C’est au tribunal de la commune IV du District de Bamako que le Président de la Cour Suprême, Nouhoum Tapily, a porté plainte contre le Président du Conseil National du Patronat du Mali, Mamadou Sinsy Coulibaly pour outrage à magistrat dans l’exercice de sa fonction. L’audience qui était prévue pour le mercredi 24 avril n’a pas eu lieu parce qu’elle a été empêchée par une foule en colère, s’érigeant en bouclier humain. Pourquoi des milliers de gens se sont opposés au procès contre Mamadou Sinsy Coulibaly? Le Président du Patronat est-il désormais protégé par une immunité populaire ? A quand la démission de Nouhoum Tapily de la tête de la plus haute institution judiciaire pour se consacrer à sa défense ?
Ils étaient des milliers de manifestants à avoir pris d’assaut tôt le matin la devanture du tribunal de la commune IV du District de Bamako, le mercredi 24 avril 2019, où devrait se tenir l’audience en charge contre Mamadou Sinsy Coulibaly. Les associations de soutien à l’initiative de Mamadou Sinsy Coulibaly et même des citoyens lambda ont répondu à l’appel avec un seul mot d’ordre, à savoir empêcher Mamadou Sinsy Coulibaly de franchir la porte du palais de justice de la commune IV pour répondre à la convocation du Procureur Diarra. La foule réclamait la démission de Tapily et sa présence au tribunal. Ce qui a davantage irrité les manifestants, c’est le chef d’accusation qui n’était rien d’autre qu’un outrage à magistrat dans l’exercice de ses fonctions. Beaucoup s’attendaient d’abord à la démission de Nouhoum Tapily de la présidence de la Cour Suprême et après une plainte pour diffamation et une atteinte grave à sa personnalité. Mais, à la surprise générale, c’est l’outrage à magistrat qui a été retenu. Ni la convocation du Procureur, ni la présence d’un important dispositif sécuritaire, encore moins le risque que M. Coulibaly pourrait encourir, n’ont dissuadé les manifestants à laisser le convoi transportant l’accusé et ses avocats à aller répondre à la convocation du Procureur Dramane Diarra. A bord de son V8, c’est les bras ouverts en signe de victoire qu’il s’est adressé à la foule. Le véhicule a fait demi-tour escorté par une foule déterminée ; jusqu’au siège du Patronat où il a fini par tenir un meeting devant la porte pour remercier les manifestants et tous les mouvements de soutien à son combat, qui est celui de tout le peuple malien et surtout de la frange jeune.
La population a surtout vu en ce procès une manière de faire taire Mamadou Sinsy Coulibaly, qui dit d’ailleurs détenir une liste de 1600 agents de l’Etat et même du privé qui seraient les plus corrompus. Dans ce lot, il a fait un tri en prenant 200 personnes qui ne seraient plus aptes moralement à rester à leurs postes parce que trempées dans la corruption. C’est en liant l’acte à la parole que Mamadou Sinsy Coulibaly a cité le premier nom de cette fameuse liste qui est le Président de la Cour Suprême Nouhoum Tapily. Il estime que « Tapily est le fonctionnaire le plus corrompu, le plus dangereux, un meurtrier reconnu de tous, un arnaqueur notoire, un racketteur qui a racketté leurs entreprises, un individu infâme, un assassin ». Ces accusations sont suffisamment graves et devraient susciter chez Tapily un sentiment de révolte pour venir défendre son honneur.
En définitive, Mamadou Sinsy Coulibaly est désormais protégé par une immunité populaire. Il bénéficie du soutien d’une frange importante de la population, celle qui est victime de la corruption. Quant à Nouhoum Tapily, il lui serait loisible de rendre le tablier pour préparer sa défense en attaquant M. Coulibaly avec des accusations moins légères pour sauver son honneur.
Youssouf Sissoko