La plupart des ordonnances sur des affaires complexes sont mixtes (renvoi partiel ou non-lieu partiel) et interviennent fréquemment au fur et à mesure de l’avancement de l’instruction.
Rôle du juge d’instruction
Le juge d’instruction a pour mission de faire « tout acte utile à la manifestation de la vérité ». Concrètement, sa mission est donc de mener une enquête, qui pourra déboucher sur un jugement. En ce cas, le jugement sera pris sur la base de l’enquête menée par le juge. Afin de mener à bien sa mission, le juge d’instruction dispose de pouvoirs d’enquête très élargis.
Saisine
Un juge ne décide pas de faire une enquête. Il est saisi par le parquet ou par une victime qui se constitue partie civile. Il ne peut enquêter que sur les faits matériels dont il est saisi (in rem). Il y a, à cela, une double justification : d’une part, c’est le procureur de la République qui a la maitrise des enquêtes et des poursuites, le juge d’instruction n’intervenant que par exception. Le juge disposant de grands pouvoirs coercitifs il pourrait être dangereux pour la liberté qu’il puisse les mettre en œuvre à sa guise à tout instant. A contrario, dans certains cas comme l’absence de victime directe, ce système peut aussi empêcher des enquêtes totalement indépendantes d’être initiées, puisqu’alors seul le parquet peut être le déclencheur. Or, ce dernier est soumis directement à l’autorité du pouvoir en place, qui peut avoir des intérêts à ce qu’une enquête approfondie et sur laquelle il n’aurait pas de contrôle, ne soit déclenchée. En résumé, le juge d’instruction n’enquête que sur les faits pour lesquels le parquet lui demande d’enquêter, ou si des victimes existent et se constituent partie civile.
Pouvoirs judiciaires
Le juge d’instruction est aussi un juge. Il peut donc prononcer des mesures qui ont un caractère judiciaire, que ne peut donc prononcer un enquêteur. Le juge peut mettre en examen une personne, c’est-à-dire lui notifier qu’il existe contre elle un certain nombre d’éléments qui laissent à penser qu’elle a commis une infraction. Le terme inculpé a été remplacé en 1994 par l’expression « mis en examen ». Le mis en examen peut être toute personne qui paraît avoir participé à l’infraction, soit comme auteur, soit comme complice. Il peut d’office étendre les mises en examen. En pratique, on demande un réquisitoire supplétif adressé au ministère public. Le mis en examen a un certain nombre de droits, mais surtout il peut peser contre lui des obligations. Le juge d’instruction peut le placer sous contrôle judiciaire, c’est-à-dire lui intimer de respecter certaines obligations, comme se soigner ou encore ne pas rencontrer telle personne. Il peut également saisir un autre juge, le juge des libertés et de la détention, pour placer une personne en détention provisoire.
Enfin, à l’issue de l’enquête, le juge décide s’il y a des charges suffisantes pour renvoyer les mis en examen devant un tribunal ou une cour d’assises. Le juge ne se prononce donc pas sur la culpabilité, mais simplement sur le caractère suffisant des charges. S’il n’y a pas assez de charges, le juge d’instruction rend un non-lieu. Il arrive aussi – même le plus souvent – que l’on ne trouve pas le coupable. Si de nouveaux éléments à charge apparaissent, alors qu’une ordonnance de non-lieu pour charges insuffisantes a été prise, le procureur de la République peut demander au juge d’instruire à nouveau l’affaire. Si le non-lieu a été décidé suite à une cause légale (les faits ne constituent pas une infraction par exemple) l’ordonnance est irrévocable. Le juge pourra également prendre une ordonnance de refus d’informer si les faits sont radicalement insusceptibles de poursuites ou si l’action publique est prescrite. L’ordonnance de refus d’informer est susceptible d’appel. Il aura la possibilité d’instruire sur des faits qui sont connexes ou sur des circonstances aggravantes.
Par principe, l’instruction n’est pas contradictoire. Elle est en partie secrète. Elle a été conçue sur un modèle strictement inquisitorial. Progressivement, elle a été modifiée pour devenir plus contradictoire, c’est-à-dire pour ouvrir la porte aux débats pendant la phase d’enquête. En premier lieu, les inculpés ont eu le droit à un avocat en 1896, qui est présent pendant les interrogatoires de son client et a accès au dossier. Récemment, les avocats ont eu le droit de faire des demandes d’investigations. Certaines décisions du juge d’instruction sont susceptibles d’appel : refus de procéder à des investigations, décisions de renvoi ou de non-lieu… L’appel est porté devant une formation spéciale de la cour d’appel, la Chambre de l’instruction. La mission du juge n’est donc pas de dire la vérité, mais il instruit à charge et à décharge. Il doit rassembler des preuves afin de déterminer s’il existe des charges suffisantes contre un mis en examen. S’il estime qu’il existe suffisamment de preuves, il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation (pour saisir la cour d’assises). À défaut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu, qui met fin à la procédure. Il joue le rôle de filtre, au même titre que le parquet, pour éviter de saisir le tribunal d’affaires « injugeables ». Le juge dispose de moyens d’enquêtes importants, juridiquement tout au moins, qui justifient qu’il soit saisi pour les affaires complexes ou graves. Le juge d’instruction peut faire l’objet de deux types d’appel. Il existe tout d’abord une voie de l’appel dirigée contre les ordonnances qu’il émet, et une voie de requête en nullité. Dans les deux cas, la saisine est ouverte aux parties de la procédure : le ministère public, la personne poursuivie ou la victime si elle s’est constituée partie civile.
L’appel s’effectue auprès de la chambre d’instruction. Lorsqu’elle est saisie par la voie de l’appel (procédure classique), la saisine a un effet dévolutif, qui a pour effet de limiter l’examen de la chambre au point de droit contesté. La loi donne cependant à la chambre d’instruction un droit d’évocation qui lui permet, si elle le juge nécessaire, d’évoquer l’ensemble du dossier et non pas seulement le point de droit soumis par les parties.
Par Ben Dao
L’indicateur Le Renouveau 09/10/2012