Il faut se réconcilier avec des valeurs comme la notion de responsabilité
Trois mois ! 90 dix jours sans fouler une pelouse pour un match officiel ! Autant de jours passés devant la télé en rongeant leurs freins, en regardant impuissant de pouvoir peser sur le résultat de certains matches en faveur de leur club.
Trois mois est la sanction infligée par la commission de discipline de l’UEFA à nos internationaux du Red Bull Salzbourg (Autriche) Mohamed Camara et Sékou Koïta.
L’annonce a été faite jeudi dernier (18 février 2020). Autant dire que la saison 2020-2021 est presque finie pour ces deux talents qui font aussi le bonheur des Aigles du Mali.
Une sanction prise avec philosophie par Mohamed et Sékou qui risquaient gros dans cette affaire si l’UEFA n’avaient pas tenu compte des circonstances atténuantes.
C’est quand même triste pour ces talentueux footballeurs qui étaient bien partis pour réussir une saison exceptionnelle.
C’est notamment le cas de Sékou Koïta qui a connu un époustouflant début de saison dans la Bundesliga autrichienne avec 14 buts en 16 matchs. Il y a de quoi être triste.
«Je suis triste de ne pas pouvoir aider mon équipe dans cette fin de saison pleine de défis.
Je suis aussi soulagé de voir que l’UEFA a entendu et pris en compte tous les éléments du dossier», a réagi le jeune attaquant de 21 ans.
«L’UEFA a estimé qu’il n’y avait pas de volonté intentionnelle d’enfreindre les règles du dopage, mais celles-ci stipulent que chaque joueur a la responsabilité de s’assurer qu’il n’ingère aucune substance interdite», a précisé le club autrichien.
Cette affaire pose un sérieux problème de responsabilité dont les principales victimes sont les deux joueurs, Red Bull Salzbourg et relativement les Aigles du Mali déjà qualifiés pour la CAN «Cameroun 2022».
Puisque le produit qu’on leur a fait prendre contre le mal d’altitude était sur la liste des médicaments interdits aux sportifs, c’est donc le médecin de l’Equipe nationale qui a failli.
Une erreur incompréhensible d’autant plus que la liste de ces médicaments est connue et accessible à tous, notamment au médecin traitant, et que le bon sens aurait voulu qu’il la vérifie d’abord avant de donner ce médicament.
Qu’est-ce qui l’a alors poussé à leur donner ce produit ?
Ignorait-il le risque ?
A-t-il voulu jouer à la chance et perdu ?
Il est de notoriété publique que les contrôles inopinés peuvent survenir partout et visent généralement les sportifs qui brillent par leur performance.
Comme la notion de responsabilité renvoie à l’obligation de s’acquitter d’un engagement et d’en assumer les conséquences, le médecin va aussi payer pour son acte.
Suspendu dès l’annonce du contrôle positif, le président de la Femafoot a annoncé jeudi dernier (18 février 2020) qu’il va être remplacé.
Cette sanction n’est rien par rapport au préjudice subi par Mohamed Camara et Sékou Koïta.
Mais, c’est quand même réconfortant de voir la Femafoot prendre ses responsabilités là où le médecin a failli.
Un mal à la base du chaos dans lequel le Mali se cherche
Surtout que la fuite de la responsabilité ou l’ignorance de son sens est l’une des plaies de notre société et un sérieux handicap pour le développement du pays.
La responsabilité est l’obligation qu’a une personne de répondre de ses actes, de les assumer, d’en supporter les conséquences du fait de sa charge, de sa position… C’est aussi la charge, mission conférée à quelqu’un par une autorité devant laquelle il doit répondre de ses actes.
La responsabilité n’est pas seulement un fait, mais aussi une valeur.
En tant que valeur sociale, suivant la perspective adoptée, elle peut prendre des significations diverses : elle renvoie donc inévitablement à des valeurs éthiques (ou morales) et est, pour une part, dépendante des idéaux d’une époque, de leur vivacité et de leur configuration sociale… En un mot, de la volonté de croire de cette époque, et d’être obéie.
Aussi, l’injonction sociale à être responsable, à être l’auteur d’une vie bien réglée, s’applique notamment à la question de la manière dont nous nous rapportons chacun à nous-mêmes, entre risque et transgression.
La notion de valeur représente ce qui inspire, motive et guide nos décisions et nos actions. La responsabilité, la rigueur, l’intégrité, le respect, l’équité, la recherche du bien commun et la collaboration sont les valeurs sur lesquelles s’appuie un responsable, un décideur…
Depuis l’avènement de la démocratie en mars 1991 (cela nous fait mal de le dire en tant que Martyr de cette démocratie), nous avons l’impression que la notion et le sens de la responsabilité ont fui notre pays. On se crêpe le chignon pour occuper des postes juste pour les avantages.
On n’assume sa responsabilité que lorsque cela nous rapporte honneur et prestige. Dans le cas contraire, un bouc émissaire est vite trouvé.
Des efforts de modernisation et de performance vains
Le fait que cette valeur soit sacrifiée dans nos services publics et entreprises d’Etat, du planton au Directeur général voire au ministre, fait que tous les investissements consentis à la sueur du contribuable pour moderniser notre administration, améliorer la performance de nos services ressemblent à l’argent jeté par la fenêtre.
Cela se voit à l’œil nu dans l’entretien des bâtiments réalisés à des milliards de CFA ou dans l’usage (hors norme ou à des fins personnelles) des équipements et matériels acquis à prix d’or.
Une fois hors d’usage, difficile de trouver un responsable ne serait que pour donner une explication rationnelle sur la raison ou la cause.
Et même si par «zèle» on parvient à situer les responsabilités, les coupables ne sont presque jamais sanctionnés où les sanctions ne sont jamais exécutées dans leur rigueur ne serait-ce qu’à titre dissuasif.
Comme valeur, la responsabilité ne peut pas s’accommoder de l’impunité ou du népotisme.
Comment sanctionner pour atteinte au bien public ou pour faute professionnelle un fils, une nièce, une copine ou une quelconque personne qu’on a placé à ce poste de responsabilité sans aucun mérite ?
De mauvaises pratiques perpétuées comme des valeurs dans tous les secteurs et dans tous les domaines. Administration publique, santé, éducation, justice, Forces de défense et de sécurité… Aucun levier n’est épargné par cette gangrène.
C’est pourquoi on s’étonne que les enquêtes n’aboutissent pas dans ce pays. Elles sont juste étouffées à cause du népotisme ou sans effet parce que les conclusions sont volontairement oubliées dans les tiroirs.
Comme pour ironiser le peuple, il n’est pas rare de voir un cadre relevé suite à un scandale ou une faute professionnelle grave qui se voit proposer ensuite un poste plus important que celui qu’il occupait.
Des pratiques dont la perpétuation a fini par sonner le glas de toutes les valeurs positives (intégrité, culte de l’excellence, professionnalisme, patriotisme…) qui doivent servir de soubassement à tout pays qui aspire réellement à émerger pour mieux se positionner dans le concert des nations.
Mais, quand l’élite d’un pays cultive à souhait la médiocrité, on ne peut que foncer tout droit vers le chaos comme nous le constatons amèrement au Mali depuis près de deux décennies.
Qui sème le vent récolte la tempête. L’adage est toujours d’une triste réalité au Mali !
Naby