Tous nos efforts pour rentrer en contact avec le Pdg de Mandé Construction Immobilière sont restés vains. Le téléphone de Djibril Camara ne répond pas. Les deux lignes fixes de la société sont bouchées. Les deux portes d’entrée du siège (quartier Hippodrome, rue Nelson Mandela, porte 1195) étaient sous scellés lundi et mardi. Nous y avons fait le pied de grue durant ces deux jours dans le mince espoir de rencontrer le patron des lieux. Peine perdue. Nous avons enfin laissé nos contacts (et un exemplaire de L’Aube) avec le gardien (posté à l’intérieur de la cour et qui ne laisse nul être vivant entrer. Nous attendons toujours au bout du fil.
Pourtant, au cours de notre bref séjour devant le portail de MCI, nous avons pu avoir la confirmation que Djibril Camara était à Bamako au moment où nous le « traquions ».
Le laxisme de Djibril Camara
Que cache le Pdg de Mandé Construction Immobilière ? Que se reproche-t-il ? De quoi a-t-il peur ? Depuis quand connait-il Philippe Verdon et Serge Lazarevic ? Quelle est la nature du contrat qui les liait ? Est-il au courant de leur vraie identité ?
Toutes ces questions restent en suspens jusqu’en ce que Djibril Camara nous fasse signe ou refasse signe de vie tout court depuis l’enlèvement de ses deux collaborateurs.
Cependant, nous pouvons tous constater et témoigner du laxisme dont a fait preuve le Pdg de MCI dans sa collaboration avec les deux Français, surtout qu’il savait de Philippe Verdon qu’il a servi dans l’armée française. Djibril Camara l’a confirmé dans un média étranger en ces termes : « J’ai rencontré Philippe Verdon il y a quelques mois à Paris par l’intermédiaire d’un ami d’enfance alors que je cherchais des financements. Il m’a recontacté récemment pour me dire qu’il avait les financements, mais qu’il fallait évaluer le terrain. Il m’a dit qu’il était géologue, mais aussi qu’il avait servi dans l’armée. Il m’a demandé de faire établir un visa pour Serge Lazarevic, ingénieur du bâtiment ».
Un simple clic sur le net aurait suffi au Pdg de MCI pour douter de la moralité de ses futurs partenaires. La preuve palpable en a été donnée par les médias à travers le monde entier quelques petites heures seulement après l’enlèvement des Français à Hombori.
Passé sulfureux
Philippe Verdon et Serge Lazarevic ont été enlevés dans la nuit du mercredi 22 au jeudi 23 novembre 2011 dans leur hôtel à Hombori, ville frontalière entre Mopti et Gao. Où ils étaient arrivés la veille pour prospecter le terrain dans le cadre d’un projet de construction d’une cimenterie. Ils n’ont signalé leur présence au Mali ni à l’Ambassade de France, ni au consulat de ce pays encore moins aux autorités maliennes. A Hombori non plus, Verdon et Serge n’ont pas rempli leur fiche d’arrivée à l’hôtel « Dombia », mais leurs noms figurent sur l’ordre de mission de Mandé Construction Immobilière. Ils étaient employés par cette société respectivement comme géologue et ingénieur de bâtiment et avaient effectué le déplacement sur Hombori « pour étudier le terrain ».
Mais le passé de Verdon montre que, plutôt que géologue ou ancien militaire, c’est un homme d’affaires au passé sulfureux, ayant trempé dans plusieurs histoires qui se sont terminées, notamment aux Comores et à Madagascar, par des arrestations, des emprisonnements et des expulsions.
Quant à Serge Lazarevic, il est un ex-militaire, reconverti dans la sécurité, la protection et l’expulsion musclée de squatteurs. Il est aussi connu dans l’ex-Zaïre pour des histoires de recrutement de mercenaires et en Serbie pour tentative d’assassinat du président Slobodan Milosevic.
Les ravisseurs sont soupçonnés d’être membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou d’être des «sous-traitants» travaillant pour cette organisation à laquelle ils remettent des personnes enlevées en échange d’argent.
Mais le nom de Iyad Ag Ghaly, l’ex chef de la rébellion malienne et du Mouvement populaire de libération de l’Azawad (Mpla), est également associé à l’enlèvement des deux Français.
Un investissement de 50 milliards de FCFA
C’est le 27 octobre 2009 que l’Etat malien et la société Mandé Construction Immobilière ont signé une Convention d’établissement pour un projet de cimenterie.
Ce projet consiste en la création d’une cimenterie intégrée dans une ville et une région qui n’ont pas encore connu de projets industriels majeurs. D’où le choix de Hombori. Conçu pour un investissement de plus de 50 milliards de FCFA, ce projet devait connaitre, à partir de 2012, une production de 500 000 tonnes de ciment par an.
Ainsi, les deux cimenteries, Wacem à Diamou, Fatma à Hombori, produiront au total, en année croisière 1 500 000 tonnes pour assurer l’autosuffisance en matière de ciment.
La cimenterie intégrée de Hombori, si elle voit le jour, aura des retombées très importantes sur toute la région et dans divers secteurs, grâce à ses 100 emplois permanents et ses 750 emplois temporaires et participera à l’essor d’une zone aux potentialités jusque là, non suffisamment exploitées. Les retombées concernent les milliers d’emplois qui seront créés dans le secteur du bâtiment et celui de la promotion immobilière, réputé pourvoyeur d’emplois.
C’est pourquoi, l’Etat ayant perçu et compris l’impact qu’un tel projet pouvait avoir sur le développement économique et social dela Régionet sur l’amélioration du quotidien des populations, s’est fortement impliqué dans le processus qui a mené à la signature de la convention avec Mandé Construction Immobilière, le 27 octobre 2009
Sékou Tamboura
L’AUBE 02/12/2011