One n’est pas une propriété du Mali – parce qu’enregistré au nom d’une société privée à Aruba dans les Petites Antilles Hollandaises – mais plus grave encore, malgré le flou artistique qui entoure son coût d’acquisition, cet avion continue de vider les caisses du Trésor public pour satisfaire les exigences imposées par des contrats maffieux qui ont été scellés sur le dos du Mali.

Peut-on vraiment admettre que le président de la République ne soit pas vraiment mis au courant de ce qui se tramait concernant l’opération d’achat d’avion de commandement et le marché de gré à gré d’équipements militaires ? C’est difficile de répondre par l’affirmative parce que, soutenir que tout a été fait à son insu signifierait tout simplement qu’il devrait donc démissionner ou être démis de ses fonctions soit pour incompétence soit pour négligence coupable.

De toute façon, nous n’envisageons pas de hurler avec les loups qui tentent de trouver les têtes de turcs parfaites pour absoudre IBK quant à ses responsabilités concernant ce saccage des ressources financières du pays. Du jamais vu au Mali depuis l’indépendance car on a beau fouiller dans la mémoire collective, on ne retrouvera jamais de scandales financiers d’une si grande ampleur.

Cette histoire d’acquisition d’un avion de commandement, comme l’a si bien dit Soumeylou Boubèye Maïga, a été dirigée par IBK en personne. Le chef de l’Etat est bien au fait du dossier, aussi bien pour le montage technique que pour l’aspect financier. Il suffit de remonter au tout début de cette opération pour s’en rendre compte.

En effet, c’est lors d’une séance du Conseil des ministres que le Président IBK a interpellé le Premier ministre d’alors, Oumar Tatam Ly, sur la nécessité de lui trouver un avion et dans les meilleurs délais possibles. Dès le mercredi suivant, il a apostrophé de nouveau le Premier ministre pour savoir s’il pouvait effectuer ses prochains voyages à bord de son nouvel aéronef. Pour les deux premiers voyages, à savoir les déplacements sur Washington et Bruxelles, Oumar Tatam Ly avait répondu par la négative. Mais pour la dernière destination, le Rwanda, le Premier ministre avait évoqué la possibilité de pouvoir satisfaire le vœu  de son chef. C’est dire que c’est sur la base d’une forte demande d’IBK que l’opération a été déclenchée.

Opération inspirée par Michel Tomi

Mais dès cet instant, l’opération échappe au Premier ministre Oumar Tatam Ly, obligé par la suite de rendre sa démission pour avoir réclamé en vain la tête du ministre de la défense Soumeylou Boubèye Maïga et celle Mme Bouaré Fily Sissoko, ministre de l’économie et des finances. Il leur reprochait leur manie à engager le Mali dans des opérations financières illégales et inopportunes. Mais IBK, en son temps, avait donc préféré se séparer de son Premier ministre.

Il nous revient que l’opération d’achat d’un nouvel avion a été inspirée par Tomi Michel, sous le prétexte que celui laissé par ATT ne vaut pas un kopek. Il envisageait de se l’approprier. En effet, il a aussitôt proposé de trouver un expert pour se prononcer sur son état. Aussitôt dit, aussitôt ! Il a effectivement amené « son expert » qu’il a lui-même payé à 5.000 USD.

Fait inédit qui a intrigué tous les techniciens de l’aéronautique et le personnel technique de Bamako-Sénou, l’expert s’est tout simplement arrêté au pied de l’avion pour prononcer le verdict auquel on s’attendait : il n’est pas monté à bord et ne s’est intéressé à aucun aspect technique pour conclure que cet avion ne vaut que 200 millions FCFA.

Le tour joué, Tomi peut maintenant faire faire main basse sur cet aéronef. Ça, c’est un autre scandale !

IBK pris aux mots

C’est donc Michel Tomi qui a fait le montage financier de l’acquisition de Ladji Air Force One et a amené IBK à rencontrer l’homme d’affaires australien Reg Grundy – un ami de Michel Tomi – qui en était le propriétaire. C’est pourquoi on s’étonne que l’on veuille distiller dans l’opinion la justification selon laquelle la confiance du président de la République aurait été trahie.

Nous allons d’ailleurs prendre IBK aux mots, lui qui déclarait dans une interview accordée à Jeune-Afrique : «Cet avion appartient à un couple de producteurs australiens qui l’utilisaient deux fois par an. Il était sur le marché de l’occasion avec 6.000 heures de vol au compteur. Les experts envoyés pour l’examiner à Saint-Louis aux Etats-Unis nous ont certifié de son bon état. L’avion aujourd’hui n’est pas un luxe pour un chef d’Etat. C’est une nécessité de souveraineté (nous soulignons bien ce mot). Nous avons eu ce débat dans les années 60 sous Modibo Kéita. Un député de ce dernier s’est exclamé : « alors comme ça, vous voulez que le Président du Mali voyage à dos de chameau. Quant au financement, il a été assuré à 85% par un emprunt auprès de la Banque de développement du Mali, les 15% restants étant directement réglés par l’Etat. Comme il s’agit d’un avion de commandement, le signataire est le ministre de la défense ».

Ces propos pris dans leur crudité, sonnent comme un plaidoyer en faveur de la procédure d’achat de l’avion et une reconnaissance explicite qu’il était bien au courant des actes posés par Soumeylou Boubèye Maïga. D’ailleurs, à travers ses propos, IBK prouve à suffisance qu’il en savait déjà beaucoup sur cette affaire de l’avion. Dès lors, l’on comprend alors la sortie de Soumeylou ces derniers jours. Elle s’apparente à du « même si c’est moi, je ne suis pas seul… ».

Soumeylou crée une société privée pour enregistrer l’avion à Aruba

Effectivement, nous persistons et signons qu’Akira investment Limited, qui a signé avec le ministère de la défense le contrat de vente de l’avion, a été créée de toutes pièces uniquement pour cette opération. Elle était domiciliée aux îles vierges britanniques. Mais elle ne laisse plus de trace. Elle a tout simplement disparu. En plus, aucune de ses données bancaires ne figure dans les documents présentés lors de la vente de l’avion. Mieux, en tant que vendeur, il n’y a aucune trace de paiement la concernant car les décaissements ont été effectués au profit d’intermédiaires AIC et Sky Color. Bizarre !

Après achat, Soumeylou Boubèye Maïga a créé une société privée appelée Mali BBJ Limited, domiciliée en Inde. Sur cette base, le ministre de la défensea donné mandat de procéder à l’enregistrement de l’avion à Aruba, dans les Petites Antilles Hollandaises. En effet, il a donné les pleins pouvoirs à un avocat d’Aruba du nom de Lincoln D. Gomez pour procéder à l’enregistrement. Le certificat d‘enregistrement est daté du 25 mars 2014. Le même jour, le certificat de navigation, délivré par les autorités d’Aruba, est établi au nom de la société Magic Jet, désormais chargée de l’exploitation de l’aéronef.

En termes clairs, un deal non déclaré lie Mali BBJ Limited à MagicJet pour l’exploitation sous forme d’un contrat que les spécialistes appellent Dry leasing.

Souvenons-nous que, selon le rapport du Bureau du Vérificateur Général, 18 milliards FCFA ont été payés à la société AIC domiciliée à Oklahoma et près de 3 milliards FCFA sont partis vers une autre société qui a joué à l’intermédiaire. Il s’agit de Sky Color, domiciliée à Hong Kong et censée être le conseiller du gouvernement. Curieusement, Sky Color a été payé bien avant même l’achat de l’avion. (Voir fac-similé lettre du ministre de l’économie et des finances).

Encore Tomi Michel qui apparaît derrière Sky Color

Signalons que Sky Color est représentée par Marc Gaffajoli, qui a signé le contrat avec l’Etat du Mali, sous la signature de Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la défense et des anciens combattants. Il se trouve que ce même Marc Gaffajoli est le directeur exécutif de la société de Tomi Michel basée au Gabon, Afrijet Business, la même société qui louait des avions au Mali dès l’arrivée d’IBK au pouvoir, dans le sillage des services qu’elle rendait au même IBK lors de sa campagne électorale. En effet, le Falcon utilisé par IBK lors de sa campagne électorale, est une propriété de l société Afrijet de Tomi Michel. La connexion avec Tomi Michel est donc bel et bien une réalité et non une affirmation gratuite.

Il nous revient que pour les mois d’août, septembre et octobre 2014, le Trésor public malien a payé 500 millions FCFA à Sky Color, alors que, logiquement, le paiement devait se faire au profit de Magic Jet qui est en train d’exploiter l’avion. C’est la preuve que même Magic Jet est encore une province de l’empire maffieux de Michel Tomi.

Pour en revenir à la souveraineté dont parlait IBK lors de son interview avec Jeune-Afrique citée ci-haut, retenons que cette souveraineté a été écorchée car l’avion devait être piloté par des nationaux comme cela se fait dans tous les pays où existe un avion de commandement. Mais chez IBK, on préfère recourir à un personnel navigant étranger que l’on continue encore de payer chèrement. En un mot comme en mille, on continue de saigner le Trésor public pour payer les services d’un avion déclaré propriété du Mali, comme si on l’avait loué.

Ce n’est pas un avion du Mali

Rappelons que 21 milliards FCFA ont été payés dans cette histoire d’avion montée par Tomi Michel. Le Mali continue de sortir de l’argent, des milliards de nos francs, pour un avion qui ne lui appartient pas car comme l’a si bien fait remarquer le Bureau du Vérificateur général, en matière d’aviation, l’enregistrement vaut propriété. C’est donc un avion de BBJ Mali Limited basée en Inde et confié en exploitation à Magic Jet. Qu’on nous dise alors qui sont les actionnaires de Mali BBJ Limited ! C’est là où, maintenant, se situe le débat.

Quant à Michel Tomi, le parrain des parrains  inculpé et sous contrôle judiciaire pour : corruption d’agent public étranger », « complicité de faux et d’usage de faux », « abus de confiance », « complicité et recel d’abus de biens sociaux », « faux et usage de faux », « travail dissimulé » et « obtention indue d’un document administratif, il a le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière.

A.D.

journal le sphynix mali 2014-10-25  19:08:59