Il a été arraché, à la suite d’une longue maladie, à l’affection de tous, le lundi 4 mai 2015 aux environs de 4 heures du matin à l’hôpital du Point G, où il avait été évacué en dernier lieu, après son admission à l’hôpital Mère-Enfant le Luxembourg deux semaines auparavant. Il avait 64 ans. Né le 20 janvier 1951 à Avébé (Cameroun) d’Albert Medjo et d’Atyamé Léonie, Pierre était de l’ethnie Boulou, ce nom désignant un groupe de Peuls qui s’étaient égarés dans la forêt équatoriale, perdant du coup langue et religion, et auquel appartient l’actuel Président camerounais Paul Biya.
Profondément attaché à ses racines camerounaises, Pierre n’en avait pas moins l’Afrique comme horizon. Ce panafricaniste bon teint fit ainsi des études supérieures en physique et en électronique au Nigeria, où il enseigna ensuite quelques années, avant de gagner le Mali à partir de 1995. Par éclectisme ou par goût du défi ? Toujours est-il que le choix professionnel de Pierre dans son aventure malienne se porta sur la presse privée.
À L’Indépendant, où la plupart d’entre nous l’ont rencontré pour la première fois, il a donné des années durant toute la mesure de son immense talent de spécialiste des faits divers, malgré sa formation scientifique. Il avait le don d’enrober des faits la plupart du temps dramatiques et même tragiques, mais aussi souvent cocasses, dans un humour à la «Jean-Miché Cancan». Les faits divers de Pierre Fo’o étaient très attendus par les lecteurs. Ils étaient même devenus une institution de la Page 2. Ce même immense talent, Pierre le mettra également au service du bihebdomadaire 22 Septembre, dès la création de ce journal, il y a de cela presque six ans. À cause de ses qualités humaines et professionnelles, le promoteur du journal, Chahana Takiou, le nommera Rédacteur en chef, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort, ce 4 mai. Cumulativement, il avait en charge les télécommunications, les forces armées et de sécurité et la Protection Civile, l’un de ses sujets favoris.
Malgré son âge avancé, Pierre Fo’o Medjo était prêt à descendre sur le terrain à tout moment. Ce qui lui a d’ailleurs valu des expériences heureuses et malheureuses, comme ce jour où il s’est retrouvé entravé par sa ceinture de sécurité à l’intérieur d’un pick-up dont l’arrière était en train de brûler. C’est l’une de ses consœurs qui le «libérera». L’épisode lui sera souvent rappelé ironiquement par certains de ses collègues, déclenchant toujours chez lui des éclats de rire. D’où les sobriquets de «Vieux reporter» et de «Vieux père» dont l’avaient amicalement affublé ses jeunes confrères journalistes, les plus anciens aimant à l’appeler Pierre Vrai Medjo. En bon chrétien, Pierre était toujours prêt à partager ce qu’il avait et à voler au secours de ses semblables en difficulté.
Il adorait particulièrement aller en mission à Gao, ville et région qui lui rappelaient l’une des contrées de son Cameroun natal. Car il ne faut pas oublier que le Cameroun c’est l’Afrique en miniature, tant sur le plan de la géographie physique que sur celui de la géographie humaine. Dans un monde assoiffé d’argent et de gloire, Pierre Fo’o Medjo savait se contenter de peu et apprécier les plaisirs simples de la vie. Comme de s’amuser avec Djibril Gabriel Medjo, le petit garçon de tout juste deux ans qu’il a eu avec sa compagne malienne, une Sonrhaï, qui a grandi en Côte d’Ivoire. Quand Pierre parlait du petit Djibril, que nous appelions à la Rédaction le «Prince héritier», son visage s’illuminait d’un bonheur indicible, qui le rajeunissait de quelques dizaines d’années. Mélomane, Pierre l’était aussi.
Il était surtout insatiable de la musique Zouk, qu’il pouvait écouter en boucle des heures durant. Difficile pour lui d’avoir un ennemi. Il était l’ami de tout le monde, il riait avec tout le monde. Le rire était pour lui, au demeurant, l’arme fatale qui lui permettait de se jouer des mille et un tourments de la vie. Pierre était prêt à vivre mille éternités, pour le bonheur du petit Djibril Gabriel Medjo, qu’il aurait aimé voir grandir en l’entourant de l’amour et de la tendresse paternels.
Mais, hélas, il était certainement écrit dans le grand tableau des destinées que le «Prince héritier» allait devenir orphelin de père à … moins de trois ans d’âge et que Pierre, qui n’était pas retourné au Cameroun depuis longtemps, n’allait revoir sa terre natale que pour y être inhumé. Il faut également signaler, car peu de gens le savent, que Pierre Fo’o Medjo était écrivain à ses heures. Pour avoir été conviés par lui à les relire et à les corriger, certains d’entre nous savons qu’il avait à son actif littéraire trois manuscrits, dont «Les aventures du géant d’Avebé Esse», et une pièce de théâtre. La publication de ces textes lui tenait vraiment à cœur et il avait d’ailleurs contacté nombre de maisons d’édition à cet effet. Ses livres parlent, dans un humour décapant, des tribulations d’un personnage haut en couleurs.
Mais, en réalité, l’écriture a surtout servi de prétexte à Pierre pour évoquer, dans un style à la fois dépouillé et vivant, l’histoire et les traditions de son ethnie, pour mieux les transmettre à ses enfants et les faire connaître aux autres Africains. La meilleure manière d’immortaliser Pierre Fo’o Medjo serait de faire éditer, à titre posthume, au moins l’un de ses manuscrits. Son départ précoce pour l’éternité laissera un grand vide à 22 Septembre, dont il était le doyen d’âge, à la presse malienne d’une manière générale, voire au Mali tout entier, ce pays qu’il portait haut dans son cœur.
À la demande de sa famille, son corps sera rapatrié au Cameroun. La date de ce rapatriement sera fixée ultérieurement. En attenant, la Direction et tout le personnel du journal 22 Septembre expriment à la famille du disparu leur compassion et leurs condoléances les plus attristées. Que Dieu, le Tout-puissant, à qui nous serons tous ramenés un jour, veuille bien l’accueillir dans son céleste paradis !
Source : 22 Septembre