On est loin de la fin de la polémique autour des méthodes et des chiffres publiés par le Bureau du vérificateur général dans son rapport 2009 sur l’état de la corruption au Mali. Une dizaine de jours après la conférence de presse organisée par le gouvernement représenté à l’occasion par les ministres de la Justice, garde des Sceaux et chargé du budget qui ont contesté le chiffre de 112 milliards de FCFA de manque à gagner pour l’Etat à cause de la corruption soutenu par le vérificateur général dans son dernier rapport, ce dernier vient de décider de réagir.
« On ne peut pas laisser passer un tel comportement (NDLR : la sortie médiatique du gouvernement) qui vient saper l’honneur d’un travail que je fais pendant 7 ans. On ne peut pas se permettre de porter atteinte à la notoriété d’une telle institution. Je prépare mes répliques et au moment venu vous les saurez », promet le vérificateur général, Sidi Sosso Diarra dans un entretien téléphonique depuis Sélingué où il s’est retranché avec son staff pour mettre la dernière main à son ultime rapport avant son départ en avril prochain. Même s’il n’a voulu rien dire sur les grandes lignes dudit rapport que certains annoncent déjà explosif, le vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, précise que cette « sortie médiatique du gouvernement est loin de l’avoir affecté personnellement et n’impactera pas le travail de son dernier rapport ». D’ailleurs, il dit comprendre l’attitude du gouvernement: « personne n’aime la vérification ! Moi-même je n’aime pas être vérifié ». Sidi Sosso Diarra dit avoir trop de travail à faire présentement, ce qui fait qu’il n’a pas encore le temps de rentrer dans cette polémique enclenchée par le gouvernement. « Au moment venu, je donnerai les répliques point par point ».
Une déclaration de guerre médiatique qui alimentera certainement l’actualité dans les jours à venir. On se rappelle que c’est le gouvernement à travers les ministres de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré et celui délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du Budget, Lassine Bouaré, qui avait dégainé le premier le jeudi 10 févier 2011. Ce jour-là, ces deux représentants ont assuré face à de la presse à l’hôtel des finances, vouloir apporter les éclairages sur le contenu du rapport 2009 du Bureau du vérificateur général, notamment la notion de « manque à gagner » pour l’Etat évalué dans un premier temps à 112.063.963.823 F CFA avant d’être ramené à 111.872.358.211 F CFA, après le constat d’une répétition de deux montants concernant l’Agence comptable centrale du Trésor (ACCT).
Cette conférence de presse se tenait au lendemain de la remise officielle du «Rapport sur la mise en œuvre des Recommandations issues du Rapport annuel 2009 du Bureau du vérificateur général» par le Premier ministre, Modibo Sidibé au vérificateur général, Sidi Sosso Diarra. Elle était surtout consécutive au rejet total du rapport 2009 du BVG par les structures contrôlées, notamment les secteurs du développement rural, des Infrastructures, des équipements et transports, des recettes et recouvrement, de la santé et solidarité, de la recherche scientifique, de l’emploi et formation professionnelle, des finances publiques, des élections et de la Justice. C’est pourquoi, avaient souligné les ministres de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré et celui chargé du Budget Lassine Bouaré, il est apparu important pour les membres du gouvernement d’élucider le concept de « manque à gagner » qui prête à confusion à bien des égards.
Ils expliquèrent que dans la compréhension du vérificateur général, Sidi Sosso Diarra cette notion recouvre deux situations : les fraudes c’est-à-dire des montants qui auraient dû être payés mais qui n’ont pu être récupérés à cause, notamment de « vols, usage de faux, détournements », minorations de recettes, non versement de sommes collectées, dépenses sans pièces justificatives, doubles paiements, etc. ; et la mauvaise gestion.(pertes ayant pour cause la non application des pénalités, les dépenses sortant du cadre des activités de l’entité, les surcoûts dus à un manque de suivi des activités, les avances non remboursées, les décaissements provisoires non justifiés par la suite).
Or, dira le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré assisté du procureur anti-corruption, Sombé Théra, « le Bureau du Vérificateur Général » n’est pas la justice et il ne saurait se substituer à la justice. Il peut saisir la justice pour des dénonciations. Sinon, c’est le président de la République qui demande à la CASCA de saisir la justice pour des compléments d’informations sur certains aspects qu’il pourrait relever dans le rapport du BVG ». Les deux orateurs ont relevé que l’expression « manque à gagner » ne figure pas dans le Code pénal, donc, pris comme tel, il ne pourra pas suffire pour réprimer.
S’agissant du ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du Budget, Lassine Bouaré, il précisera que sur les 43 rapports produits par le BVG, 10 rapports sont relatifs aux missions de suivi antérieures effectuées par le bureau lui-même. Quant aux rapports dont la suivi de la mise en œuvre des recommandations à été effectuée par les structures de l’Etat, la situation se présente comme suit : sur 167 recommandations, 93 ont été mises en œuvre, soit 56% et 74 non mises en œuvre. Au ministre Bouaré de souligner que la notion « montants recouvrables » recouvre trois situations différentes : les montants à justifier (production de pièces justificatives) ; les montants à recouvrer (remboursement de sommes indument perçues ou des créances à recouvrer) ; les montants dépensés sans base juridique (avantages matériels et/ou financiers sans texte de base).
De l’avis de l’ancien DG de l’INPS, de l’analyse des « montants recouvrables » lors de séances de travail avec les représentants des structures contrôlées, il se dégage les situations suivantes : sur le montant de 48 015 978 421 F CFA « estimé recouvrable » par le BVG, 7 656 267 408 F CFA sont reconnus par les structures concernées, conformément au constat du Bureau du Vérificateur général. Il a rassuré que le gouvernement s’engage à tout mettre en œuvre afin que les services concernés entreprennent des actions dans les meilleurs délais pour leur régularisation ou justification et éventuellement la saisine de la justice. Pour 18 761 944 590 F CFA, les structures ont fourni les pièces justificatives qui ont été recasées par le Vérificateur. Alors que 21 579 766 423 F CFA restent contestés par les structures vérifiées qui exigent à cet effet des investigations complémentaires.
Entre la position du gouvernement et les répliques que Sidi Sosso Diarra entend donner dans les jours à venir, il appartiendra aux citoyens d’apprécier et de faire leur religion sur la lutte contre la corruption au Mali.
Abdoulaye Diakité 22/02/2011